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Leibniz, Nouveaux Essais sur l'entendement humain, livre II, chapitre XXI

Publié le 11/04/2012

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Le terme de liberté est fort ambigu. Il y a liberté de droit, et liberté de fait. Suivant celle de droit un esclave n'est point libre, un sujet n'est pas entièrement libre, mais un pauvre est aussi libre qu'un riche. La liberté de fait consiste ou dans la puissance de faire ce qu'on veut, ou dans la puissance de vouloir comme il faut. C'est de la liberté de faire que vous parlez, et elle a ses degrés et variétés. Généralement celui qui a plus de moyens est plus libre de faire ce qu'il veut : mais on entend la liberté particulièrement de l'usage des choses qui ont coutume d'être en notre pouvoir et surtout de l'usage libre de notre corps. Ainsi la prison et les maladies, qui nous empêchent de donner à notre corps et à nos membres le mouvement que nous voulons et que nous pouvons leur donner ordinairement, dérogent à notre liberté: c'est ainsi qu'un prisonnier n'est point libre, et qu'un paralytique n'a pas l'usage libre de ses membres. La liberté de vouloir est encore prise en deux sens différents. L'un est quand on l'oppose à l'imperfection ou à l'esclavage d'esprit, qui est une coaction ou contrainte, mais interne, comme celle qui vient des passions; l'autre sens a lieu quand on oppose la liberté à la nécessité. Dans le premier sens les stoïciens disaient que le sage seul est libre; et en effet, on n'a point l'esprit libre quand il est occupé d'une grande passion, car on ne peut point vouloir alors comme il faut, c'est-à-dire avec la délibération qui est requise. C'est ainsi que Dieu seul est parfaitement libre, et que les esprits créés ne le sont qu'à mesure qu'ils sont au-dessus des passions : et cette liberté regarde proprement notre entendement. Mais la liberté de l'esprit, opposée à la nécessité, regarde la volonté nue et en tant qu'elle est distinguée de l'entendement. C'est ce qu'on appelle le franc arbitre et consiste en ce qu'on veut que les plus fortes raisons ou impressions que l'entendement présente à la volonté n'empêchent point l'acte de la volonté d'être contingent, et ne lui donnent point une nécessité absolue et pour ainsi dire métaphysique. Et c'est dans ce sens que j'ai coutume de dire que l'entendement peut déterminer la volonté, suivant la prévalence des perceptions et raisons, d'une manière qui, lors même qu'elle est certaine et infaillible, incline sans nécessiter.

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« Un bel exemple de travail philosophique sur la diversité des accep­ tions d'un terme courant: celui de liberté.

Cette diversité peut être confu­ sion.

L'analyse critique vise ici à séparer, à distinguer ce qui doit l'être, afin qu 'on ne joue pas sur les mots.

L'unité du mot liberté peut conduire à une sorte de duperie, si l'on n'y prend garde.

Le paralytique est« libre », au sens juridique, de se mouvoir.

Le chômeur rivé à la précarité de son existence est «libre » de ne pas signer un contrat de travail particulièrement défavo­ rable à l'employé ...

Que vaut une telle référence, si elle organise la fiction d'une liberté de droit que rien ne vient soutenir ? Le travail d'analyse philosophique consiste ici à mettre en place une série de distinctions conceptuelles, tout en les ordonnant pour remonter au principe le plus intérieur de la liberté : celui qui a son siège, selon Leibniz, dans la faculté de vouloir.

La forme pronominale indiquerait bien ce statut de la puissance de juger.

«Je me rends à vos raisons » (mais je pourrais ne pas le faire).

On remarquera le souci des exemples convoqués par Leibniz pour illustrer, voire expliciter, chaque distinction conceptuelle.. »

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