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Les catégories du langage et de la grammaire correspondent-elles à celles de la pensée ?

Publié le 22/06/2009

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langage

 

Ces quelques observations faites presque au hasard nous permettent de conclure que les formes élémentaires du langage ne correspondent pas aux catégories élémentaires de la pensée. Sans doute, les divers points de vue auxquels se place le grammairien correspondent bien à des pointe de vue de la pensée. Mais les points de vue de la pensée sont bien plus nombreux, et, d’autre part, la pensée use avec une grande liberté des catégories du langage, en sorte que la grammaire seule ne suffit pas à donner le sens d’une forme verbale : il y faut de plus le contexte avec l’idée qui court sous les mots. C’est encore la pensée qui permet de découvrir le Sens des mots eux-mêmes.

 

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« phrase : les Pensées de Pascal stimulent la pensée.

Il serait facile de multiplier les exemples pour montrer qu'il n'y apas de correspondance entre les formes verbales et les formes logiques : toute langue est pauvre en mots; il y aplus d'idées que de substantifs.Entrons maintenant dans le détail des modifications que subit le substantif pour s'adapter aux variétés du réel.

Nouslaisserons de côté les déclinaisons que ne possèdent pas toutes les langues et noue nous arrêterons aux catégoriesgenre et nombre.Le nombre grammatical semble bien correspondre à un mode de penser : nous pensons différemment, suivant qu'ils'agit d'un seul ou de plusieurs.

Mais ici encore les catégories de la pensée sont bien plus variées que les catégoriesdu langage.

Ainsi, lorsque je dis que l'homme est mortel, je parle au singulier, mais je pense au pluriel, ou plutôt dansla catégorie de totalité : tous les hommes sont mortels.

Au contraire, lorsque je dis : l'homme est menteur, je penseseulement au pluriel, ou plus exactement, j'entends affirmer que la majorité des hommes est portée au mensonge.Quant au genre, nous le savons, il n'a de raison d'être que pour les noms désignant des êtres à reproductionsexuée.

Or, il (est des êtres, à reproduction sexuée dont le nom est masculin ou féminin indépendamment du sexe :le serpent et la couleuvre; le moineau et l'alouette.

Par ailleurs, tous les noms, même les noms d'objets purementmatériels, ont un genre sans aucun rapport avec la représentation que nous nous en faisons : le rabot et la varlope;la voiture et le chariot...En résumé, que nous considérions le substantif en lui-même ou dans ses deux catégories nombre et genre, nousconstatons une grande différence avec la pensée.

Il n'y a pas correspondance.Le verbe a une voix, un temps, un mode.

Examinons si ces diverses, catégories grammaticales correspondent à unmode de pensée distinct.Le verbe actif exprime une action qui se fait : je marche, je pense.

Le verbe passif, une action qui est subie : jesuis battu, j'ai été ridiculisé.

Le verbe actif correspond à la catégorie « action » d'Aristote; le verbe passif, à lacatégorie « passion ».

Mais ici encore la schématisation des grammairiens est loin de correspondre à la variétéconfuse du langage réel.

Il est des verbes actifs qui n'expriment point d'action : j'attends, il reste, je m'ennuie...;d'autres qui indiquent une action subie : je sens, je souffre.

Beaucoup de verbes passifs expriment un état et nonune passion : je suis sauvé, je suis habitué, je suis convaincu.

La grammaire ignore les catégories aristotéliciennesde l'état (je suis blessé), et de la situation (je suis debout).Le temps est une donnée psychologique indispensable pour la localisation des souvenirs et l'organisation de laconnaissance du passé.

Le temps se divise en présent, passé et futur; suivant que nous nous placerons, pourconsidérer ces diverses parties du temps, dans l'une ou dans l'autre d'elles, nous aurons des représentationsdiverses.

Je puis me placer dans le passé et considérer le présent : quand fêtais enfant, /'adorais le jeu; ou l'avenir: quand j'étais enfant, je pensais que je resterais toujours petit.

Me plaçant dans l'avenir, je puis considérer leprésent : quand je penserai à ce que je fais; ou le passé : je penserai à ce que j'ai fait; je penserai à ce que je feraiplus tard.

N'y a-t-il pas là une correspondance assez exacte entre les catégories de la pensée et les catégories dulangage?La catégorie temps est, nous semble-t-il, celle dans laquelle nous observons la correspondance la plus exacte.

Pours'en rendre compte, on n'a qu'à se rappeler le réel plaisir d'esprit que nous prenions au tableau de la concordancedes temps — un peu trop simplifiée il est vrai — lorsque nous apprenions la grammaire latine.Il ne faudrait pas croire cependant à une correspondance parfaite.

Le présent grammatical n'est pas toujours unprésent pour la pensée.

Lorsque je dis : il arrive à 11 heures, nous bavardons un peu, nous déjeunons..., je puispenser à une action habituelle dans le passé ou former des projets pour l'avenir : il arrivera, nous bavarderons...L'imparfait peut désigner plusieurs catégories d'actions fort différentes : une action restée inachevée (« imparfaite»): j'allais me promener, mais je n'irai pas : je reste avec vous; une action en cours d'achèvement : je l'ai rencontrécomme il allait au collège; une action répétée dans le passé : quand j'allais au collège; une action sur le point des'accomplir : j'allais sortir.

L'infinitif présent être est employé pour le futur aussi bien que pour le présent : je croisêtre juste (présent); je veux être officier (futur).

Ces quelques exemples suffisent à montrer qu'il n'y a pas deparallélisme entre la catégorie mentale de temps et la catégorie grammaticale correspondante.Le parallélisme est encore moins grand pour les modes des verbes.

D'après la grammaire, l'indicatif marque la réalitéde l'action; le subjonctif la présente comme existant seulement dans l'esprit; le conditionnel, comme dépendantd'une condition; l'impératif marque la volonté qu'elle soit faite; l'infinitif exprime simplement l'idée de l'action.

Cesdéfinitions répondent bien sans doute à un certain nombre de cas; mais combien d'exceptions et de quelle libertéuse l'esprit dans l'emploi des modes 1 On exprime souvent par l'indicatif une action qui dépend d'une condition : j'yvais si vous m'accompagnez; s'il m'avait accompagné, j'y allais.

Le futur de l'indicatif équivaut fréquemment à unimpératif : vous fermerez la porte.

L'impératif peut n'être que permissif : entrez! signifie vous pouvez entrer; il peutaussi marquer une simple supposition et remplacer une proposition conditionnelle : entrez et vous verrez le désordre.L'infinitif équivaut parfois à un optatif : partir, se griser de vitesse 1 ou, au contraire, exprime une crainte ou uneaversion : ignorer, souffrir et puis mourir !Ces quelques observations faites presque au hasard nous permettent de conclure que les formes élémentaires dulangage ne correspondant pas aux catégories élémentaires de la pensée.

Sans doute, les divers points de vueauxquels se place le grammairien correspondent bien à des points de vue de la pensée.

Mais les points de vue de lapensée sont bien plus nombreux, et, d'autre part, la pensée use avec une grande liberté des catégories du langage,en sorte que la grammaire seule ne suffit pas à donner le sens d'une forme verbale : il y faut de plus le contexteavec l'idée qui court sous les mots.

C'est encore la pensée qui permet de découvrir le Sens des mots eux-mêmes. * * * Pour faire comprendre les rapports exprimés par la proposition, la grammaire sera-t-elle plus heureuse ? Y a-t-il unecorrespondance plus étroite entre les catégories grammaticales de la proposition et les catégories mentales dujugement ?. »

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