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les deux sources de la morale et de la religion: primitif et religion

Publié le 04/11/2022

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« Texte étudié Quand le primitif fait appel à une cause mystique pour expliquer la mort, la maladie ou tout autre accident, quelle est au juste l'opération à laquelle il se livre ? Il voit par exemple qu'un homme a été tué par un fragment de rocher qui s'est détaché au cours d'une tempête.

Nie-t-il que le rocher ait été déjà fendu, que le vent ait arraché la pierre, que le choc ait brisé un crâne ? Évidemment non.

Il constate comme nous les actions de ces causes secondes. Pourquoi introduit-il une «cause mystique», telle que la volonté d'un esprit ou d'un sorcier, pour l'ériger en cause principale ? Qu'on y regarde de près : on verra ce que le primitif explique par une cause «surnaturelle», ce n'est pas l'effet physique c'est sa signification humaine, c'est son importance pour l'homme et plus particulièrement pour un certain homme déterminé, celui que la pierre écrase.

Il n'y a rien d'illogique ni par conséquent de «prélogique», ni même qui témoigne d'une «imperméabilité à l'expérience», dans la croyance qu'une cause doit être proportionnée à son effet, et qu'une fois constatée la fêlure, la direction et la violence du vent – choses purement physiques et insoucieuses de l'humanité – il reste à expliquer ce fait, capital pour nous, qu'est la mort d'un homme.

La cause contient éminemment l'effet, disaient jadis les philosophes ; et si l'effet a une signification humaine considérable, la cause doit avoir ne signification au moins égale ; elle est tout cas de même ordre : c'est une intention.

Que l'éducation scientifique de l'esprit le déshabitue de cette manière de raisonner, ce n'est pas douteux.

Mais elle est naturelle, elle persiste chez le civilisé […]. Bergson, Les Deux Sources de la morale et de la religion Les croyances religieuses semblent bien souvent être un tissu d'erreurs que la science et la raison s'efforcent de redresser ; pourtant ces croyances et superstitions persistent de toutes parts, y compris parfois chez des esprits dits scientifiques.

Le texte de Bergson, extrait des deux sources de la morale et de la religion et qu'il s'agit pour nous d'expliquer, s'efforce de rendre compte de ce paradoxe par une comparaison entre mentalités «primitive» et «civilisée».

Il montre que, contrairement à l'idée assez commune, la mentalité primitive n'est pas une simple étape irrationnelle qui doit être et est dépassée par le progrès de la civilisation et de l'intelligence.

Il va même jusqu'à dégager une logique de l'explication dite mystique. Pourquoi, au fond, avoir recours à ce type d'explication des phénomènes, car cela doit bien avoir une fonction pour nous qui n'est pas seulement négative et liée à notre ignorance ? Pour traiter cette question, le texte commence par interroger le lecteur et à le mettre face à un exemple particulier d'explication irrationnelle et primitive : une causalité mystique n'exclut pas une causalité naturelle.

Dans un second mouvement, qui précise la réflexion précédente, l'auteur examine dans le détail l'opération mentale primitive et en dégage par conséquent la fonction de manière implicite : elle donne un sens à des processus aveugles au point de vue de la nature.

Enfin il conclut en rappelant la naturalité de ce type d'explication et sa persistance chez les civilisés. La première étape du texte, qui s'étend jusqu'à la dernière question posée par l'auteur, de manière assez rhétorique d'ailleurs, lui permet de planter le décor de la situation qui sera celle qu'il faudra analyser dans le cadre de la problématique que nous avons posée.

Bergson procède de manière descriptive et analytique, s'appuyant sur un exemple archétypique et représentatif afin d'élaborer une thèse somme toute assez surprenante.

Ce faisant il semble reprocher à ses adversaires, un certain sens commun mais aussi des philosophes ou ethnologues, de ne pas savoir correctement observer les choses.

Il leur reproche donc ce qu'eux-mêmes critiquent dans les superstitions : de ne voir que ce qui confirme leur préjugé ou leur croyance.

Il y a donc là d'emblée un renversement polémique qui va guider la suite du texte. Cet exemple est donc celui d'une croyance mystique et primitive ; l'auteur veut montrer qu'elle n'est pas incompatible avec une certaine logique scientifique.

Le primitif explique par une cause mystique un événement qu'il faut bien qualifier de tragique : «la mort, la maladie ou tout autre accident.».

C'est événements sont tragiques parce qu'ils frappent gravement et douloureusement l'humanité (la mort semble être le plus grand mal que l'on puisse subir) et pourtant ils n'ont pas d'auteur, ils ne servent à rien, ils semblent n'être dus qu'à la fatalité.

De même, Œdipe, dans la tragédie de Sophocle (Œdipe roi) semble se débattre en vain contre un destin tout tracé (tuer son père pour se marier avec sa mère), qui avait été divinisé dès sa naissance par un oracle et contre lequel toutes les décisions que ses parents ou lui ont pu prendre, n'ont rien fait.

L'horreur survient, sans servir à rien et fatalement.

Ainsi, Bergson choisit l'exemple à dessein.

Il le précise d'ailleurs : le primitif «voit par exemple qu'un homme à été tué par un fragment de rocher qui s'est décroché au cours d'une tempête».

Il faut donc commencer par constater le phénomène, ce que l'auteur fait avec une neutralité affichée : le phénomène pour la nature est simple.

Seulement le primitif introduit dans l'explication «la volonté d'un esprit ou d'un sorcier pour l'ériger en cause principale.» : il ne se contente donc pas d'un constat objectif. Dans ce premier mouvement, par l'analyse de cet exemple et la série de questions posées par Bergson, ce dernier oblige le lecteur à remettre en cause sa compréhension spontanée d'un tel type d'explication : «de telles croyances sont irrationnelles et découlent d'une ignorance des lois de la nature dont nous sommes délivrés, nous civilisés, et ce grâce à la science», dirionsnous tout d'abord.

Or, pour Bergson, il y a bien une coexistence pour le primitif entre deux causalités qui ne s'excluent pas fondamentalement dans sont esprit : une causalité physique, naturelle (le rôle de la tempête, la faille dans le rocher : «il constate comme nous l'action des causes secondes») et une causalité surnaturelle ou mystique (l'esprit ou le sorcier.).

La seconde est cause principale de l’événement, la première est secondaire ou dérivée : autrement dit, le sorcier veut tuer l'homme pour s'en venger, parce qu'il l'a déshonoré (par exemple) et il utilise comme moyen pour y parvenir la puissance du vent et la faiblesse du rocher à qui il sait commander.

Il y a donc compatibilité parfaite de ces deux types d'explications dans la superstition.

En effet, Bergson rappelle à loisir que l'homme est avant tout homo faber, il le dit notamment dans L'évolution créatrice: autrement dit, ce qui définit avant tout l'humain, c'est son intelligence fabricatrice.Si primitif qu'il soit, l'individu est capable de repérer les régularités naturelles et de les utiliser pour ses stratégies techniques ou de s'en prémunir parce qu'elles sont dangereuses.

Les dits primitifs savent très bien choisir les lieux les mieux adaptés à leur habitat, fabriquer des outils, se protéger des intempéries.

Ils ne s'en remettent donc pas aveuglément au surnaturel, ils ont une connaissance empirique du fonctionnent de la nature indéniable, contrairement à ce que voudrait croire l'homme moderne en affirmant que la superstition s'explique par l'ignorance et qu'elle est définitivement rendue caduque par la connaissance scientifique. La partie centrale du texte, qui est aussi la plus longue et la plus riche, entre dans le détail de l'exemple, approfondit l'analyse et poursuit la polémique : «qu'on y regarde de près.».

Le propos de Bergson est ici clairement de montrer que l'explication surnaturelle, non seulement n’exclut pas une compréhension des phénomènes naturels, mais que plus loin encore, elle est logique : ce qui deviendrait presque illogique c'est l'explication purement naturaliste.

Le texte se révèle donc de plus en plus surprenant.

Au fond le propos de l'auteur est de montrer que dans la plus absurde superstition il y a une volonté humaine irréductible de donner un sens humain à ce qui en a le plus besoin (d'où l'exemple tragique choisi).

Or l'explication scientifique, naturaliste ne donne aucun sens aux phénomènes naturels : la physique moderne en décrivant et mathématisant les observations cherche à établir des lois régulières de leur déroulement et non.... »

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