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Les doctrines médicales au XVIIIe siècle

Publié le 22/02/2012

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Deux doctrines : le dualisme le monisme, prétendent expliquer les phénomènes vitaux. La première, avec Descartes, reconnaît deux réalités : l'âme pensante, et l'étendue dans laquelle s'inscrit la matière. La matière se meut indépendamment de l'âme. Le corps de l'homme, qui a une âme, et celui des bêtes, qui n'en a point, sont pures machines et se comportent "selon les règles des méchaniques". De ces principes s'inspirèrent des conceptions divergentes : l'une restituant à l'âme son emprise corporelle, et l'exagérant au point de faire de la biologie un cas particulier de la métaphysique, l'autre considérant que si les "ressorts" peuvent opérer tout seuls, il n'est pas besoin de mécanicien, et l'Homo sapiens ne sera plus, avec La Mettrie, que l'Homme-machine. La première formule est celle de la biologie animiste de Stahl. L'âme immortelle, immatérielle, active, préside au développement et aux opérations de son enveloppe périssable, grossière et passive. Bonne à tout faire, c'est elle, dira plaisamment Cabanis, qui pense dans la tête, respire dans le poumon, digère dans l'estomac, filtre la bile. Pèche-t-elle par erreur, omission. ; C'est la maladie. Son magistère est-il normal ? C'est la santé maintenue ou rétablie ! L'âme stahlienne est l'antique Natura medicatrix spiritualisée.

« l'énergie vitale personnelle, intrinsèque, que Baglivi ramène à une équation mécanique héréditaire et individuelle.

Parl'impulsion de la semence, un principe inné de mouvement est transmis à chaque être et perpétué par génération.

Lavie est une cinématique.

L'iatromécanicisme, déjà prêché par Borelli, retrouve crédit chez Baglivi : "La forceconsidérable et presque merveilleuse des solides mouvant d'eux-mêmes dans notre corps" consiste "dansl'arrangement particulier de ses cylindres, fuseaux et roues". Hecquet, comme Pitcairne, ne voit dans l'organisme que pompes, filtres, presses.

"Tout se passe par voie debroiement et de trituration." L'estomac, pour digérer, réalise une pression de douze mille neuf cent cinquante et unelivres, et le cOeur déploie chaque jour une force de sept milliards cinq cent soixante millions de livres pour pousser lesang au delà des artères ! chiffres que le physicien Hales, dans ses célèbres expériences sur l'hémostatique,ramènera à de plus raisonnables proportions.

Ainsi, le mécano-pneumatisme spiritualiste de Descartes aboutit à unmécano-solidisme, soit viscéral, soit élémentaire.

La vie, dit Bordeu, est un pouvoir inné, "à la vérité, subordonné àl'empire de l'âme", mais "manifesté par la faculté qu'a la fibre animale de sentir et de se mouvoir elle-même" D'autres, plus attentifs au cours des fluides, font de la physiologie un chapitre de l'hydrostatique et del'hydrodynamique.

"L'homme, dit Boissier de Sauvages, est composé d'une âme vivante et motrice unie à unemachine hydraulique." On dispute à perte de vue avec Sylva sur les méfaits de la pléthore et des engorgements, lesavantages de la phlébotomie haute ou basse, la dérivation, la révulsion, l'évacuation.

Sous la plume de Sylva commesous la signature de Hecquet, qui fut, dit-on, l'original du Docteur Sangrado, l'ordonnance est toujours la même :saigner et ressaigner.

En 1756, Marteau et Barbeu du Bourg protestent contre ces outrances sanguinaires.

Mais laFaculté de Paris les met à la raison. Si l'iatromécanicisme se maintient, la vieille iatrochimie de Sylvius et de Willis n'est pas morte.

Borelli déjà voyaitdans l'air le ferment de l'organisme.

Chirac attribue les mouvements du cOeur à l'explosion du nitre aérien amené aupoumon par la respiration ; et Pringle incrimine en certaines maladies l'inhalation de ferments putrides contenus dansl'atmosphère.

D'autres affections sont dues aux alcalis ou aux acides, atomes piquants, dont le thérapeute tacherad'émousser les pointes. Un homme surgit qui prétendit ramener l'accord.

Empruntant à tout et à tous, Boerhaave fondit ces théoriesdisparates dans la vaste synthèse de sa médecine collective, qui est, comme dit Broussais, un compromis mécanico-chimico-humoral.

Il n'était que d'apaiser l'agitation du sang par la phlébotomie, de tempérer les acrimonies par lesédulcorants, de résoudre les obstructions par les incisifs, évacuants et délayants.

Cette doctrine, directement ouindirectement, fit fortune dans les écoles de Leyde, de Halle, de Göttingen, passa à Vienne avec van Swieten, àÉdimbourg avec Monro et Butherford, fut divulguée en France par La Mettrie.

Et l'Université de Valence l'imposeraencore au jeune Orfila ! L'organisme ainsi conçu comme une machine hydraulique, pneumatique, un broyeur, un filtre, une tuyauterie, unecornue, la notion de l'être vivant s'est dégradée.

Rabaissée aussi, la dignité de sa régente ou hôtesse : l'âme estdevenue l'esprit ; l'esprit est devenu l'entendement, et celui-ci tributaire de son siège ou de son enveloppe.

Il n'estinformé que par les sens et non par ses propres lumières.

L'esprit, proclame Loche, n'est initialement qu'une tablerase.

Son activité n'est pas spontanée, mais provoquée.

Condillac montrera que les idées sont des sensationstransformées, progressivement réduites à des symboles.

L'analyse condillacienne, plus tard revendiquée par lapremière section de la deuxième classe de l'Institut national, trouvera nombre d'adeptes dans la Faculté.

Lemédecin-pédagogue Jean Verdier l'applique à l'enseignement ; Pinel à l'étude des maladies de l'esprit (Traité médicalet philosophique sur l'aliénation mentale, 1800).

La tradition en sera reprise par les idéologues de la deuxièmegénération : Cabanis, Moreau de la Sarthe, Alibert et Richerand.

L'automate primitif qu'imaginait Condillac était misen branle par les impressions extérieures.

La statue symbolique qu'il imaginait avait cinq sens, mais elle restaitcreuse.

Cabanis la pourvoit de viscères, d'où partent des sensations internes, et tant que le physique et le moralfinissent par se confondre.

Le cerveau n'est "qu'un organe particulier destiné spécialement à...

produire de la penséede même que...

le foie à filtrer la bile".

Sous ces assertions subsiste un vieux fond de cartésianisme.

La vie est "unesuite de mouvements", la sensibilité un effet des "causes et lois du mouvement, source générale et féconde de tousles phénomènes de l'univers".

Mais sous la plume de Cabanis, le mécanisme se mue en solidisme et matérialismeorganiciste.

Et si notre homme s'accorde avec le Tourangeau pour bannir du mécanisme universel les causes finaleschères à Leibnitz, il se sépare de l'un et de l'autre en rayant de son vocabulaire philosophique l'âme raisonnable et lamonade-âme. Descartes considérait les substances créées comme passives, et tant qu'il lui fallait chercher en Dieu la causepremière du mouvement.

La quantité de mouvement étant constante dans l'univers, l'âme n'y saurait a ajouter, etson pouvoir se borne à en régler la direction.

Pour Leibnitz au contraire, les choses créées sont essentiellementactives.

En définissant le corps par l'étendue, Descartes en réduisait l'étude à une sorte de géométrie et lesfonctions à une cinématique.

En donnant la force pour attribut à la substance, Leibnitz fait de la biologie unedynamique.

Cette force, consciente ou non, est âme.

La matière n'existe pas.

Elle se résout, en dernière analyse, àdes points de force, des automates incorporels, les monades.

Ces monades, agrégées sous la présidence d'unemonade centrale, entéléchie dominante, font du corps organisé une poussière fourmillante d'activités infinitésimales,qui d'ailleurs se coordonnent fort bien grâce à cette harmonie préétablie dont se gaussera M.

de Voltaire. La doctrine de Leibnitz est un panpsychisme, un monisme spiritualiste.

Mais, renouvelant la mésaventure ducartésianisme, elle va bifurquer, dans la pensée médicale, soit vers l'abstraction d'un iatrodynamisme spiritualiste,soit vers le matérialisme dynamiste et uniciste.. »

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