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Les oeuvres d'art peuvent-elles être utiles ?

Publié le 31/07/2004

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Ainsi concevrait-on mal un architecte purement désintéressé dont les maisons seraient belles mais inhabitables.- De nombreuses oeuvres d'art ont été à l'origine conçues à des fins résolument utiles. Ainsi en est-il de la production de Gustave Eiffel. II. Mais ce n'est pas l'utilité qui fait l'oeuvre d'art- Même si dans les faits il s'avère qu'une oeuvre est utile, ce n'est pas cette utilité qui fait d'elle une oeuvre d'art.- Selon Kant, est utile ce qui est « bon pour quelque chose, ce qui plaît seulement comme moyen «; l'originalité de l'oeuvre d'art est qu'elle plaît en elle-même indépendamment de l'utilité (ou de l'inutilité) qui est par ailleurs la sienne.- Je peux, par exemple, face à un palais, considérer que son utilité est fort discutable et pester « à la manière de Rousseau contre la vanité des grands qui emploient la sueur du peuple pour des choses aussi superflues « (Kant, Critique de juger, I, 2); il reste que le jugement que je porte sur lui en admettant qu'il est beau est entièrement indépendant de toute question d'intérêt. Le jugement relatif au beau est accompagné d'une satisfaction entièrement désintéressée. ·         Première définition du beau chez KANT :  « Est beau l'objet d'une satisfaction désintéressée «.   La satisfaction est désintéressée, ce qui signifie que nous ne pouvons l'éprouver que si nous sommes dans un certain état d'esprit par rapport à l'objet.

« III.

Est-ce à dire que l'oeuvre d'art ne répond à aucun besoin pour l'homme? – Comment expliquer que l'oeuvre d'art dont l'existence n'est pas liée à une utilité précise soit présente aussiuniversellement? Comment rendre compte de « l'universalité du besoin d'art » (Hegel) en dépit de son apparenteinutilité? Ne répond-elle pas à un besoin plus profond?– Selon Hegel, par l'oeuvre d'art, « l'homme qui en est l'auteur cherche à exprimer la conscience qu'il a de lui-même».

L'oeuvre est pour l'homme le moyen de prendre conscience de lui-même, de se reconnaître lui-même. Hegel rompt avec Kant, pour qui la beauté naturelle tient une large part.

Lacontemplation de la belle nature accordemystérieusement l'imagination et l'entendement.

Hegel rejette la beauténaturelle, car la beauté artistique étant un produit de l'esprit lui estnécessairement supérieure.

C'est pour nous et non en soi et pour soi qu'unêtre naturel peut être beau.

L'imitation de la nature n'est donc pas de l'art,tout au plus un exercice d'habileté, par lequel on imite le Créateur.

Il y a plusde plaisir à fabriquer des outils ou des machines qu'à peindre un coucher desoleil.

La valeur de l'art est tout autre : c'est l'esprit à l'oeuvre, qui s'arrachede la nature en la niant.

Au moyen de l'art, l'homme se sépare de la nature etse pose comme distinct.

L'art peut donc faire l'objet d'une science, penseHegel, il suffit d'en montrer la nécessité rationnelle dans l'histoire del'humanité.

L'oeuvre d'art ne décrit pas une réalité donnée, elle n'est pas faitepour notre plaisir, mais l'art est en son essence une intériorité qui cherche às'exprimer, à se manifester ; c'est un contenu qui cherche une forme, un sensqui veut se rendre matériel.

On ne peut le condamner pour son apparence,car il faut bien à la vérité une manière de se montrer.

L'art étanthistoriquement la première incarnation de l'esprit, il se confond d'abord à lareligion : la religion grecque est l'art grec lui-même.

Ce sont Homère etHésiode qui ont inventé les dieux grecs.

Cet âge d'or de l'art, que Hegeldéfinit comme "classique", sera dépassé par l'art romantique avec l'apparitiondu christianisme.

La religion chrétienne est essentiellement anthropomorphique : le divin est le Christ, soit une pure individualité charnelle, qui a souffert et qui est morte encroix.

Seul l'art peut ici donner une représentation charnelle de ce divin, dont le passage historique a été fugitif, etsi l'art est mort dans notre société moderne, c'est probablement pour la raison que la spiritualité chrétienne ne suffitplus tout à fait aux besoins de l'esprit. Le beau est une idée, soit l'unité d'un concept et de la réalité.

Le concept est l'âme tandis que la réalité en estl'enveloppe charnelle.

Le beau est donc la manifestation sensible de cette unité ; il exprime une réconciliation.

Il estnaturel qu'il échappe à l'entendement qui sépare et qui divise, de même qu'à la volonté qui cherche à soumettrel'objet à ses propres intérêts.

Tout ce qui est libre, indépendant, infini, conforme à la seule nécessité de sonconcept, peut être dit beau.

De plus, un bel objet est vrai, puisqu'il est conforme à son être.

Cela implique qu'aucunorganisme vivant ne pourra être beau, parce que soumis au besoin, il n'a pas de véritable liberté.

Seule la beautéartistique peut être accomplie : elle représente l'idéal.

L'idéal est soustrait de la vie quotidienne imparfaite etinauthentique.

Il incarne l'universel dans l'individualité absolument libre et sereine : le symbole en est l'individualitéapollinienne, perfection d'harmonie et de forme, sérénité conquise sur la douleur.

En un sens, cette beauté idéaleest hors du temps et de l'histoire, symbole de l'éternité.

Si cet idéal de beauté est désormais révolu, alors qu'ilculminait dans l'art grec, c'est que l'organisation sociale et la production économique sont devenues prévalentes,soudant les individus dans des rapports de besoin, d'échange et de travail complexes et étroits.

L'Idéal ne peut pluss'incarner dans l'art, il s'est incarné dans l'État et la politique à la fin du xixe siècle et au cours du xxe siècle.

Onpeut toutefois remarquer qu'à notre époque présente, ces deux formations ne semblent plus animées par lesaspirations spirituelles les plus hautes des individus et de la collectivité.

Nous vivons dans l'ère du nihilisme queNietzsche avait diagnostiquée à la fin du xixe siècle. – Selon Hannah Arendt, les oeuvres d'art sont « les seules choses à n'avoir aucune fonction dans le processus vitalde la société; à proprement parler, elles ne sont pas fabriquées pour les hommes, mais pour le monde, qui estdestiné à survivre à la vie limitée des mortels, au va-et-vient des générations ».

Résolument écartées du processusde consommation, les oeuvres d'art ne sont pas destinées à être consommées ou usées.

Elles ont vocation à dureret permettent de conférer aux activités humaines une certaine forme d'éternité.

L'oeuvre d'art répond donc aubesoin des hommes de laisser une trace d'eux-mêmes.– Selon Bergson, enfin, l'art intervient pour pallier les déficiences d'un langage imparfait : nous sommesreconnaissants au talent de l'artiste d'avoir su restituer toutes les tonalités d'une émotion que nous avons ressentiemais que nous étions incapables d'exprimer par les mots du langage ordinaire.

L'art permettrait donc aux hommesd'exprimer l'indicible.. »

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