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Les relations humaines et Internet ?

Publié le 14/11/2005

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Car le monde virtuel a développé ses codes propres, synonymes de nouveau déploiement des relations humaines : la partition entre réalité et virtualité est particulièrement visible si l'on pense l'organisation des nouvelles technologies de l'information en terme de don. Si dans les relations humaines « réelles » il est impossible de soutenir la possibilité du don en tant qu'il implique toujours un sentiment de réciprocité, comme l'a mis en lumière Derrida, dans le monde virtuel se tiennent « à portée de clic » une somme d'informations dont la connaissance ne dépend d'aucun autre facteur que la curiosité de celui qui dirige la souris. Ainsi est-il possible d'envisager un « progrès » dans les relations humaines si l'on comprend ce terme dans le sens d'un élargissement des possibilités de rencontre de la culture, des modes de vie, des pensées d'autrui.   Limites de l'apport des nouvelles technologies : vers une « marchandisation » des relations humaines ? Pour autant, il serait naïf de ne pas considérer les relations qu'entretiennent ces nouvelles formes de rapport humain et le monde marchand. Car s'il est possible de consulter gratuitement et d'échanger un grand nombre d'informations, les nouvelles technologies s'avèrent comme tout support dominés par la contraintes économiques. Ainsi la perspective du don que nous évoquions ci-dessous n'est que partielle, et la rencontre entre deux individus elle-même passe le plus souvent par une cotisation des membres d'un site. Ainsi, les relations humaines sur Internet rencontrent-elles les mêmes obstacles que dans la « vie réelle » que ce soit en termes de différences sociales ou économiques. Il serait illusoire de voir en les nouvelles technologies un espace vierge de tout intérêt extérieur et en particulier monétaire. Ainsi au « parce que c'était lui, parce que c'était moi » formulé par Montaigne faudrait-il ajouter un troisième terme qu'est celui du réseau à l'intérieur duquel la rencontre est possible.

L’intrusion de nouvelles technologies jusque dans les actes les plus anodins de la vie quotidienne transforment les modes de relations entre les hommes. Dès lors que nous souhaitons nous interroger sur l’aspect qualitatif de ce changement, en l’occurrence en terme de progrès, c’est qu’il s’agit d’établir les critères premiers d’une relation humaine que nous supposons « authentique « et de questionner les modifications que les nouvelles technologies, dont Internet, ont introduites.

Quel traitement est-il fait de l’humain par l’intermédiaire des nouvelles technologies ? Comment penser le réel et le virtuel, les rapports de force entre les individus et la valeur du don ?

Les enjeux sont multiples en tant que l’on traitera tant du rapport de l’homme à la technique qu’à autrui, autrui qui peut devenir son prochain alors qu’il n’est qu’une image sur Internet… - que des modes de connaissance et de leur transmission.

 

« possibilité d'échanger non pas des faits objectifs, mais également la manière dont ces informations opèrent untravail sur l'individu, notamment par l'intermédiaire des affects.

Plus encore, comme le souligne Lévinas dans Ethique et Infini , c'est par le visage d'autrui, visage que je ne peux dominer, qui est présence vulnérable et ouverture sur le monde que se construit véritablement une relation humaine.

En substituant au visage un écran d'ordinateur ou untéléphone portable, ce rapport direct de reconnaissance de son identité et de la vulnérabilité d'autrui est remplacépar un face-à-face avec la machine.

Non plus le regard, la peau, les expressions comme reconnaissance mais unlangage adapté à celui de la machine, non parole authentique mais effort perpétuel pour la rejoindre.

« Je pense plutôt que l'accès au visage est d'emblée éthique.

C'est lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet.

Lameilleure manière de rencontrer autrui, c'est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux ! Quand on observela couleur des yeux, on n'est pas en relation sociale avec autrui.

La relation avec le visage peut certes être dominéepar la perception, mais ce qui est spécifiquement visage, c'est ce qui ne s'y réduit pas.

Il y a d'abord la droiture même du visage, son expression droite, sans défense.

La peau du visage est cellequi reste la plus nue, la plus dénuée.

La plus nue, bien que d'une nudité décente.

La plus dénuée aussi: il y a dansle visage une pauvreté essentielle.

La preuve en est qu'on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant desposes, une contenance.

Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence.

En même tempsle visage est ce qui nous interdit de tuer.

» Lévinas , « Ethique et infini ». Lévinas commence par opposer perception d'un objet et rencontre authentique d'autrui.

Quand je pose l'autre comme objet, je le projette sur une surface d'objectivité : il m'apparaît comme un tableau à décrire, une surface àobserver et détailler, son unité éclate en autant de petits objets à commenter (les éléments du visage sont eux-mêmes réductibles à des unités plus petites.

Ce rapport est un rapport théorique qui ne me donne pas véritablementautrui : dans un processus de connaissance, ma conscience s'assimile l'objet plutôt qu'elle ne s'ouvre à l'altérité dudonné.

En posant autrui comme objet, je reste seul.La saisie véritable d'autrui (celle qui me fait vraiment sortir de moi et rencontrer une dimension irréductible auxsimples données de l'expérience) ne donne pas une richesse d ‘éléments à décrire mais présente une pauvreté.L'autre se présente simultanément comme sans défense et invitation au respect : en effet, la possibilité physique detuer autrui se donne en même temps que l'impossibilité morale d'accomplir cet acte.

Autrui nous est livré dans unedimension éthique comme celui que je n'ai pas le droit de tuer.

Au terme de cette analyse, il apparaît que les nouvelles technologies de l'information constituent un progrès pour laqualité des rapports humains dans la mesure où il est possible d'étendre sa sphère de connaissances beaucoup plusfacilement qu'auparavant.

Pour autant, s'informer sur la culture ou les us de mon prochain, puisse-t-il vivre à desmilliers de kilomètres de là, est-ce vraiment le rencontrer ? Dans la mesure où ce « progrès » est égalementsynonyme de l'absence de corporéité dans les rapports virtuels, je suis comme extrait du monde.

Par l'absence dela connaissance du visage de l'Autre, c'est toute la conscience de ma responsabilité envers autrui qui est égalementmise en suspens.

Ainsi les rapports humains s'organisent-ils en réseaux, en terme d'apports d'autrui pour acquérir lesinformations que je souhaite, mais se trouve perdue ce qui fait la grâce de l'impromptu de la rencontre : sa gratuité.. »

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