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Les utopies politiques ont-elles un intérêt pratique ?

Publié le 27/02/2004

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Une utopie politique est une production de l'esprit qui dessine une société idéale, dirigée par un gouvernement posé en exemple par l'auteur. Le créateur de ce type de production est l'anglais Thomas More, avec son oeuvre intitulée l'Utopie : le terme vient du grec u topos, c'est-à-dire, nul lieu, non lieu, lieu de nulle part. Une utopie politique est donc la description détaillée d'un mode de fonctionnement politique, qui n'existe pas dans les faits, mais que l'auteur s'attache à rendre aussi précis que possible. Qu'entendons-nous par intérêt pratique ? Lorsqu'une chose a un intérêt pratique, cela signifie qu'elle est capable d'atteindre un but, ou, plus largement qu'elle est utile, en tant qu'elle sert valablement de moyen à une fin. Une chose qui a un intérêt pratique est donc une chose susceptible d'avoir une incidence dans le monde réel, et de le modifier d'une manière profitable. Une utopie pourra donc avoir un intérêt pratique, dans la mesure où elle s'avèrera susceptible de susciter un changement dans l'ordre de la politique bien réelle. Nous nous demanderons donc si les utopies politiques sont de purs produits du logos, sans incidence possible dans le monde des faits, ou si au contraire la finalité de toute utopie politique n'est pas de susciter un changement réel de la politique chez leurs contemporains.

« CONSEILS PRÉLIMINAIRES Remarquons d'abord que le sujet se présente sous la forme d'une phrase interro-négative.

La formulation même dusujet semble suggérer une réponse du style : « si, l'utopie entretient des liens avec la pratique ».

Or, il estimpossible de faire d'emblée une telle réponse.

Pourquoi ? Parce qu'en procédant ainsi nous traiterions de quelquechose que nous ne connaissons pas.

Affirmer tout à trac que l'utopie entretient bel et bien des liens avec lapratique reviendrait très exactement à parler pour ne rien dire.

Nous devons en un premier temps chercher àpréciser le sens et la portée de la question.

Pour ce faire, il convient de définir non seulement le concept d'utopie,mais encore celui de pratique.

Nous commencerons même par définir ce concept de pratique.

En l'occurrence cettefaçon de faire possède, selon nous, un double avantage.

D'abord elle nous oblige en quelque sorte à nouspréoccuper d'un concept important qui risquait, du simple fait de sa mise en relation avec un concept moins courant(celui d'utopie), sinon de passer inaperçu, du moins d'être insuffisamment analysé.

Elle nous permet ensuite de faireapparaître, par rapport au concept de pratique et comme son négatif photographique, le concept d'utopie.

L'analysedu concept d'utopie ne doit pas se dérouler dans l'abstrait mais s'inscrire dans l'horizon de la question posée.

Nousaborderons cette question selon deux grands axes.

Dans une première étape nous tâcherons de voir au fil de l'étudede plusieurs utopies, en insistant plus particulièrement sur celle que nous décrit l'ouvrage de Thomas More, sil'utopie entretient des liens avec la pratique et, dans ce cas, quelle est alors la nature de ces liens.

Mais n'y a-t-ilpas de nos jours une acception plus instante de l'utopie ? Voilà ce que nous nous demanderons au cours d'uneseconde étape.

Nous découvrirons que l'utopie, définie en un sens nouveau, entretient avec la pratique des lienstels qu'il nous est désormais loisible de parler d'une véritable pratique utopique.

Que signifie cette pratique utopique? Qu'implique-t-elle aujourd'hui ? Ces questions constitueront la trame de notre conclusion. D'ordinaire, lorsque l'on parle par exemple d'un projet utopique, on entend par là un projet qui ne tient aucun comptede la réalité, en d'autres termes un projet chimérique.

Ainsi, à première vue et eu s'en tenant au langage courant,l'utopie s'apparenterait aux rêves irréalisables.

Elle ne serait rien d'autre que le produit d'une imagination s'enfonçantou plutôt s'abîmant toujours plus avant dans les songes stériles.

L'utopie constituerait alors la terre d'élection deceux que le bon sens triomphant qualifie dédaigneusement de songes-creux.

Aberration au sens strict du terme,abstraction oiseuse, pure vision de la chimère qui, comme chacun le sait, n'existe pas, l'utopie n'entretiendrait dansce cas aucun lien avec la réalité, aucun lien avec ce que l'on peut pratiquement, c'est-à-dire en fait, voir, toucherou sentir.

Devons-nous cependant nous contenter de ces considérations immédiates ? Peut-on, sans autre forme deprocès, se débarrasser ainsi de l'utopie en la reléguant dans le domaine des irréalités ? Il semble bien que non.

Noussentons en effet confusément qu'il existe d'autres significations de l'utopie que celles qui viennent d'être rappelées.Mais, précisément, qu'est-ce donc que l'utopie ? Pour savoir si l'utopie entretient ou non des liens avec la pratique,il nous apparaît désormais nécessaire de clarifier ce concept d'utopie.

Faut-il toutefois, dans la question qui nousest posée, se laisser sinon fasciner, du moins attirer dès le premier abord par le mot utopie ? Certes c'est par cemot que s'ouvre la phrase du sujet, mais c'est par le mot « pratique » qu'elle se termine.

Entre ce premier et cedernier mot, nous trouvons le mot « lien ».

Relisant la question à partir de la fin, nous allons nous interroger enpremier lieu sur le concept de pratique.

L'analyse de ce concept nous permettra d'esquisser dans de meilleuresconditions la réponse à la question posée.

Nous étudierons d'abord les rapports possibles entre diverses utopies etla pratique.

Afin de ne pas nous égarer, nous prendrons essentiellement comme fil conducteur l'Utopie de ThomasMore.

Puis à la lumière des conclusions que nous aura livrées cette étape, nous nous demanderons en quel sens onpeut dire aujourd'hui qu'il existe des liens entre l'utopie et la pratique.

Nous constaterons que ces liens se situent àprésent au sein d'une véritable pratique utopique.

Nous nous interrogerons pour conclure sur les présupposés d'unetelle pratique utopique. Le concept de pratique a une origine grecque.

Aristote par exemple, revient souvent sur la praxis ou action.

Parlantde la science, il affirme que « cette dernière, en effet, est dite spéculative, pratique et poétique, et chacune deces différences marque une relation, la science étant la théorie de quelque chose, la production de quelque chose,et l'action de quelque chose » (Aristote, Organon, Les Topiques, 1.

254, Vrin).

La pensée pratique serait ainsi lapensée qui concerne l'action.

Mais ers partant d'Aristote pour réfléchir sur la notion de pratique, ne sommes-nouspas en train de nous égarer ? Ne serait-il pas préférable de laisser là ce penseur et de faire preuve d'esprit pratique? Nous pourrions ainsi proclamer avec Sganarelle : « Quoi que puisse dire Aristote et toute la Philosophie, il n'est riend'égal au tabac » (Molière, Dom Juan, Acte I, scène 1).

Toutefois, il se pourrait que négliger de s'interroger sur laprovenance du concept de pratique nous conduise à une impasse autrement plus redoutable.

Car nous percevonsdès maintenant que, contrairement à ce qu'il semblait au premier abord, la motion de pratique ne se laisse pas. »

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