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L'Etat, la société et le pouvoir (cours de philo - TL)

Publié le 21/03/2015

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L'État doit-il tolérer toutes les opinions?

 

Partout, les masses sévères et imposantes d'un ministère ou d'une préfecture, d'un palais de justice ou d'un lycée structurent le tissu urbain comme pour rappeler à la vie collective comme aux existences individuelles que leurs destinées ne peuvent prendre leur sens qu'à l'intérieur des chemins tracés par l'État.

 

Invoquer la différenciation entre gouvernants et gouvernés est peu éclairant car s'il s'est bien trouvé ici ou là des règles et des institutions qui évoquent la présence d'une vie politique, il ne faut pas oublier que ces règles témoignent plus pour l'existence d'un pouvoir qu'elles ne signalent la présence d'un État.

 

Sa légitimité ne repose pas sur la force qu'il brandit ou même sur la force qu'il suggère ; elle repose tout entière sur sa vocation à servir l'intérêt général, ce qui suppose que dans l'État le pouvoir ne soit pas la propriété d'un homme qui en abuse, mais le symbole d'une fonction qui l'oblige.

 

L'influence en témoignerait assez qui opère sur les esprits mais qui n'implique pas nécessairement une volonté de dominer ni même pour ceux qui s'y soumettent, la conscience de la subir.

 

En ce sens le pouvoir exercé sur autrui n'est pas toujours réfléchi, mais il ne néglige pas la focalisation des désirs et des fantasmes sur la beauté et le savoir parce qu'il pressent que la logique de la différenciation sociale les transformera en pouvoirs d'influencer ou de séduire.

 

Dans tous les groupes, il existe toujours des individus dont le charisme exerce un ascendant qui ne manque pas d'influencer les comportements, mais l'influence n'entraîne aucune obligation ; aussi n'est-elle pas la condition suffisante à l'exercice d'un pouvoir car celui-ci se mesure essentiellement à la capacité d'obtenir l'obéissance.

 

C'est bien ce qui distingue le pouvoir moral d'un prêtre ou d'un intellectuel du pouvoir exercé par un chef d'entreprise ou un policier qui eux disposent de l'autorité suffisante pour se faire obéir.

 

C'est pourquoi plus les sociétés se diversifient, plus elles produisent des formes de différenciation génératrices de conflits, car si la caractéristique essentielle du pouvoir est de tendre vers l'infini, on comprendra que seul un pouvoir peut en limiter un autre, ce qui logiquement risque d'engendrer un état de nature où seule la violence a force de loi.

 

On voit que quelqu'en soit sa forme ou sa nature, le but du pouvoir politique est avant tout le maintien de l'ordre public, c'est-à-dire la transformation d'un état de nature où chacun dispose d'un pouvoir infini en un état civil où chacun voit son pouvoir limité par des lois dont la transgression est passible de sanctions.

 

S'il en est ainsi, les crises n'auraient pas selon Marx pour simple effet de soumettre la neutralité de l'État à ruude épreuve ; le croire serait encore lui prêter la volonté de la maintenir, alors que plus profondément, les crises seraient révélatrices de son caractère illusoire.

 

Loin d'être impartial à l'égard du pouvoir politique et de la société, l'État ne serait par conséquent qu'un instrument docile des classes qui les dominent.

 

En régime démocratique, il y a bien transcendance du pouvoir et de l'État par rapport à la société et aux individus qui la composent parce qu'ils y voient un facteur de cohésion sociale ; mais cette transcendance ne prend pas la forme d'une autonomie absolue ; elle ne s'impose jamais aux individus qu'en raison des efforts qu'ils consentent pour la contrôler.

 

Ils manifestent la résistance des particularismes locaux à l'emprise de l'État, mais également les réticences de la société civile à le voir outrepasser le rôle qu'elle lui a confié.

 

Encore l'État-Providence veut-il en corriger le jeu sans le faire disparaître ; c'est au contraire à vouloir l'extirper entièrement que l'État totalitaire doit son nom, persuadé que l'État doit se substituer à la société civile si celle-ci se définit par le conflit.

 

Il y a là pour Benjamin Constant une différence essentielle qui marque selon lui l'opposition radicale entre la liberté des Grecs ou des Romains, et la liberté des modernes.

 

On comprendra dans ces conditions que le premier souci des partisans du libéralisme économique soit de limiter à l'extrême les attributions de l'État.

 

Si on soutient que les lois du marché sont naturelles, on ne voit pas en effet que la nature qui est dépourvue d'intentions, soit à même de produire la justice sociale dont l'existence dépend d'une volonté de la faire naître.

 

Ce faisant il ne prétend pas éliminer les conflits ; il s'emploie à les résoudre ou à défaut les arbitrer si les individus n'ont pas le pouvoir ou la volonté de le faire.

 

Hobbes s'en souviendra, pour qui les individus ne sont rien à l'état de nature qu'une masse conflictuelle, confuse et désordonnée ; et ce n'est qu'à la faveur d'un acte rationnel par lequel ils délèguuent leur force à une puissance souveraine qu'ils pourront faire prévaloir leur humanité sur l'animalité qu'ils portent en eux.

 

L'État est logiquement né de ce contrat, comme l'artifice nécessaire au maintien de l'ordre social.

 

Pourtant Rousseau a raison de rappeler qu'un contrat n'a de valeur que s'il suppose le libre engagement de ceux qui s'obligent, et qu'aucune nécessité ne peut exiger qu'on sacrifie la liberté à la sécurité.

 

Autant dire que l'État ne peut encadrer la société qu'à la condition de réaliser les fins qu'elle se propose, et parmi celles-ci, la liberté des membres qui la constituent.

 

Tâche difficile assurément, puisqu'il lui faut légiférer sans contraindre, rassembler sans niveler, éclairer sans imposer.

 

Après la faillite de l'État totalitaire, l'Histoire semble hésiter entre l'État libéral et l'État providence pour réaliser, au mieux des intérêts de chacun, l'ensemble de ses exigences.

 

Pour l'heure, on peut dire qu'elle est loin d'avoir tranché.

 

« L'État n'a pas toujours existé.

On s'en persuade difficilement tant les villes et les lieux de mémoire nous ont habitué aux signes de sà puissance et de son prestige.

Partout, les masses sévères et imposantes d'un ministère ou d'une préfecture, d'un palais de justice ou d'un lycée structurent le tissu urbain comme pour rappeler à la vie collective comme aux existences in­ dividuelles que leurs destinées ne peuvent prendre leur sens qu'à l'intérieur des chemins tracés par l'État.

C'est à l'État que nous devons l'évaluation de notre savoir par les diplômes qu'il délivre, c'est à lui que nous confions le soin d'assurer la sécurité intérieure et extérieure, comme c'est à lui que la société s'en remet lorsqu'il s'agit de tempérer les rigueurs de la vie écono­ mique.

A énumérer ainsi les secteurs que l'État ne cesse d'investir on se prend à partager la frayeur de Tocqueville qui g~ûtait si peu cette omnipré­ sence qu'il allait jusqu'à supposer qu'à terme, l'Etat irait bien jusqu'à nous épargner la peine de penser et peut-être même la peine de vivre.

Et sans doute est-ce bien à la force de l'État que se mesure aujourd'hui la solidité d'un pouvoir.

Pourtant il s'en faut de beaucoup que toute société politiquement organisée constitue un État.

Invoquer la différenciation entre gouvernants et gouvernés est peu éclairant car s'il s'est bien trouvé ici ou là des règles et des institutions qui évoquent la présence d'une vie politique, il ne faut pas oublier que ces règles témoignent plus pour l'existence d'un pouvoir qu'elles ne signalent la présence d'un État.

Aussi est-ce à la faveur d'une illusion rétrospective tenace que l'on a pu qualifier d'État l'organisa­ tion politique qui existait jadis au Japon ou en Égypte.

Ce qui nous trompe, c'est que le mot État a bien une identité à travers le temps, mais pas d'essence commune aux images qu'il évoque, car sans cesse ces images changent et avec elles le sens qui s'y rattache.

De ce point de vue, la philo­ sophie nous égare plus qu'elle nous éclaire ; car c'est tout aussi légèrement qu'on croit déceler la présence de l'État chez Platon ou Aristote en oubliant que l'État est né et s'est développé pour garantir le droit et non pour promouvoir comme ils le pensaient la vertu des citoyens.

C'est que dans l'État le pouvoir revêt des caractères que l'on ne trouve pas ailleurs ; en changeant de forme il a changé de nature.

Sa légitimité ne. »

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