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Lettre à Elisabeth du 6 octobre 1645, Descartes

Publié le 03/05/2012

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"Madame,

 Je me suis quelquefois proposé un doute : savoir s'il est mieux d'être content et gai, en imaginant les biens qu'on possède être plus grands et plus estimables qu'ils ne sont, et ignorant ou ne s'arrêtant pas à considérer ceux qui manquent, que d'avoir plus de considération et de savoir, pour connaître la juste valeur des uns et des autres, et qu'on devienne plus triste. Si je pensais que le souverain bien fût la joie, je ne douterais point qu'on ne dû tâcher de se rendre joyeux, à quelque prix que ce pu être, et j'approuverais la brutalité de ceux qui noient leurs déplaisirs dans le vin ou s'étourdissent avec du pétun. Mais je distingue entre le souverain bien, qui consiste en l'exercice de la vertu, ou (ce qui est le même), en la possession de tous les biens, dont l'acquisition dépend de notre libre-arbitre, et la satisfaction d'esprit qui suit de cette acquisition. C'est pourquoi, voyant que c'est une plus grande perfection de connaître la vérité, encore même qu'elle soit à notre désavantage, que l'ignorer, j'avoue qu'il vaut mieux être moins gai et avoir plus de connaissance. Aussi n'est-ce pas toujours lorsqu'on a le plus de gaieté, qu'on a l'esprit plus satisfait ; au contraire, les grandes joies sont ordinairement mornes et sérieuses, et il n'y a que les médiocres et passagères, qui soient accompagnées du ris. Ainsi je n'approuve point qu'on tâche à se tromper, en se repaissant de fausses imaginations ; car tout le plaisir qui en revient, ne peut toucher que la superficie de l'âme, laquelle sent cependant une amertume intérieure, en s'apercevant qu'ils sont faux."

 

René Descartes

Lettre à Elisabeth du 6 octobre 1645

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« Le texte de Descartes nous expose l’un des grands problèmes qui hante le monde intellectuel : vaut-il mieux nager dans un bonheur aveugle et serein ou avoir une vision plus réaliste et, hélas, plus triste de la réalité ? Si le premier type de vie ressemble à un aveuglement presque infantile de la raison par elle-même, la deuxième solution, guère plus attrayante, semble consister en une interdiction du bonheur et de la joie autre que éphémères et instantanés, et ce au nom de la raison et de la vérité.

Dans une société qui pousse au plaisir, comment ne pas désespérer en étant convaincu que le bonheur réel n’existe pas, qu’il s’agit d’un Graal moderne ? Comment ne pas endosser le poids des malheurs de l’humanité, dans ces conditions ? L’homme n’est décidément qu’un roseau.

Cependant, un facteur redonne espoir : le roseau pense.

Cette faculté qui lui permet de comprendre l’univers ne lui permettrait elle pas de trouver une alternative au choix apparemment nécessaire énoncé par Descartes ? Descartes commence par exposer de manière claire et sans appel le doute qui semble le tracasser : faut il être heureux quitte à se leurrer soi même, en s’attachant à considérer ce que l’on possède afin de mieux oublier ce que l’on a pas, ou ne vaut il pas mieux ‘’avoir plus de considération et de savoir’’ , et donc connaître la juste valeur des choses qui nous entourent ainsi que de celles que nous possédons, quitte a faire une croix sur notre bonheur illusoire, mais pouvoir ainsi affronter dignement la triste réalité ? Le problème est donc de savoir s’il est préférable de baigner dans un vague bonheur empreint de béatitude, refusant les atteintes du monde terne et réel, en appliquant la politique dite ‘’de l’autruche’’ (qui consiste essentiellement à nier les problèmes en espérant ainsi les voir disparaître) dans les périodes de crises, ou d’avoir une vision des choses plus réaliste, plus sincère peut être, qui risque, par son attachement à la vérité, de nous empêcher l’accès au bonheur et à la joie.

Soit l’on accepte de s’aveugler pour préserver son bonheur personnel, on se voue à son jardin secret, soit on s’inscrit dans une vision froidement réaliste du monde, dépouillée de rêve et de douces illusions, on constate la crasse et la misère qui y règnent, et on se prive de belles nuits à dormir d’un sommeil de bien heureux.

On a cependant sa conscience et la fierté d’avoir suivi les commandements de la raison (le devoir accompli) pour se consoler.

Bref, soit je me réjoui d’avoir une voiture, soit je réalise que mon voisin roule en Lamborghini et moi dans une R5 pourrie … Le savoir dont parle Descartes semble être ici synonyme de connaissance du monde ou du réel, comme tendrait à le prouver l’emploie de ce terme à la ligne 11. Les lignes 4 à 9 sont ensuite consacrées à l’exposition par Descartes de son antithèse suivie de sa thèse.

Il se fait dans un premier temps l’avocat du diable en expliquant que si. »

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