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L'exigence rationnelle et la production des connaissances

Publié le 14/08/2014

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REMARQUES PRÉLIMINAIRES : LA CONNAISSANCE ET LA RAISON.

L'idée qu'en tout homme existe ou doit exister une faculté de distin¬guer le vrai du faux — bon sens ou « lumière naturelle « ou encore Raison selon Descartes — est essentielle à la philosophie. Tout homme doit penser par lui-même, selon la devise de la philosophie des Lumières. Mais le dialogue, la communication rationnelle, joue un rôle déterminant pour qu'une telle possibilité s'accomplisse. Aux antipodes du principe d'autorité, qui interdit toute pensée autonome, la Raison pose les exi¬gences qui définissent le jugement libre et capable de rendre compte de ce qui le fait être tel. L'ambivalence du mot raison trouve ici sa pleine signification : d'un côté, si l'on peut dire, une faculté ou instance spéci¬fiquement humaine qui ne se confond avec aucune autre et trouve sa raison d'être non seulement dans l'efficience pratique qui la caractérise comme instrument essentiel de la production des connaissances mais aussi et surtout dans la position d'intérêts et de fins qui lui sont propres, et correspondent avec celles de la Culture, entendue comme mode d'accomplissement original de l'homme ; de l'autre, la détermination ordonnée d'un objet, d'un domaine d'étude, dont il s'agit de « rendre rai¬son« en en explicitant la nécessité, en dégageant les rapports constants qui le caractérisent. Si la production des connaissances scientifiques relève du pouvoir de la Raison, c'est déjà, comme l'a montré Kant, au niveau des principes constitutifs de sa démarche. Une telle dépendance principielle passe trop souvent inaperçue. Les commencements, les crises, la font paraître de façon plus nette.

S'il est vrai que la Raison a des fins propres, les malentendus concer¬nant le rapport entre science et philosophie peuvent être dissipés à la lumière d'un rappel de la fonction distinctive de l'une et de l'autre. Pro¬duction de connaissances dans des domaines d'étude déterminés, les sciences font certes valoir l'exigence de rationalité, mais de façon régio 

 

nale, et sans mise en situation de leurs propres démarches. Elles ne peuvent, par définition, statuer sur leur propre valeur ou leur propre sens. Et la Raison, qui a part à leur activité, ne s'épuise pas en elle, puisqu'elle détient des fins qui lui sont propres, c'est-à-dire qui ne lui sont pas transcendantes. La spécificité de la philosophie consiste à faire prendre à l'exigence rationnelle toute sa portée dans la conquête d'un jugement maîtrisé et autonome, toujours envisagé dans l'enjeu propre¬ment humain qui est le sien : faire de chacun le membre d'une commu¬nauté authentique, où l'exigence rationnelle n'est pas autre chose que l'exigence éthique, condition de possibilité du bonheur de tous. C'est en ce sens que Kant a pu définir la philosophie comme « la science du rapport de toutes les connaissances aux fins essentielles de la raison humaine « (Critique de la raison pure).

Avec la démarche scientifique s'opère un « retournement « de l'ap¬préhension immédiate du monde et de la structuration subjective du vécu. S'il n'est pas dans les possibilités de la science de modifier les perceptions de l'homme — par exemple, la perception du soleil n'est pas modifiée par la maîtrise d'une connaissance astronomique —, il est, du moins, de son ressort de retirer à ces perceptions leur pouvoir d'illusion. De ce point de vue, la connaissance peut normer le vécu et l'action. La science, en ce sens, ne doit pas produire un « dogme « mais un «guide pour l'action «. Elle permet une transformation critique du rapport au vécu (Marx parle de concept reconstitué par les voies de la pensée). Ainsi, on pense le vécu pour en désamorcer les illusions, voire pour le transformer.

Le premier « modèle« de transformation active du rapport vécu est donné par la technique (cf. première partie). D'abord empirique, la technique est devenue scientifique, reflétant l'essor de la connaissance. Cet essor a donné naissance, dès l'âge classique, à un idéal (cf. Bacon et Descartes : l'homme, maître et possesseur de la nature). Disons que la science assure à l'homme essentiellement deux choses :

une maîtrise rétroactive de ses illusions premières et des effets de son affectivité (la science élucide les données premières du rapport au monde),

une maîtrise « projective « de la nature (la compréhension active des lois internes au réel programme une transformation efficace de celui-ci).

SUJET CORRIGÉ

La raison humaine est-elle, par nature, conduite à supposer dans le monde plus d'ordre qu'elle n'en trouve ?

[SÉRIE A. Paris, Créteil, Versailles, 1993.]

 

 

CORRIGÉ

DISSERTATION ENTIÈREMENT RÉDIGÉE

INTRODUCTION

Le désordre apparent du monde, périodiquement renaissant, désespère tout à la fois le souci d'en saisir l'intelligibilité, et l'espoir de le voir progresser vers la paix et l'harmonie. Mais son inconstance même — ordre et désordre semblant alterner — invite à s'interroger sur sa consistance. Faut-il admettre une fois pour toutes que le monde est désordre ? Faut-il voir dans le désordre une apparence à laquelle seule notre ignorance provisoire donne¬rait son ascendant ? Faut-il, plus radicalement, considérer qu'il n'y a en lui que de l'ordre, la notion de désordre ne prenant sens qu'au regard des attentes proprement humaines ? Questions qui inté¬ressent au plus haut point la raison humaine dans son effort non seulement pour comprendre ce qui est, mais aussi pour comprendre comment ce qui est peut être tel qu'il est — c'est-à-dire considérer le devenir qui permet de mettre en perspective chaque configuration de sens : ce qui aujourd'hui me paraît désordre ne se révélera-t-il pas demain comme relevant d'un ordre insoupçonné ? D'où la question : la raison humaine est-elle, par nature, conduite à supposer dans le monde plus d'ordre qu'elle n'en trouve ?

« nale, et sans mise en situation de leurs propres démarches.

Elles ne peuvent, par définition, statuer sur leur propre valeur ou leur propre sens.

Et la Raison, qui a part à leur activité, ne s'épuise pas en elle, puisqu'elle détient des fins qui lui sont propres, c'est-à-dire qui ne lui sont pas transcendantes.

La spécificité de la philosophie consiste à faire prendre à l'exigence rationnelle toute sa portée dans la conquête d'un jugement maîtrisé et autonome, toujours envisagé dans l'enjeu propre­ ment humain qui est le sien : faire de chacun le membre d'une commu­ nauté authentique, où l'exigence rationnelle n'est pas autre chose que l'exigence éthique, condition de possibilité du bonheur de tous.

C'est en ce sens que Kant a pu définir la philosophie comme «la science du rapport de toutes les connaissances aux fins essentielles de la raison humaine» (Critique de la raison pure).

• Avec la démarche scientifique s'opère un« retournement» de l'ap­ préhension immédiate du monde et de la structuration subjective du vécu.

S'il n'est pas dans les possibilités de la science de modifier les perceptions de l'homme -par exemple, la perception du soleil n'est pas modifiée par la maîtrise d'une connaissance astronomique -, il est, du moins, de son ressort de retirer à ces perceptions leur pouvoir d'illusion.

De ce point de vue, la connaissance peut normer le vécu et l'action.

La science, en ce sens, ne doit pas produire un «dogme» mais un «guide pour l'action».

Elle permet une transformation critique du rapport au vécu (Marx parle de concept reconstitué par les voies de la pensée).

Ainsi, on pense le vécu pour en désamorcer les illusions, voire pour le transformer.

• Le premier «modèle» de transformation active du rapport vécu est donné par la technique (cf.

première partie).

D'abord empirique, la technique est devenue scientifique, reflétant l'essor de la connaissance.

Cet essor a donné naissance, dès l'âge classique, à un idéal (cf.

Bacon et Descartes: l'homme, maître et possesseur de la nature).

Disons que la science assure à l'homme essentiellement deux choses : - une maîtrise rétroactive de ses illusions premières et des effets de son affectivité (la science élucide les données premières du rapport au monde), - une maîtrise «projective» de la nature (la compréhension active des lois internes au réel programme une transformation efficace de celui-ci).

• Les remarques qui précèdent ne doivent pas susciter une illusion de type scientiste et positiviste : la science ne produit pas d'elle-même, spontanément, des leçons d'esprit critique qui seraient directement uti­ lisables dans l'étude du réel.

Vue l'intrication de la science et de l'idéolo­ gie dans les propos que les savants eux-mêmes tiennent lorsqu'ils veulent «interpréter» leurs découvertes et prétendent en tirer des conclusions d'ordre général, seule une réflexion méthodique, de type philosophique, peut permettre de dégager ces leçons.

Ainsi la philo­ sophie peut-elle légitimement formuler des questions concernant les conditions de la démarche scientifique, son sens profond en tant qu'entreprise humaine, les facteurs principaux de son évolution.

Elle explicite ainsi la fonction critique de la science.

• Le retournement des évidences premières situe d'emblée la science dans le domaine des activités réflexives à fonction critique.

Même si les savants ne sont pas toujours pleinement conscients des 144. »

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