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L'expérience peut-elle être contredite ?

Publié le 11/02/2019

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Il en va tout autrement lorsqu’il s’agit de contredire une expérience scientifique. Si cette dernière est rigoureusement menée, si, éventuellement, elle a été vérifiée (comme cela se pratique aujourd’hui dans des laboratoires différents), on voit mal ce qui permettrait de la contredire. Sauf si un individu, totalement indifférent ou étranger à la mentalité scientifique, prétend en ignorer les enseignements, et continue à soutenir le contraire de ce qu’elle a prouvé. Un tel cas est évidemment possible -notamment dans certains contextes de croyances religieuses qui empêchent une approche rationnelle du monde -, mais, à strictement parler, il ne constitue pas une véritable contradiction, puisqu'il pratique un type de discours qui n’a rien de commun avec le discours scientifique.

 

Ce qui a lieu dans l'histoire d'une science n’est pas davantage assimilable à une contradiction de l’expérience, mais peut venir en modifier la portée. Tout montage expérimental est nécessairement lié à un certain moment du savoir, à un outillage à la fois conceptuel et technique. Et l'élaboration d'une théorie nouvelle, plus générale, a pour conséquence de restreindre la portée de la théorie qui l’a précédée, ainsi que des expériences qui ont permis de la construire. Gaston Bachelard a ainsi montré que la mise au point de la mécanique relativiste d’Einstein

« tible avec les enseignements d'une expérience sc ie n tifi qu e, qui ne concer­ nent pas la simp le croyance ou adhésion personnelle, mais sont bien plu­ tôt orientés vers l' éla bor ati o n d'une vérité univ ersel le .

« Expérience » ren­ voie ainsi à deux situations différentes, qui doivent être dist in gu ées , ne serait-ce que parce qu'elles ne résistent sans doute pas de la même façon à une évent uell e contradiction.

S'il para ît concevable de contredire l'e x pé ­ rience ac q uise par celui qui s'en vante, la question «Peut-on contredire l'expérience ?» demande une tout autre analyse lorsqu'il y va de l'expé­ rience scientifique.

[1.

Les deux expériences] Dans le langage ordinaire, l'expérience désigne J'acquisition progres­ sive d'un «savoir » ou savoir-faire diffus, dont on admet ou suppose qu'il s'accompagne d'une forme de sagesse.

L'homme d'e x pé rie nce est ainsi celui qui sait et qui est capable de con sei lier (il est « de bon conseil ») en fonction de ce savoir.

L'a cq ui sit io n de cette expérience n'implique pas une méthode rigoureuse : il suffirait d'avoir« vécu» pour qu'elle ait pu se former jour après jour, par strates successives ayant en général toujours la même orientation.

Car cen e expérience, que l'on pourrait qualifier de simplement «pra­ tique », est sans origine clairement repérable : elle peut être partiellement transmise, sans qu'il soit possib le d'en repérer un re spons able initial.

Elle est ainsi personnelle et presque anonyme, et c'est pourquoi elle s'énonce aussi sous la forme du « on sait par expérience que » : Je « on », comme l'a souligné Heidegger.

permet de se fondre dans un collectif, et de refuser la responsabilité entière d'une affirm atio n.

Il y a dan ce «savoir» un accueil passif, une simple réception de ce qu i s'offre, un peu par hasard ou par ch an ce, comme « bon à apprendre ».

Et plus l'expérience s'enrichit dans Je temps ou s'accumule, plu s elle se confirme, pour composer finale­ ment un ensemble d'opinions qui prennent volontiers l'apparence de cer­ titudes définitives.

Il est facile d'opposer à ce savoir mal construit les qualités de l'expé­ rience scientifique.

telle qu'elle est instaurée au XIX' siè cle .

Celle-ci témoigne d'une véritable activité de l'e sp ri t, qui pose à la nature une question précise.

L'esprit scie ntifi que n'attend pas que l'e nse ignem en t lui v ie n ne de l'extérieur.

il le provoque.

Pour obtenir ce qu'i l cherche, c'est-à-dire la connaissance d'une loi déterminant un phé n o m èn e enco re ine xpli q ué, J'expérimentateur doit évi­ demment connaître J'état acwel du savoir dans le domaine concerné.

Mais dans la mesure où ce savoir est insuffisant, il doit également être prêt à le remettre en cause.

au moins partiellement.

L'expérience ne sera pas menée au hasard, et Claude Bernard a montré qu 'e lle sïnscrit en fait dans. »

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