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L'héroïsme de la raison d'E. HUSSERL

Publié le 05/01/2020

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L'héroïsme de la raison

E. HUSSERL (1859-1938)

 

Husserl prononce à Vienne, en 1936, sa conférence sur La Crise de l'humanité européenne et la Philosophie, alors qu'il est déjà lui-même persécuté, et que l'Europe entre dans le monde de la violence (voir texte 18). C'est un manifeste pour un authentique rationalisme.

 

Pour pouvoir concevoir l’énigme de la « crise » présente, il faudrait élaborer le concept d’Europe en tant que téléologie historique des buts infinis de la raison ; il faudrait montrer comment le « monde » européen est né des idées de la raison, c’est-à-dire de l’esprit de la philosophie. La « crise » pourrait alors être interprétée comme l'échec apparent du rationalisme. Le motif de l’insuccès d’une culture rationnelle réside cependant, comme nous le disions, non dans l’essence du rationalisme lui-même, mais uniquement dans son extériorisation, dans son engloutissement dans le « naturalisme » et « l’objectivisme ».

 

La crise de l’existence européenne n’a que deux issues : soit la décadence de l’Europe devenant étrangère à son propre sens vital et rationnel, la chute dans l’hostilité à l’esprit et dans la barbarie ; soit la renaissance de l’Europe à partir de l’esprit de la philosophie, grâce à un héroïsme de la raison qui surmonte définitivement le naturalisme. Le plus grand danger pour l’Europe est la lassitude. Luttons avec tout notre zèle contre ce danger des dangers, en bons Européens que n’effraye pas même un combat infini, et, de l’embrasement anéantissant de l’incroyance, du feu se consumant du désespoir devant la mission humaine de l’Occident, des cendres de la grande lassitude, le phénix d’une intériorité de vie et d’une spiritualité nouvelles ressuscitera, gage d’un avenir humain grand et lointain : car seul l’esprit est immortel.

 

E. Husserl, La Crise de l’humanité européenne et la Philosophie (1936), trad. N. Depraz, coll. « Textes philosophiques », Hatier, 1993, p. 78.

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« Po:uR MIEUX COMPREND13E LE TE'XTE L'expression « téléologie historique» désigne le devenir d'une histoire dont le sens n'est pas déterminé à l'avance par une philosophie de l'histoire, mais reste ouvert, inachevé, et qu'il faut sans cesse ressaisir.

Si l'esprit de la philosophie est la raison, alors être rationnel est vouloir être rationnel.

C'est pourquoi Husserl nous place devant un choix, en appelle à une tâche et même un héroïsme.

La « lassitude » de l'Europe ressemble ici au nihilisme selon Nietzsche, mais elle doit pouvoir être surmontée.

On remarquera que Husserl ne sépare pas la crise éthique et politique de la crise de la rationalité scientifique qui est elle-même caractérisée par l'objectivisme.

Cet objectivisme (il dit aussi « positivisme ») consiste dans l'oubli de la subjectivité toujours à l'œuvre dans toute démarche scientifique.

Le « naturalisme » qui réduit toute rationalité sur le modèle des sciences de la nature n'en est que l'aspect le plus apparent.

Ainsi restreinte, devenue rai­ son technique calculante, coupée de la philosophie appa­ rue avec le logos grec, la rationalité objectiviste perd toute conception rationnelle d'ensemble du monde et ne peut que se mettre au service de la barbarie.

Husserl a écrit plus haut: « Ce n'est que lorsque l'esprit, cessant de se tourner naïvement vers le dehors, revient en lui-même et demeure en lui-même qu'il peut se suffire à lui-même.

» « L'homme antique est celui qui se forme en lui-même grâce à la pénétration théorique de la raison.

» L'erreur de ceux qui accusent Husserl d'européocentrisme est de croire que, par là, il ne pouvait déterminer que l'idéal de l'homme antique.

Mais une fois que la philosophie est advenue, et qu'elle est reconnue comme telle, peu impor­ tent les temps et les lieux.

Qu'il soit européen ou non, est philosophe celui qui apporte sa contribution aux buts infinis de la raison.. »

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