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L'homme est-il un être naturel ou culturel ?

Publié le 11/08/2004

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L’opposition entre le naturel et le culturel semble convenu. On oppose souvent l’homme culturel, façonné par la civilisation ou corrompu par elle, aliénant ainsi sa première nature, à l’homme naturel, un être presque pur, vivant selon les règles de la nature et en harmonie avec celle-ci. L’homme naturel serait la fiction du « bon sauvage «. Cependant quelles sont les réalités de ces deux êtres ? Y a-t-il lieu de les opposer ou au contraire de ne voir ici que deux fictions qui seraient des types ? Cette opposition a-t-elle seulement un sens ? C’est bien là l’enjeu de toute la question. En effet, l’homme est un animal vivant appartenant au règle de la nature. En ce sens, la nature constitue sa première nature. Mais peut-on penser l’homme en dehors de toute culture ? Cela semble impossible, si bien que l’on peut dire de la culture qu’elle est la seconde nature de l’homme, à supposer qu’une telle chronologie soit possible. Moins qu’une opposition, il y a complémentarité, on ne peut pas penser un homme hors de toute culture non plus qu’un homme ayant aliénant la totalité de la nature en lui.

« III.

Tout est naturel et tout est culturel. • Poser la question sous la forme d'une alternative (ou) n'est pas adéquat, selon Merleau-Ponty.

Sans la culture, comprise commemodification de la nature, l'homme n'existerait pas, il serait un animal.

Mais sans la nature, il n'existerait pas non plus, puisqu'il n'auraitpas de corps.

L'homme appartient donc fondamentalement aux deux ordres. En l'homme, le naturel et le culturel se confondent. «Tout est fabriqué et tout est naturel chez l'homme, comme on voudra dire, en ce sens qu'il n'est pas unmot, pas une conduite, qui ne doive quelque chose à l'être simplement biologique.» Merleau-Ponty,Phénoménologie de la perception (1945). • L'idée d'une âme qui place l'homme à part de la nature a pour soubassement une conceptionreligieuse de l'homme.

Si l'on veut conserver l'idée que l'homme malgré tout n'échappe pas à la nature,tout en conservant sa spécificité absolue, on peut dire avec Merleau-Ponty que, en l'homme, le naturelet le culturel se confondent: il n'y a aucun acte humain qui ne puisse être rapporté à du biologique.Mais, de l'autre côté, le sens de ces actes, même les plus primitifs, est toujours culturel.

Tout est naturelen l'homme, mais pour l'homme, tout est culturel. « Il n'est pas plus naturel ou pas moins conventionnel de crier dans la colère ou d'embrasser dansl'amour que d'appeler table une table.

Les sentiments et les conduites passionnelles sont inventéscomme les mots.

Même ceux qui, comme la paternité, paraissent inscrits dans le corps humain, sont enréalité des institutions. Il est impossible de superposer chez l'homme une première couche de comportements que l'onappellerait « naturels » et un monde culturel ou spirituel fabriqué.

Tout est fabriqué et tout est naturelchez l'homme, comme on voudra dire, en ce sens qu'il n'est pas un mot, pas une conduite qui ne doivequelque chose à l'être simplement biologique, et qui en même temps ne se dérobe à la simplicité de lavie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte d'échappement et par ungénie de l'équivoque qui pourraient servir à définir l'homme.

» • C'est pourquoi on ne peut parvenir à démêler les habitudes culturelles et la nature humaine.

Ainsi, il est désormais établi que le souriredu nouveau-né après la tétée est biologique (naturel) et n'a pas de signification particulière, sinon celle de signaler un état de bien-être.Mais sa mère va lui donner un sens (culturel), qui invite l'enfant à entrer dans un jeu d'interactions capital pour son développement. • Il est naturel à l'homme de se reproduire, mais culturel de séduire et de faire l'amour; il est naturel de manger, mais culturel de semettre à table et de faire la cuisine.

L'homme est culturel au point parfois d'oublier la nature en lui (en devenant par exempleanorexique).

Mais il est naturel au point parfois de ne pouvoir se «civiliser» et s'intégrer à la société (c'est le cas du névrosé qui neparvient pas à refouler ses pulsions). « Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduitela justice à l'instinct, et en donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant.

» Rousseau, Du contrat social, 1762. « La culture n'est ni simplement juxtaposée, ni simplement superposée à la vie.

En un sens, elle se substitue à la vie, en un autre ellel'utilise et la transforme, pour réaliser une synthèse d'un ordre nouveau.

» Lévi-Strauss, Les Structures élémentaires de la parenté, 1949. « Il n'est pas plus naturel ou pas moins conventionnel de crier dans la colère ou d'embrasser dans l'amour que d'appeler table unetable.

» Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, 1945. « La prohibition de l'inceste présente, sans la moindre équivoque, et indissolublement réunis, les deux caractères où nous avonsreconnu les attributs contradictoires de deux ordres exclusifs [culture et naturel : elle constitue une règle, mais une règle qui, seule entretoutes les règles sociales, possède en même temps un caractère d'universalité.

» Lévi-Strauss, Les Structures élémentaires de la parenté, 1949.Si l'on admet, avec Lévi-Strauss, que la règle constitue le critère indiscutable de la culture et que, symétriquement, l'universalité est lesigne de la nature, la prohibition de l'inceste, en tant qu'il s'agit d'une règle universellement observée, constitue une sorte de « scandale». « Tout mariage est une rencontre dramatique entre la nature et la culture, entre l'alliance et la parenté.

»Lévi-Strauss, Les Structures élémentaires de la parenté, 1949. « A partir du moment où je m'interdis l'usage d'une femme, qui devient ainsi disponible pour un autre homme, il y a, quelque part, unhomme qui renonce à une femme qui devient, de ce fait, disponible pour moi.

[...] La prohibition n'est instaurée que pour garantir etfonder, directement ou indirectement, immédiatement ou médiatement, un échange.

» Lévi-Strauss, Les Structures élémentairesde la parenté, 1949. « Il est impossible de superposer chez l'homme une première couche de comportements que l'on appellerait "naturels" et un mondeculturel ou spirituel fabriqué.

Tout est fabriqué et tout est naturel chez l'homme.

» Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, 1945. « Voulez-vous savoir l'histoire abrégée de presque toute notre misère? La voici.

Il existait un homme naturel : on a introduit au-dedansde cet homme un homme artificiel; et il s'est élevé dans la caverne une guerre continuelle qui dure toute la vie.

» Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville, 1796 (posth.). »

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