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L'imagination est-elle nécessairement trompeuse ?

Publié le 17/01/2022

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Ajoutons cependant quelques remarques.1) Affirmer que l'imagination nous trompe est un lieu commun qu'il n'y a pas lieu de discuter. Ce qu'on demande, c'est si l'imagination nous trompe nécessairement. Il sera bon de sa demander en quoi l'imagination nous trompe. Ce peut être en faisant apparaître les choses autrement qu'elles ne sont; ce peut être en nous faisant croire en la réalité de fictions séduisantes ou terrifiantes. Dans le second cas, elle ne saurait nous tromper nécessairement. Pour qu'il en soit ainsi en effet, il faudrait que, quoi que nous puissions faire et de quelque vigilance que nous puissions nous armer, l'imagination nous trompe inévitablement. Est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être.2) Les philosophes les plus critiques à l'égard de l'imagination sont très loin d'une telle thèse. Pascal, s'il désigne l'imagination comme "maîtresse d'erreur" (elle enseigne le faux), ajoute qu'elle est "d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours": elle sait gagner notre confiance en nous offrant des représentations vraies.

L'imagination est un terme qui a deux significations.

 

D'un côté imagination veut dire invention délirante, et faculté de production d'images, fantasmes révélateurs d'obsessions intimes.

D'un autre côté l'imagination est la faculté de pouvoir inventer des moyens de représentation grâce à quoi nous pouvons organiser et synthétiser nos expériences.

Il est ici demandé si toute imagination est nécessairement trompeuse, au sens où la première signification du terme imagination le définit.

C'est donc sur ce caractère inéluctablement trompeur de l'imagination qu'il importera de revenir.

« responsable de ces dérèglements.4) Plus radicalement, en ce qui concerne l'aptitude de l'imagination à faire apparaître les choses autrement qu'ellesne sont, il faut faire justice des vieux arguments sceptiques relatifs aux apparences.

L'image qui se forme pour nousd'un bâton à demi-plongé dans l'eau est fonction de la réfraction des rayons lumineux, celle que nous avons dusoleil, qu'un doigt suffit à occulter, de la distance de la terre au soleil.

Savoir la réfraction, c'est comprendre que lebâton à demi-immergé ne saurait nous apparaître autrement et que l'image que nous en formons est une image duphénomène de réfraction.

De même, la distance d'un objet et sa taille étant données, sa grandeur apparentedépends nécessairement de l'angle sous lequel nous le voyons.

Les apparences ne sont pas trompeuses: elles sontau contraire fondées dans la nature des choses.

L'imagination ne nous trompe pas; c'est nous, qui nous trompons. III - UNE DEMARCHE POSSIBLE. A - L'IMAGINATION, FACULTE TROMPEUSE. Dans un premier temps, il importe de rappeler qu'il y a effectivement un caractère trompeur de l'imagination.Car imaginer c'est pratiquer des projections subjectives, substituer ses fantasmes à l'ordre des choses ou mêmedélirer dans l'interprétation de tel ou tel événement. De là, la pertinence des analyses de Descartes, de Pascal ou encore de Freud sur ce sujet. L'imagination est la plus grande puissance d'erreur qui se puisse trouver enl'homme, et dont il ne peut se défaire.

Si elle était toujours fausse, il suffiraitd'en prendre le contre-pied pour trouver la vérité, mais nous ne savons jamaissi ce qu'elle nous représente est réel ou irréel.

N'étant pas la règle infaillible dumensonge, elle ne peut l'être de la vérité.

Elle représente le vrai et le fauxavec la même indifférence.

Sa puissance de persuasion est infinie, mêmeauprès des hommes les plus sages et les plus raisonnables.

Elle emportel'assentiment par surprise et sans difficulté.

Les plus beaux discours de larhétorique ne sont pas ceux qui parlent à notre raison mais à notre coeur.

Laraison calcule, soupèse, compare, mesure, établit des rapports, mais elle estincapable de "mettre le prix aux choses".

C'est l'imagination qui nous faitestimer, blâmer, aimer ou détester, et non pas la raison dont elle se joue sansefforts.

L'imagination a produit en l'homme une seconde nature : "Elle remplitses hôtes d'une satisfaction bien autrement pleine et entière que la raison." Imaginer c'est aussi procéder par images, c'est-à-dire par raccourcis, parclichés comme on dit.

Ce n'est pas avoir une vue exacte des choses, commel'a montré Platon, mais une vue grossière de celles-ci. C'est substituer à la vision d'ensemble, au regard synoptique du dialecticien,l'image fugitive et photographique qui détaille la réalité et la dissout au lieu dela considérer. En cela, l'imagination n'est pas la pensée et de nombreux penseurs l'ont critiquée afin de mettre en garde contre ceque Bachelard a appelé la "séduction des images". Celle-ci correspond au besoin égocentrique de s'inventer un monde fait sur mesure, un univers pour soi, dans lequella réalité extérieure ne serait qu'une projection du contenu mental de nos pensées. B - L'IMAGINATION : FACULTE CREATRICE. Toutefois, l'imagination n'a pas ce seul sens.

Faculté éminemment subjective et réductrice, celle-ci a aussi un sensobjectif et rationnel.Ainsi que l'a fait remarquer Gaston Bachelard, inspiré en cela par Husserl, s'imaginer, c'est être capable des'absenter des choses. S'absenter ainsi est un acte consistant à prendre du recul, comme la pensée.

En ce sens, rien ne sépare la penséede l'imagination. Trois éléments le confirment.

En premier lieu pour percevoir quelque chose, il faut être capable de l'imaginer, c'est-à-dire de prendre du recul, de le déformer, d'agir sur lui, sans quoi il n'y a pas de perception possible. En second lieu, pour percevoir que quelque chose ne va pas ou est faux, il faut prendre du recul, se dissocier dumonde, ne pas faire corps avec la réalité. Enfin, pour penser le vrai et pas simplement le faux, il faut être capable de pratiquer toutes sortes de variations etde changements car c'est en expérimentant ainsi mentalement que l'on fait sortir les idées. C - LA DIALECTIQUE DE L'IMAGINATION.. »

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