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L'opinion est-elle toujours fautive?

Publié le 31/01/2005

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Définition des termes du sujet   Dans le langage courant, une opinion est un avis, peut-être rapide et insuffisamment fondé d'ailleurs, sur un sujet donné. C'est donc une position que l'on tient sans forcément y avoir vraiment réfléchi, que l'on tire par exemple spontanément du système de valeurs dans lequel on a l'habitude d'évoluer. La philosophie accentue cette compréhension assez péjorative de l'opinion : l'opinion est en effet définie par elle comme un jugement sans fondement, et elle est dénoncée, souvent violemment, parce qu'elle se donne les apparences d'un savoir sans en avoir la solidité.  Un sens plus restreint de l'opinion est envisageable : l'opinion peut en effet se comprendre comme l' « opinion publique », c'est-à-dire comme le jugement exprimé, à nouveau peut-être sans fondement rationnel valable, par la majorité d'une communauté. Mais ce n'est peut-être pas parce que le jugement qu'est l'opinion est hâtivement émis qu'il se trompe toujours et nécessairement : c'est justement sur ce point que porte le sujet, puisque l'on définit comme fautif ce qui relève de l'erreur de jugement. L'emploi de l'adverbe « toujours » dans la formulation du sujet appelle une réponse assez tranchée : ou bien l'opinion est toujours fautive, ou bien elle ne l'est jamais, ou bien, et c'est là que réside peut-être le centre de gravité du sujet, il est possible de définir des circonstances, ou des conditions, auxquelles l'opinion n'est pas fautive en dépit de son rapport assez hasardeux avec la vérité. Le sujet demande donc de mettre en rapport deux concepts, celui d'opinion, et, de manière implicite, celui de vérité, et de mesurer la pertinence de ce rapport, ou encore de le faire varier en faisant varier également les circonstances sous lesquelles il apparaît. De cette manière, on pourra décider si opinion et vérité sont par essence et inconditionnellement incompatibles, et choisir entre une position ferme, qui consisterait à répondre par l'affirmative à la question de cette incompatibilité, et une position plus nuancée, qui tiendrait compte de la valeur des contenus d'opinion, qui peuvent peut-être toucher la vérité - restera alors à mesurer la valeur de cette manière qu'a l'opinion de toucher la vérité : ne le fait-elle que par chance, par accident, ou a-t-on au contraire quelque chose de vrai à apprendre de l'opinion ?       Eléments pour le développement     1° L'opinion comme jugement hâtif et infondé - Bachelard et le refus catégorique de l'opinion   Une première piste peut mener à appuyer le présupposé contenu dans le sujet, qui est que l'opinion est toujours fautive. Pour Bachelard ainsi, l'opinion n'a aucune capacité en matière de pensée et ne peut absolument pas prétendre atteindre la vérité, puisqu'elle ne fait que « [traduire] des besoins en connaissances ».

« C'est peut-être simplement la comparaison de l'opinion avec la science qui dévalorise l'opinion.

Qu'est ce qui donc peutdonner de la valeur à une opinion ? Il faut penser ici à Platon, àla thématique de l'opinion droite.

Selon Platon donc, ce quipourrait donner de la valeur à une opinion serait le fait qu'ellesoit « une opinion droite », c'est sa rectitude, sacorrespondance à plusieurs éléments de la réalité.

Cependantune opinion même droite, selon Platon, ne pense pas, car elleest immédiate et traduit donc un besoin de connaissance.

Cequi peut la justifier c'est l'acte penser.

Platon, La République , la caverne, 507c et 522 b. Platon, cependant, ne se contente pas de condamner globalement toutes les opinions.

Il remarque, dans Ménon, quecertaines d'entre elles sont suffisantes, parce qu'efficaces danscertains comportements pratiques, lorsque le secours du vraisavoir (de la science) n'y est pas nécessaire.

Ces opinionspositives, il les qualifie de « droites », mais il précise aussi qu'elles ne sont utiles qu'aussi longtemps qu'ellesdemeurent «droites ».

Or, le problème, c'est qu'il n'existe pas de méthode pour garantir cette rectitude : l'opiniondroite nous échoit par hasard ou par chance, et, comme elle n'est pas inserrée dans un raisonnement, on ne pourrala retrouver si elle s'échappe.

Ce qui distingue alors cette opinion droite du vrai savoir, c'est que le second se fondesur des relations de causalité qui, de proche en proche, doivent nous permettre de le reconstituer à partir d'un deses éléments.

Au contraire, l'opinion droite n'est pas « liée » par de telles relations, et c'est pourquoi on ne peut enprofiter que tant qu'elle est bien présente dans notre esprit : la vérité (pratique) qu'elle livre reste fragile et fugitive.Si certaines opinions sont toutefois efficaces dans la pratique, c'est qu'elles proposent des buts équivalents à ceuxqu'imposerait un raisonnement ou une connaissance fondés.

On peut alors admettre que, par exemple en morale,certaines intuitions peuvent guider l'action, dès lors que, au lieu de nous lier aux intérêts immédiats, elles proposentune conception du bien qui rejoint celle qu'imposerait une réflexion approfondie.

Ainsi, le conformisme moral pourraitne pas être négatif : même s'il n'a pas conscience de l'universalité de la loi, de la présence du devoir (et même despostulats de la raison pratique telle que les décline Kant), ce qui importe est qu'il oriente la conduite d'une majoritéde personnes dans le sens convenable.

L'opinion « moralement droite » peut éventuellement accompagner uneaction qui sera seulement « conforme au devoir » : au moins le mal sera-t-il évité – ce qui n'est pas exactementrien. 3° Adorno, « l'opinion s'approprie ce que la connaissance ne peut atteindre pour s'y substituer » -l'opinion n'est pas nécessairement fautive, mais il est épistémologiquement nécessaire de la récuserpour atteindre la vérité On peut enfin préciser le rapport que l'on établit entre opinion et vérité en posant que ce qui fait problème lorsquel'on veut affirmer que l'opinion n'est pas toujours fautive est le fait que l'opinion se substitue à la connaissance, ens'en donnant les apparences, en n'offrant donc pas les moyens de sa mise en question ; par là elle menacegravement la reconnaissance de la vérité.

Il convient donc peut-être d'avancer une position finale à la fois nuancéequant à la valeur de vérité de l'opinion et catégorique quant au refus que l'on fait de lui accorder un crédit : l'opinionn'est pas toujours fautive, elle peut accidentellement être juste, mais il faut la considérer comme toujours fautive sil'on veut conserver les moyens de reconnaître la vérité selon des critères fiables. Conclusion Il est assez aisé de montrer que l'opinion n'est pas toujours fautive, pour la simple raison que l'on peut formuler des opinions dont il se trouvera, par hasard, qu'elles tombent juste.

Il apparaît alors que l'enjeu principal dusujet est une évaluation de type épistémologique des rapports existant entre opinion et vérité : si l'on s'intéresse eneffet aux processus par lesquelles opinion et vérité se forment, on est forcé de refuser à l'opinion toute valeur devérité ; si l'opinion est parfois juste, elle est alors toujours fautive parce qu'elle n'est jamais capable de rendrecompte rationnellement de son éventuelle, et accidentelle, vérité.. »

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