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Merleau-Ponty : AUTRUI

Publié le 27/02/2008

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Enfin la nouvelle psychologie apporte aussi une conception neuve de la perception d'autrui. La psychologie classique acceptait sans discussion la distinction de l'observation intérieure ou introspection et de l'observation extérieure. Les "faits psychiques" - la colère, la peur par exemple - ne pouvaient etre directement connus que du dedans et par celui qui les éprouvait. On tenait pour évident que je ne puis du dehors, saisir que les signes corporels de la colère ou de la peur, et que, pour interpréter ces signes, je dois recourir à la connaissance que j'ai de la colère ou de la peur en moi-même et par introspection. Les psychologues d'aujourd'hui font remarquer que l'introspection, en réalité, ne me donne presque rien. Si j'essaye d'étudier l'amour ou la haine par la pure observation intérieure, je ne trouve que peu de choses à décrire: quelques angoisses, quelques palpitations de coeur, en somme des troubles banaux qui ne me révèlent pas l'essence de l'amour ni de la haine. Chaque fois que j'arrive à des remarques intéressantes, c'est que je ne me suis pas contenté de coïncider avec mon sentiment, c'est que j'ai réussi à l'étudier comme comportement, comme une modification de mes rapports avec autrui et avec le monde, c'est que je suis parvenu à le penser comme je pense le comportement d'une autre personne dont je me trouve être le témoin. En fait les jeunes enfants comprennent les gestes et les expressions de physionomie bien avant d'être capables de les reproduire pour leur compte, il faut donc que le sens de ces conduites leur soit pour ainsi dire adhérent. Il nous faut rejeter ici ce préjugé qui fait de l'amour, de la haine ou de la colère des "réalités intérieures" accessibles à un seul témoin, celui qui les éprouve. Colère, honte, haine, amour ne sont pas des faits psychiques cachés au plus profond de la conscience d'autrui, ce sont des types de comportement ou des styles de conduite visibles du dehors. Ils sont SUR ce visage ou DANS ces gestes et non pas cachés derrière eux.Merleau-Ponty s'attache ici à critiquer la position de la psychologie classique à laquelle il oppose la conception de la psychologique moderne. Cette critique porte précisément sur la nature de notre relation à autrui en posant directement le problème de la connaissance directe, par observation, de ce qu'autrui ressent en lui-même. Ce qui est critiqué ici précisément, et donc fortement remis en question, c'est la distinction traditionnelle entre « observation extérieure » (simple rapport d'extériorité à l'autre, impossibilité de « rentrer » dans son esprit) et « l'introspection intérieure » (comme moyen de connaître l'essence de nos sentiments et conduites).
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« Explication détaillée 1er MOUVEMENT - Quand commence notre texte, on comprend que Merleau-Ponty, dans ce qui précède, a déjà élaboré une critique de la conception de la psychologie moderne dont il ne remet en question dans notre extrait que laconception de la perception d'autrui.

Ainsi, en réalité, Merleau-Ponty poursuit le mouvement d'extensiondepuis les sens jusqu'au sujet percevant par la considération de l'autre sujet percevant et de l'autre objet dema perception : autrui.

Autrui est l'autre qui perçoit et l'autre que je perçois. - Le premier mouvement examine donc cette question de la perception d'autrui dans la perspective de la psychologie classique qu'il ne fait que poser et qu'expliciter comme telle.

Il explicite en quoi consiste lareprésentation classique d'autrui d'ailleurs en trois temps distincts : 1- Il montre que la psychologie classique accepte deux distinctions et pose les conséquences auxquelles chacune d'elle mènent.

L'intérieur et l'extérieur sont deux réalités à part : l'âme et les expressions de la vie de l'âme sont deuxréalités différentes.

Cette distinction est acceptée « sans discussion », elle a donc presque valeur depostulat de départ de toute analyse psychologique.

Il y a bien entendu une solution de continuité puisque lesexpressions extérieures de l'âme sont le témoin de son agitation intérieure.

Mais on ne saurait réduire l'étatintérieur de l'âme à ses expressions extérieures.

Sont alors distinguées de ce fait deux méthodes d'observation : l'introspection pour l'observation intérieureet l'observation extérieure.

L'introspection consiste à regarder attentivement en soi afin de tenter de saisir lanature du sentiment qui nous habite, alors que l'observation reste justement extérieure : elle ne fait queregarder, attentivement certes, un comportement sans entrer en véritable relation d'intériorité avec lui.

Il y anéanmoins une relation de continuité entre les deux : l'observation d'un comportement extérieur pouvantdonner lieu à une introspection (dans le but justement d'aller au-delà). 2- Puis il explique qu'elle conçoit les expressions de la vie de l'âme comme des « faits psychiques ».

C'est ences termes que sont compris colère et peur.

Ces faits sont donc réels, on peut les constater sur le visage ou dans le comportement d'autrui.

Mais entant qu'on cherche à les connaître, on ne doit choisir que la voie de l'introspection. 3- Il semble, dans cette perspective, que l'introspection livrerait (toujours selon la psychologie classique) lesens de ces « faits psychiques », là où l'observation ne donnerait que « les signes corporels de la colère oude la peur ».

En réalité, il s'agit de montrer qu'on ne connaît l'essence même de la colère qu'en allant au fondde son être, pour comme qui dirait coïncider avec lui.

En ce sens, la psychologie classique ainsi posée rendimpossible la connaissance d'autrui : si pour connaître (à proprement parler, et pas simplement observer) lacolère d'autrui et l'interpréter comme colère, encore faut-il que je rentre en moi-même et que je cherche, dudedans, à saisir le sens et l'essence de la colère.

C'est par cette connaissance qui vient du dedans de monêtre que je peux interpréter les signes extérieurs de la colère.

Pour observer la colère reconnue comme telle,il faut donc préalablement être capable de la reconnaître comme telle : ce qui suppose que je la connaissede l'intérieur, c'est-à-dire par l'introspection.

En ce sens on ne pourra donc jamais connaître la colèred'autrui, mais simplement ma propre colère en tant que je la reconnais chez autrui.En résumé : La connaissance de l'autre est d'abord extérieure à autrui.

Je ne saurais pas ce qu'il éprouve quand il crieou quand il pleure.

Il faut : « interpréter ces signes ».

Les cris, les pleurs : ce sont des signes et des signes dont le sens estd'abord obscur.

Cette interprétation est analogique : "je dois recourir à la connaissance que j'ai de la colère ou de la peuren moi - même et par introspection".

Mais c'est alors ma peur que je vais connaître et non pas celle d'autrui. - Le problème de la possibilité de la connaissance d'autrui, telle qu'elle est posée par la psychologie classique, est donc laissé intact.

Et c'est précisément ce que Merleau-Ponty cherche à critiquer. 2nd MOUVEMENT - Or, la psychologie moderne est revenue sur cette efficacité de l'introspection postulée par la psychologie classique.

C'est précisément par cette objection que s'ouvre notre second mouvement. - L'introspection est en réalité une connaissance vide qui ne « me donne que presque rien ».

Mais qu'est- ce que cela signifie ? Merleau-Ponty donne dans ce mouvement, une série d'objections et ses conséquences. 1- L'introspection ne donne, en fait, que des éléments physiologiques, à savoir les palpitations du cœur dansle cas de l'amour ou de la peur, etc.

ces éléments ne donnent pas la connaissance de ce que dis éprouver.Ils sont d'ailleurs communs à plusieurs émotions (ce que traduit le terme de « troubles banaux) : or,justement, la caractéristique de la connaissance, c'est qu'elle est spécifique à son objet.

L'essence del'amour ne peut pas être la même que celle de la peur – sinon amour et peur seraient un seul et mêmesentiment.

Saisir le trait commun à l'amour et à la peur ce n'est donc nullement les connaître en tant quetels. 2- On comprend alors que la véritable connaissance, compréhension, de mon sentiment exige une toute autredémarche que celle, vide, de la seule introspection.

Il faut, en réalité, opérer une véritable décentration : « c'est que je ne suis pas contenté de coïncider avecmon sentiment ».

Il me faut m'étudier comme si j'étais étranger à moi-même : « c'est que je suis parvenu à lepenser comme je pense le comportement d'une autre personne ».

Je dois donc m'extérioriser, et m'observercomme comportement, c'est-à-dire finalement comme autrui me perçoit.

On assiste donc ici à un véritable. »

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