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(Métaphysique A, 1, 980 a 21 — 981 a 12) - Aristote

Publié le 22/03/2015

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aristote

Tous les hommes désirent naturellement savoir ; le signe en est le plaisir causé par les sensations, car, indépendamment même de leur utilité, elles nous plaisent par elles-mêmes, et plus que les autres, celles visuelles. En effet, non seulement quand nous agissons, mais aussi quand nous n'envisageons aucune action, nous préférons, pour ainsi dire, la vue à tous les autres sens ; la cause en est qu'elle est celui des sens qui nous fournit le plus de connaissances et qui nous rend manifeste une foule de différences. Par nature, les animaux naissent dotés de la sensation ; chez les uns elle n'engendre pas la mémoire, tandis qu'elle le fait chez les autres. Et c'est pourquoi ces derniers sont plus intelligents et plus aptes à apprendre que ceux qui ne sont pas capables de se souvenir : d'une part, sont intelligents sans pouvoir apprendre les animaux qui ne peuvent entendre les sons [...1, d'autre part, sont capables d'apprendre ceux qui, en plus de la mémoire, ont le sens de l'ouïe. Ainsi, les animaux autres que l'homme vivent en usant d'images et de souvenirs, et n'engrangent que peu d'expériences, tandis que le genre humain vit aussi de l'art et des raisonnements. Or, pour les hommes, l'expérience provient de la mémoire, car les multiples souvenirs de la même chose rendent finalement possible une expérience unique. Aussi, l'expérience paraît-elle, en gros, semblable à la science et à l'art, car la science et l'art adviennent aux hommes par l'expérience : « l'expérience a produit l'art «, comme le dit bien Polos, « et l'inexpérience, la chance «. Il n'y a cependant d'art que lorsque, à partir d'une multitude de notions issues de l'expérience, advient un seul jugement général applicable aux cas similaires. En effet, juger que tel remède a été utile à Callias, souffrant de tel mal, puis à Socrate, puis à plusieurs autres pris un à un, cela relève de l'expérience ; mais juger qu'il a été utile à tous les individus qui, souffrant de tel mal, rentrent dans un seul cadre spécifique (comme celui des phlegmatiques, des bilieux ou des fiévreux), cela relève de l'art.

 

(Métaphysique A, 1, 980 a 21 — 981 a 12)

aristote

« Textes commentés 39 Le chapitre introductif de la Métaphysique vise à établir que la sagesse théorique (sophia) considère «certaines causes et certains principes» (A, 1, 982 a 2); on cherchera ensuite lesquels.

Il s'agit donc de rendre «manifeste» (a 3) le principe même de la recherche philosophique qui va suivre.

On remarque qu'Aristote, en parfait accord avec sa propre doctrine des principes, adopte ici une démarche inductive progressant par généralisations successives à partir de ce qui nous est le plus familier.

Le plaisir sensible est, très communément, le « signe» (sèmeion) du libre intérêt que nous prenons, quelle que soit l'utilité de nos sensations, au spectacle du monde : ravis par la «foule de différences» qu'y découvrent nos sens, nous cherchons à nous y reconnaître, à voir de quoi il en retourne avec ce monde.

Bref, les différences sensibles qui se signifient à nous suffisent à stimuler la curiosité qui nous est naturelle, comme elle l'est aussi aux animaux dotés de mémoire.

Sensations, images mentales, souvenirs, puis association des «multiples souvenirs de la même chose» ou «expérience» (empeiria), telles sont les étapes de notre apprentissage des choses.

Lorsque s'y joint l'écoute des raisonnements d'autrui, cet apprentissage s'enrichit, et devient aussi celui de la vie humaine elle-même.

Cependant, si l'expérience constitue une première unité de la diversité, elle n'est pas encore une connaissance réelle, car elle n'atteint aucune cause.

L'homme d'expérience ne sait pas «le pourquoi» (cf.

981, a 28-30).

L'homme de l'art (tekhnitès), lui, identifie l'unité d'espèce de plusieurs expériences et formule « un seul jugement général » (mia katholou hupolepsis) : possédant le savoir-faire (tekhnè), il juge selon l'espèce (kat' eidos); ainsi procède le médecin.

En conséquence, s'il est exact de dire que «l'expérience a produit l'art», on n'en conclura pas qu'elle est un savoir.

On respectera ainsi la différence entre les particula­ rités et l'universalité spécifique ou générique : la connaissance des causes relève du seul katholou, mais elle n'a pourtant pas d'autre provenance (purement intelligible, ou bien mystique) que l'expérience et la sensation (cf.

Texte II).. »

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