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Nature et exercice du pouvoir ?

Publié le 30/03/2009

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Le terme de « pouvoir « pose de difficiles problèmes d'analyse, tant il véhicule de significations diverses, confuses, parfois contradictoires. En un sens immédiat, élémentaire, chaque être humain peut quelque chose : cette capacité s'identifie même pour certains avec le degré inférieur de la liberté. Hobbes, dans le De Cive, fait observer que l'esclave enchaîné et tenu enfermé est placé dans un état infra-humain puisqu'on lui retire toute capacité de se mouvoir. Il a donc, à ses yeux, le droit de sortir de cet état par tous les moyens qui pourraient se présenter : personne ne peut lui demander de l'accepter par un pacte ; la liberté est bien cette capacité de subvenir, par son action, de façon autonome, à ses propres besoins. Priver quelqu'un des formes élémentaires de ce pouvoir d'agir revient à lui retirer sa nature. H. Arendt ne dit pas autre chose lorsqu'elle affirme que la liberté est d'abord une qualité intrinsèque du « je peux «. L'exemple extrême du camp de concentration, dont elle fournit une analyse théorique, montre bien que lorsque la faculté de pouvoir est anéantie, il n'existe plus au sens strict d'humanité dans le comportement de l'individu.

« Hobbes et de Spinoza sur des affres de l'état de nature.

Pour l'individu menacé de toutes parts, il vaut mieux uneorganisation sociale plutôt que le chaos : l'ordre social lui assure une sécurité minimale que la raison lui commanded'accepter parce qu'il est préférable à la violence, inévitable en l'absence de toutes règles.

L'absolutisme de Hobbestrouve ainsi sa justification la plus essentielle, puisqu'il donne à l'individu les conditions sans lesquelles aucune vie neserait possible.Cette raison minimale ne peut cependant suffire à expliquer l'acceptation du pouvoir et de la domination.

Max Weberdistingue trois grands types de légitimité, susceptibles de justifier la domination :• Tout d'abord une légitimité peut tirer son origine de son ancienneté : c'est la coutume qui justifie l'exercice dupouvoir.

Ainsi les souverainetés héréditaires, parfois transformées en monarchies de droit divin, s'appuient-elles surla tradition pour expliquer leur domination.

Le passé, la coutume, comme le notait déjà Pascal, est un facteurpuissant dans le processus d'acceptation du pouvoir.

Mais ce mode de légitimation paraît aujourd'hui archaïque, ilappartient à un type de sociétés en déclin.• Le second mode de légitimité, que l'on peut appeler légale, s'appuie sur la croyance en la validité de règles établiesrationnellement, connues et acceptées par tous.

C'est le principe qui régit les états modernes dont lefonctionnement repose sur des constitutions, ou un ensemble de textes de loi écrits.• Le troisième mode de légitimité que Max Weber nomme charismatique repose sur la personnalité d'un chef, d'unsouverain ou prophète qui se singularise par des « qualités exceptionnelles ».

Ce type d'autorité particulièrementefficace dans le domaine militaire, se retrouve également dans le domaine politique.

Cette description de Max Weberne prétend pas à la rigueur totale, pas plus qu'elle ne propose une taxinomie rigide, dans laquelle chaque catégorieserait exclusive des autres.

Elle a le mérite d'éclairer seulement les différentes formes d'obéissance que les individussont prêts à accepter, et de montrer quelques aspects des mécanismes du pouvoir.

Mais elle propose plus unconstat qu'une véritable explication du processus.

D'autres conceptions plus anciennes avaient tenté de montrercomment, faute de pouvoir en comprendre jusqu'au bout la nature, il était possible d'en user.

L'œuvre de Machiavel est en partie construite sur les manipulations que l'homme de gouvernementest capable d'exercer pour s'emparer du pouvoir et le conserver.

Pour lui, lepouvoir ne peut être totalement maîtrisé ; il reste toujours des éléments quiéchappent au contrôle du plus grand des hommes avides de le conquérir.

« LePrince » s'efforce, en un sens, de donner l'ensemble des moyens nécessairespour obtenir la maîtrise maximale du phénomène.Mais, à l'inverse, la tendance du pouvoir à ne jamais rencontrer d'autreslimites que celles — incertaines — de celui qui l'exerce, a conduit les hommesà rechercher les moyens de le contenir.

Le pouvoir, en effet, possède lapropriété intrinsèque de s'étendre indéfiniment : Calliclès déjà soutenaitcontre Socrate que les plus forts se doivent de donner à leurs désirs le plusd'extension possible, si leur volonté était capable de les satisfaire.

Les imagestraditionnelles du despote, comme celle du personnage principal de l'Automnedu Patriarche de G.

G.

Marques, par exemple, le montrent insatiable.

Ce quiest vrai de l'individu peut être également appliqué à l'institution anonyme, ausystème impersonnel.Montesquieu, après Locke, a théorisé simultanément, sur le plan politique,cette propension d'un pouvoir à s'étendre toujours davantage, et les moyensde remédier à cette tendance.

Contre Hobbes, et même Rousseau, ilpréconise, dans L'Esprit des Lois, la division et l'équilibre des pouvoirs,facteurs essentiels de la modération politique.

De façon symptomatique, ledespote oriental, choisi par Montesquieu pour symboliser la pire des tyrannies,réunit selon lui les trois pouvoirs (judiciaire, législatif, exécutif) entre ses mains.

Depuis deux siècles, l'équilibre des pouvoirs et leur partage entre des instances différentes restent desprincipes essentiels, sous des formes diverses, dans les démocraties.

Si la nature du pouvoir reste encoremystérieuse, peut-être parce qu'il apparaît dès que des relations humaines s'établissent et que le rêve d'une sociétésans affrontements est utopique, il reste un objet de désir majeur que les hommes ne renoncent jamaiscomplètement à conquérir ou à exercer.. »

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