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On a dit : « Par l'enfance nous comprenons que nous sommes tous mal partis et qu'il n'en peut être autrement. » qu'en pensez-vous ?

Publié le 04/08/2005

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Ce sont principalement mes pensées, mes représentations, que je peux libérer de toute influence extérieure, que je peux faire entièrement miennes. Cette distinction signifie que le déterminisme n'est pas incompatible avec la liberté du sujet et, comme le dit Sartre: « ce n'est pas le déterminisme qui est l'envers de la liberté, c'est le fatalisme ». Le fatalisme serait un déterminisme qui s'étendrait à tous les domaines de la vie humaine, y compris celui des pensées, de sorte que la vie ne serait que le déroulement d'un destin déjà écrit, qui exclurait pour l'homme toute liberté. Un homme soumis à la fatalité est semblable à un personnage de tragédie grecque, qui est le jouet du destin que les dieux ont choisi pour lui. Mais le déterminisme, on le voit avec Epictète, est essentiellement limité, et la liberté de l'homme consiste dès lors à s'accommoder de ce qui le détermine, à y consentir pour ne pas le subir dans la passivité. L'homme est donc libre en même temps qu'il est déterminé. Cela signifie que l'enfance, même si elle le détermine, ne lui impose pas un destin, il peut « en être autrement », car alors tout serait joué dès l'enfance : l'enfant ayant grandi dans des conditions difficiles deviendrait nécessairement un criminel et, à l'inverse, l'enfant bien élevé deviendrait nécessairement un adulte honnête. -         L'adulte est autre que l'enfant parce qu'il est plus que lui, et c'est précisément ce plus qui lui permet de s'affranchir de l'enfance. Ce plus qui caractérise l'adulte par opposition à l'enfant est celui de la raison. L'enfant est certes un être de raison, mais en puissance pourrait-on dire, car il n'a pas encore accédé à la raison.

L’enfance est associée à l’âge de l’innocence et de la naïveté. Pourtant, c’est également l’âge où l’homme reçoit une éducation, c’est-à-dire tout un ensemble de règles et de principes qui sont censés l’accompagner toute sa vie. Autant dire alors que l’enfance est bien plutôt l’âge des préjugés, et non celui de l’innocence. Peut-être d’ailleurs ne sortons-nous jamais de ces préjugés, de sorte que même à l’âge adulte nous continuerions à penser et nous conduire comme des enfants, tout imprégnés de l’éducation que nous avons reçus, et sans songer à la remettre en question. C’est en ce sens peut-être que l’on a pu dire que « par l’enfance […] nous sommes tous mal partis «, parce que nous y avons laissé notre liberté de penser par nous-mêmes. Doit-on y voir pour autant une fatalité, croire « qu’il n’en peut être autrement « ? Ne doit-on pas distinguer enfin enfance et éducation, pour s’apercevoir que c’est seulement la première qui, laissée à elle-même, nous prive de liberté ?

« L'enfant est certes un être de raison, mais en puissance pourrait-on dire, car il n'a pas encore accédé àla raison.

L'enfant a beau parler, il ne possède pas le logos , qui désigne pour les Grecs aussi bien le discours (le langage), que la raison.

L'enfant ne connaît donc qu'un aspect du logos , puisqu'il parle, mais il ne possède pas encore la raison, car il parle « avant de savoir ce qu'il dit » selon Alain.

Les mots de l'enfant commencent à avoir un sens pour lui, mais il ne les comprend pas encore car il ne peut pas lesexpliquer.

C'est ainsi que tout un tas d'opinions s'inscrivent en lui, sous l'influence de l'éducation, et parcequ'elles ne rencontrent pas la résistance de la raison.

L'enfance est ainsi pour Descartes l'âge de tous lespréjugés, où nous sommes « gouvernés par nos appétits et nos précepteurs », et où nous n'avons pas encore l'usage de notre raison.

Mais si la raison fait défaut à l'enfant, il n'en est pas de même chezl'adulte.

Descartes dit que la raison est « la chose la mieux partagée du monde », aucun homme sain d'esprit n'en est dépourvu.

Dès lors, la possibilité est donnée à tout homme, par la raison, de juger despréjugés qu'il a reçus dans l'enfance, et de les rejeter s'il les estime contraires à la raison.

C'est ce quefait Descartes dans la première des Méditations : il se détourne de toutes les « fausses opinions » reçues depuis l'enfance.

Ici l'adulte se fait autre que l'enfant, qui refuse les vieux préjugés et pense par lui-même.

Si l'enfance est un mauvais départ, la raison offre néanmoins à l'âge adulte la possibilité dechanger de direction pour retrouver une libre pensée. III – L'éducation nous libère de l'enfance - Ce n'est pas l'éducation qui nous prive de liberté, c'est l'enfance, si précisément elle n'est pas éduquée.

Une enfance sans éducation en effet, donc sans contrainte, ne se formerait qu'en suivant leplus facile, à savoir ses désirs.

Car entre le jeu et le travail, l'enfant tend toujours naturellement vers lejeu, c'est-à-dire vers ce qu'il désire.

Mais ainsi laissée à elle-même, l'enfance ne permet aucunapprentissage, qu'il soit intellectuel, linguistique, moral, affectif ou social, de sorte qu'une enfanceparfaitement libre, dégagée des contraintes de l'éducation, aboutirait au contraire même de la liberté.L'adulte ainsi formé, sans aucune contrainte, serait en effet prisonnier de ses désirs, comme dansl'enfance, puisqu'il n'a jamais écouté qu'eux et n'a pas appris à les contraindre.

Ce serait précisément unadulte toujours enfant, un grand enfant, qui vit selon ce que Freud appelle le principe de plaisir, qui nousfait suivre nos désirs, et non selon le principe de réalité, qui censure certains désirs pour répondre auxexigences de la vie sociale adulte.

L'enfant laissé à lui-même est un être de désir, qui ne pense qu'au jeuet ne deviendra jamais adulte.

En ce sens l'enfance est effectivement un mauvais départ, dès lors qu'ellese passe de l'éducation, car laissée à elle-même elle nous rend esclaves de nos passions. - Dès lors et par opposition, l'éducation apparaît comme la seule condition d'un bon départ dans la vie. Elle est donc une nécessité pour l'enfant, parce qu'en le contraignant elle lui apprend à vivre, à dépasserses désirs premiers et à s'en libérer.

C'est aussi grâce à l'éducation que Descartes peut juger de sonéducation, car c'est précisément par l'éducation que s'est formée sa raison, qui lui permet de rejeter cequ'il considère comme des opinions infondées.

L'éducation est donc une contrainte, mais qui ne rend pasimpossible la liberté du futur adulte ; au contraire elle la prépare, parce qu'elle permet de conquérir laraison par laquelle l'homme pourra penser librement.

Selon Alain, l'auteur de notre citation initiale, plusl'éducation est contraignante, plus la raison sera exigeante, et plus l'homme sera libre d'esprit.

Contre latendance naturelle de l'enfant à la facilité, il préconise une éducation fondée sur l'effort de l'enfant : « je ne veux pas qu'on donne […] la noix épluchée.

Tout l'art d'instruire est d'obtenir au contraire quel'enfant prenne de la peine et se hausse à l'état d'homme », c'est-à-dire qu'il apprenne à penser par lui- même, en rejetant la pensée facile et toute faite dont l'enfant s'accommode faute de raison.

L'éducationest donc le moyen de s'émanciper de l'enfance, de ses instincts comme de ses préjugés, de prendre unbon départ, par opposition à la voie (mauvaise) que nous ferait suivre l'enfance non éduquée.

La libertéde l'homme suppose donc qu'il ait fait l'apprentissage de la nécessité, comme celle que lui imposel'éducation.

Comme dans la philosophie d'Epictète, il n'y a pas d'exercice possible de la liberté sans uneconnaissance de la limite de celle-ci.

Dès lors qu'elle n'est pas apprentissage de ce qu'il faut penser,l'éducation ne nous détermine pas.

Elle est bien plutôt la condition de la liberté de l'individu, car encontraignant l'enfant, elle le pousse à faire l'effort de dépasser le lieu commun, la pensée moyenne, doncà accéder à la libre pensée. Conclusion : si l'enfance est comparable à l'état de nature, où l'homme se laisse guider par ses passions, alors il est vrai que par elle « nous sommes mal partis ».

Nous ne pouvons dire, en revanche, « qu'il ne peut en êtreautrement », car alors la condition humaine consisterait à suivre aveuglément un destin tout tracé.

Nous nepouvons nier l'évidence de notre liberté, car de nombreuses choses « dépendent de nous ».

Mais comme souvent laliberté n'est pas où l'on croit : elle naît de la contrainte, ici celle de l'éducation, qui nous délivre d'une contraintebien plus grande, celle des désirs que dans l'enfance la raison ne limite pas encore.. »

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