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On connaît le mot de Pascal sur Montaigne : « Le sot projet qu'il a eu de se peindre! » auquel Voltaire réplique: « Le charmant projet que Montaigne a eu de se peindre naïvement, car, en se peignant, il a peint la nature humaine.>) Comment expliquez-vous l'opposition radicale entre ces deux jugements ? Quelle est votre opinion personnelle ?

Publié le 19/02/2011

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pascal

Voilà un type de sujet excellent pour un examen. A défaut d'originalité (qualité douteuse pour une épreuve comme le baccalauréat), il est « pratique «. — On ne peut lui reprocher de porter sur un point trop spécial du programme : il intéresse trois auteurs de premier plan qui y figurent tous, et sur lesquels on peut exiger que le candidat possède des connaissances précises : il permettra donc de vérifier s'il les possède. Mais il mettra surtout l'examinateur à même de voir si le candidat est capable d'utiliser ses connaissances. L'étude des raisons qui ont déterminé la condamnation de Montaigne par Pascal et son panégyrique par Voltaire départagera d'emblée le candidat capable tout au plus de répéter « un cours « sans le comprendre et celui qui sait comparer, réfléchir, faire œuvre d'intelligence et de jugement. Sans doute, le désir de ne pas allonger outre mesure l'énoncé de la question a-t-il éliminé les « considérants « sur lesquels s'appuient, dans le texte même de leurs auteurs, les deux opinions proposées : les candidats se-trouvent ainsi démunis de précieuses bases de raisonnement. C'est une raison de plus pour les professeurs d'insister auprès d'eux sur l'importance capitale de la lecture des, textes, qu'ils n'ont que trop tendance à remplacer par celle des manuel de littérature et des critiques!

pascal

« Pascal.

— Enfin, Montaigne déclare souvent qu'il ignore le repentir et qu'il revivrait comme il a vécu; cette tranquilleassurance doit épouvanter et scandaliser Pascal. II.

- Comment s'explique l'attitude de Voltaire ? 1° D'abord par le parti pris de contredire Pascal.

Il déteste en lui le représentant de l'idée chrétienne sous la formequi lui est la plus odieuse, la forme janséniste; il a bien senti que la condamnation de Montaigne par Pascal étaitcommandée par des raisons surtout religieuses : défendre Montaigne, c'est donc un moyen indirect de combattre lareligion.2° il aime en Montaigne précisément ce qui indignait Pascal : son scepticisme métaphysique, qui n'est pas seulementchez lui une incapacité reconnue de la raison à atteindre les choses en soi, mais encore et peut-être surtout unremède préventif contre le fanatisme : il ne déplaît pas à Montaigne que les hommes doutent un peu de leurspropres idées : peut-être, pense-t-il, admettront-ils mieux que d'autres ne les partagent pas.

Une phrase deMontaigne, à cet égard, a dû enchanter Voltaire : « Il n'y a pas d'opinion qui vaille qu'on en fasse cuire un homme.

»Ces vues sont confirmées par le commentaire dont Voltaire accompagne son jugement : « Un gentilhommecampagnard du temps de Henri III...

philosophe parmi les fanatiques...

est un homme qui sera toujours aimé.

»3° Enfin, il apprécie ce qui fait encore pour nous la valeur du dessein de Montaigne : « Il a peint la nature humaine.» Ici, le mot « aimable » projet ne suffit plus : il faudrait dire projet « profond ».

C'est lui qui fait de Montaigne lepremier de nos classiques et de son livre un grand livre de l'humanité. — Quelle est votre opinion personnelle? Cette partie, qui doit servir de conclusion, fait appel au jugement personnel de l'élève : ce n'est pas à dire qu'ilpuisse s'exercer sans risques en dehors de certaines limites : sauf à tomber dans le paradoxe, il n'est pas possiblede nier la valeur universelle de la peinture du « moi » dans les Essais.

Il faudra donc rappeler que le dessein deMontaigne n'est pas issu d'une « fantaisie », ni du désir puéril de « poser » devant le public, mais qu'il étaitcommandé par toute l'évolution de la pensée de Montaigne, dont il n'est que l'aboutissement logique.

-- Déçu par lestoïcisme, Montaigne en est venu à douter de la raison humaine et de- sa capacité d'atteindre le vrai; mais dans laruine de ses certitudes, alors que sa pensée au point mort semble se détruire elle-même par le fameux « que sais-je? », elle découvre dans sa propre intuition, comme Descartes devait le faire un peu plus tard, une certitudeimmédiate qui lui permet de nouvelles enquêtes.

Montaigne peut douter de tout, sauf de sa propre pensée : il luireste donc à étudier en lui, en attendant de la confronter avec celle des autres, la seule réalité qu'il puisseatteindre.Ceci dit, sollicité de donner son opinion, l'élève peut légitimement affirmer sa sympathie pour l'admirable effortintellectuel de Montaigne, pour sa pensée toujours, en éveil, toujours inquiète de serrer de plus près la vérité — ouencore pour les côtés « aimables » de son caractère ; il peut aussi, avec Pascal, déplorer l'étroitesse de son horizonmoral.

Toute conclusion sera admissible pourvu qu'elle soit fondée sur les faits et rédigée, cela va de soi, en termes« modestes ».. »

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