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Parler n'est-il pas toujours en un sens donner sa parole ?

Publié le 04/12/2005

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Et qui ne la tient pas se déshonore. » Montaigne[5], en ce sens, considère la parole digne de foi comme le fondement des rapports humains : « En vérité, le mentir est un maudit vice. Nous ne sommes hommes et ne nous tenons les uns aux autres que par la parole. » Il est ainsi coutume de faire l'éloge de la « parole vraie », comme le fait Hegel[6] lorsqu'il écrit que "parmi les devoirs particuliers envers autrui, le premier est la véracité de la parole et de la conduite. Elle consiste dans la conformité entre ce qui est et dont on a conscience et ce que l'on dit et montre aux autres."   III.              La parole apparemment inutile ou trompeuse est en fait d'une grande utilité sociale. L'expression populaire « parler pour ne rien dire » souligne le vide informatif de certains échanges verbaux mais néglige leur utilité sociale, comme le fait d'établir un contact avec autrui par souci de politesse, pour éviter le malaise dû au silence. Simone de Beauvoir écrit à ce sujet que « la parole ne représente parfois qu'une manière, plus adroite que le silence, de se taire. ».

Parler signifie simplement utiliser le langage dans une situation donnée : cela suppose donc presque nécessairement un interlocuteur (lorsqu'on parle seul on fait en somme comme si il y avait quelqu'un). Parler consiste donc à échanger des paroles avec un autre. Demandez-vous donc en quel sens on pourrait décrire cet échange comme un don réciproque de paroles. Cependant " donner sa parole " a bien sûr en français un tout autre sens : donner sa parole c'est promettre. Demandez-vous donc en quel sens on peut affirmer que toute parole ou que tout discours constitue une promesse : si je parle c'est que j'ai quelque chose à dire , quelque chose à communiquer à l'autre , de plus ce que je dis n'a de valeur que si je suis sincère. N'est-ce pas donc en un sens promettre que l'on dit la vérité. Mais demandez-vous alors aussi s'il n'arrive jamais que l'on parle pour ne rien dire ou pire que l'on mente...

« Analyse du sujet : ● Le sujet nous invite à expliquer un terme (« parler ») à partir d'une expression « donner sa parole ».

La question est de savoir si cette expression est une propriété constante de ce terme. ● Parler : utiliser le langage, se l'approprier de manière individuelle.

La parole se distingue ainsi de la langue,car il est bien possible de parler plusieurs langues.

Mais la parole se distingue aussi du langage, comme simplefaculté des symboles (mise en relation d'un signifiant et d'un signifié).

La parole, c'est donc l'effectuation dela langue dans un langage déterminé. ● Donner sa parole : promettre, s'engager.

L'engagement dans la parole signifie qu'on adjoint à la parole uneeffectivité, une puissance, qui la dépasse.

Engager sa parole, c'est dire qu'on ne parle pas en l'air, pour nerien dire, mais que ce qu'on dit nous met en cause, dans la capacité que l'on a à parler, et donc à êtreentendu.

Si je donne ma parole, alors celle-ci ne se conserve que pour autant qu'elle correspond à ce qui aété dit.

Donner sa parole, c'est donc demander à être entendu, écouté, au risque qu'on nous enlève cetteparole, que celle-ci ne soit à l'avenir plus écoutée, et ne soit donc plus une parole.

Mais donner sa parole, plus profondément, c'est donner sa version, son discours propre.

De ce point de vue, toute parole, si elle estsingulière, est ma parole. Problématique La parole peut avant tout se définir comme un acte d'énonciation.

De ce point de vue, la parole estl'effectuation d'une langue particulière, à partir de la faculté générale du langage que possèdent tous les êtreshumains.

La parole est donc « un acte individuel de volonté et d'intelligence » (Saussure Cours de linguistique générale ) qui engage obligatoirement l'individu qui l'émet, dans la mesure où il en est le maître.

Mais alors, c'est cet engagement de l'individu dans la parole qui fait de la parole quelque chose de toujours sien.

Parler c'est donner sa parole, en ce sens que par la parole j'effectue un usage toujours singulier de la langue qui elle, m'est donnépassivement de l'extérieur.

Mais alors, si toute parole est singulière, comment peut-elle prétendre à être acceptée,par opposition à une autre parole ? N'y a-t-il pas la possibilité pour une parole, un discours, d'être impersonnel,valable pour tous et propre à personne ? En un autre sens, toute parole suppose, pour être telle, d'être entendue, reçue.

Or, parler c'est toujourseffectuer un acte dont on attend certaines conséquences dans le monde.

Mais la parole entretient un rapportsymbolique avec le monde, et non un rapport causal.

De ce point de vue, l'effectivité de la parole dépend de lamanière dont elle est entendue : parler, c'est donc alors toujours donner sa parole en ce sens qu'on engage par ceque l'on dit la validité ou la valeur de ce qu'on dit, au risque de perdre la possibilité d'être écouté.

Ce qui est alorsen jeu c'est la confiance que je mets dans la parole d'un autre, cette confiance apparaissant comme constitutive dela parole même que je reçois.

Mais alors, cela veut-il dire que toute parole engage nécessairement l'autre et qu'il n'ya donc pas de parole véritable singulière ? Le problème est donc que la parole apparaît en même dans sa dimension personnelle (ce qui le différenciede la langue) mais qui ne peut se constituer que par ce qu'elle engage, l'impersonnel (la confiance que chacundevra lui donner).

I- Parler, ce n'est pas toujours donner une parole.

● Si parler revient toujours à donner sa parole, cela suppose que tout discours doit porter en lui la confiancede celui qui l'écoute.

Alors certes, d'un certain point de vue, parler c'est toujours donner sa parole si l'on entend par parole la voix singulière (les sons que j'émets).

Mais au contraire, la langue, comme reçue, estcommune, puisque je la partage avec d'autres et qu'elle m'a été apprise.

Il faut donc considérer lesparticularités de la parole comme des accidents ou des imperfections qui ne doivent pas masquer la languequi s'exprime au travers.

De ce point de vue, on doit supposer que donner sa parole, au sens de sa voix, marque un accident du phénomène du discours.

On doit, si l'on élimine le sens vocal du concept de parole,alors imaginer possible un discours unique vrai, une langue universelle, objective, qui corresponde point parpoint à la réalité, et qui ne suppose pas de confiance pour celui qui l'entend. ● En effet, cette parole vraie qui n'a pas à donner sa parole est la science elle-même.

Et en effet, le discours scientifique ne suppose pas qu'on lui fasse confiance, mais se contente de s'énoncer de lui-mêmedans la validité de sa signification.

C'est bien ici le projet d'une langue universelle tel que le pensait Leibniz,projet d'un discours qui serait rien moins que le langage de la raison elle-même.

En tant que langage de laraison, la parole scientifique n'est donc pas une parole, et elle ne consiste pas à donner sa parole.

Dès lors, la pluralité des paroles, qui s'identifient à la pluralité des langues, témoigne de l'écart toujours possible entrela parole et la raison.

Je ne donne ma parole que lorsque je ne suis pas en mesure de démontrer ce que jedis.

Autrement, nul n'est besoin de solliciter la confiance de mon interlocuteur.

Dès lors, la possibilité deparler sans avoir à donner sa parole est suspendue à la possibilité d'une parole auto-justificatrice, d'uneparole rationnelle. ● C'est alors supposer l'universalité d'une raison au-delà de la diversité des systèmes linguistiques.

Or, si laraison est elle-même un élément du langage, alors ne faut-il pas fondamentalement avoir une confiance en lascience ? N'est-ce pas, comme le remarquait Nietzsche, la croyance en la vérité, c'est-à-dire la possibilitéd'une parole auto-justificatrice, qui constitue le fondement même de l'esprit scientifique ? II Parler, c'est toujours donner sa parole.. »

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