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Pascal. L'homme n'est qu'un roseau...

Publié le 03/07/2011

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pascal

« L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui. L'univers n'en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est de là qu'il faut nous relever, et non de l'espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc bien penser : voilà le principe de la morale. « (PASCAL, Pensées, édit. Havet, Art. I, 6.)

N. B. — Jusqu'à l'édition Havet, on imprimait : « et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. « Quelle « leçon « préférez-vous ?

Les éditeurs classiques mettent sous nos yeux le fragment de Montaigne (Essais, II, 12) qui a suggéré à Pascal ce morceau célèbre : « Quant à la force, il n'est animal au monde en butte de tant d'offenses que l'homme : il ne nous faut point une baleine, un éléphant et un crocodile,, ni tels autres animaux, desquels un seul est capable de défaire un grand nombre d'hommes ; les poux sont suffisants pour faire vaquer la dictature de Sylla ; c'est le déjeuner d'un petit ver, que le cœur et la vie d'un grand et triomphant empereur. «

Vous comparerez rapidement les deux passages.

Conseils pratiques. —- « Vous comparerez rapidement... « Gardez-vous donc de faire de cette comparaison le sujet même de votre devoir. Elle ne viendra qu'à la fin et, sans doute, pour vous obliger à rapprocher l'art classique et l'art du 16e siècle, et pour vous amener à une conclusion brève sur l'originalité de Pascal.  Le vrai sujet, c'est l'explication du texte de Pascal. Il est peut- être difficile de localiser exactement le passage dans le livre des Pensées, si on ne l'a pas à sa disposition. Mais il est indispensable de le situer dans l'ensemble des idées de Pascal. Situez-le aussi, en passant, dans la vie du solitaire janséniste. Vous sentirez mieux pourquoi votre édition classique de Havet y signale « le cri de l'âme de Pascal toujours malade, se sentant mourir ,mais sachant qu'il meurt, et fier de cette force d'esprit qu'il appliquait à pénétrer le secret de sa chétive existence «.   

pascal

« Elle n'a pas jailli, avec une aussi irrésistible soudaineté i dans le cerveau d'un pur logicien qui suit avec méthode unefroide démonstration.

La méthode est sûre et vigoureuse, nous le verrons.

Mais ce qui nous frappe avant tout, cen'est pas la logique, c'est la passion.

Derrière ces quelques lignes, nous sentons une âme fière, indomptée, qui sedresse avec une hautaine énergie contre l'effort du monde entier, comme elle bravait tous les jours la souffrancequ'elle imposait elle-même à un pauvre corps affaibli.

On est tout secoué d'émotion quand un songe à Pascal, seredressant au milieu de ses infirmités, pour lancer ce défi sublime à tout ce qui se réunit et qu'il réunit pour le tuer.Souveraine revanche de la raison ! Pascal s'est acharné après elle ; il lui a présenté, avec une ténacité implacable,ses erreurs et ses sottises ; il l'a mise obstinément en face de son impuissance, de son « imbécillité ».

Et la voici quise relève, et qui lui dicte les protestations les plus éloquentes contre cet univers méprisable puisqu'il n'a pas lapensée ! Pascal redira ailleurs combien elle est imbécile : à présent, il e$t tout entier à cette idée que la pensée estune force, la plus grande de toutes, et une noblesse, la plus magnifique et la plus incontestée.

Il prend parti, dansce débat qui se joue en lui-même; quelle admiration passionnée pour le roseau fragile qui a sur tout ce qui se liguecontre sa misère, le sentiment indéracinable de sa supériorité!Ce sentiment passionné donne à l'imagination une puissance, une vivacité qui éclatent d'un bout à l'autre dumorceau.

Ce n'est pas seulement dans la création spontanée de l'antithèse initiale (roseau pensant) que nous avonsà les constater.

C'est encore dans la vision rapide mais saisissante de l'univers, dressé, hostile, menaçant, contre lafaible créature.

Et d'abord Pascal écarte ce spectacle.

Volontairement, il va aux causes tout à fait insignifiantes quisuffisent à écraser le roseau, et ces causes, son imagination les fait apparaître devant lui avec une sûreté et unerapidité étonnantes.

Mais la vision revient, et de nouveau elle est grandiose, que dis-je? elle est une sorted'apothéose, puisque le vainqueur semble d'autant plus héroïque que nous l'avons contemplé d'abord plus frêle plusdésarmé.

On sent même que les réflexions qui suivent ce spectacle ne portent pas sur des idées abstraites ; lapensée, l'espace, la durée, tout cela prend corps, tout cela prend une sorte de réalité supra-humaine pour l'espritde Pascal, habitué à vivre dans les plus hautes spéculations de la philosophie et des mathématiques.

Cetteimagination voit non seulement l'idée maîtresse sous une forme sensible, non seulement elle assiste au conflitdramatique, mais encore elle donne une existence presque matérielle aux concepts les plus généraux.Mais qu.

cette imagination ardente et cette sensibilité fiévreuse ne nous cachent pas ce qu'il y a de fortementlogique, de vigoureusement ordonné dans le développement.

Cette âme impatiente se discipline malgré tout ; laraison reste triomphante : Pascal a été formé par les méthodes exactes de la mathématique.

Il leur a dû l'art et legoût des formules brèves et serrées, énoncés rapides ou conclusions irrésistibles.

Il leur doit encore et surtout l'artet le goût de l'argumentation à la fois claire, élégante et solidement enchaînée, sans vides ni sans heurt.L'antithèse initiale est vérifiée : d'abord, par une démonstration positive qui prouve que l'homme est un roseau ;puis, par une démonstration hypothétique qui prouve que le roseau, parce qu'il pense, est plus noble que tout :habitude du raisonnement a fortiori, que nous retrouvons constamment chez Pascal.

Il nous place dans l'hypothèsela plus défavorable à l'idée qu'il veut nous faire adopter, et il nous conduit par le raisonnement à voir que, mêmeavec cette hypothèse, cette idée est vraie.

Il nous laisse alors le soin de conclure : « A plus forte raison, etc...

»L'antithèse vérifiée, l'idée établie, le théorème est démontré.

Il a pour conséquence un corollaire immédiat sur leprivilège essentiel de l'homme dans l'univers ; il ne reste plus qu'à en tirer les déductions : l'une théorique, pour ainsiparler; l'autre pratique : « Travaillons à bien penser ».

Disposition loyale et habile qu'on pourrait représenter commeil suit : Théorème : 1° L'homme est un roseau pensant ;a) il est un roseau ; sa faiblesse; démonstration ;b) il est pensant ; sa grandeur; démonstration;2° Corollaire : donc l'homme a pour privilège la pensée;a) c'est de la pensée qu'il doit se relever ;b) donc il doit travailler à bien penser. Certes, cette ordonnance, Pascal ne l'a pas suivie en savant qui disserte, avec une sereine impartialité.

Quand ildémontre la grandeur de l'homme, l'idée de la faiblesse de l'univers insolent revient avec insistance ; quand ildémontre que nous devons nous relever de la pensée, revient encore l'idée de la grandeur de l'univers qui nousdépasse par le temps et par l'étendue.

Mais la structure logique est résistante ; l'armature ne plie pas, elle est d'unsolide métal.« Travaillons donc à bien penser » ; l'homme le peut, l'homme le doit.

Belle leçon digne à la fois de Descartes et deCorneille.

L'apologiste de la religion chrétienne ne parle pas autrement que le laïc le moins préoccupé de guiderl'homme vers les autels.

Il s'agit en effet ici de « morale ».

Non pas que Pascal croie à la possibilité d'une moraleindépendante ; entre toutes les hypothèses, il n'en est pas qui lui eût paru plus absurde.

Mais il est intéressant dele constater: Pascal s'il se préoccupe à un moment, non de ce qui fait la vertu du chrétien, mais de ce qui constituela vertu de l'homme, proclame le même principe que la sagesse humaine de tous les temps et de tous les lieux.

Lesmoralistes de l'antiquité, les moralistes des temps modernes ne parlent pas autrement, en ces matières, que lejanséniste de Port-Royal ; cela ne nous fait-il pas songer à cet autre mot d'un prélat du 17e siècle, de Fénelon, quela souplesse de son intelligence conduisait à retrouver dans tous les cœurs une même vérité : « Le maître qui nousenseigne sans cesse nous fait penser tous de la même façon » ? IV. »

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