Pascal, Pensées : Qu'est -ce que le moi ?
Publié le 11/04/2012
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Qu'est -ce que le moi ?
Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir? Non; car il ne pense pas à moi en particulier; mais celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il? Non: car la petite vérole qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus.
Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on? moi? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps ni dans l'âme? et comment aimer le corps ou l'âme, sinon pour ces qualités qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont périssables? Car aimerait-on la substance de l'âme d'une personne, abstraitement, et quelques qualités qui y fussent? Cela ne se peut, et serait injuste. On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualités. Qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aime personne que pour des qualités empruntées.

«
Analyse thématique succinde
Thèse centrale
Les définitions habituelles du moi et des illusions affectives qui les
sous-tendent sont vaines.
Déve loppem ent thématique
L'argumentation de Pascal consiste à problématiser la représentation
traditionnelle du moi en relativisant
la portée réelle des sentiments qui le
visent.
Pour cela, il montre le caractère très problématique, voire imagi
naire, de l'objet
«visé » dans l'amour.
En première apparence, en effet, la
relation d'amour semble s'opposer diamétralement à la relation anonyme,
contingente et arbitraire que produit
le hasard d'une rencontre (accoudé à
la fenêtre, on ne «vise » pas des personnes particulières ; on regarde des
êtres en mouvement).
Mais, en réalité, ce qui fonde la différence entre ces
deux relations n'est- il pas illusoire? Certes, j'ai conscience de valoriser une
personne précise ; mais comment puis-je l'appréhender,
la définir? Ses
qualités physiques ou morales sont précaires, éphémères.
Elles ne sont pas
solidaires de
son« être même ».
L'antinomie d'un amour qui porte sur une
« personne» et ne se justifie que par l'existence de qualités relatives ne peut
être résolue que par un énoncé final
du caractère imaginaire du moi ou de
la
personne :« On n'aime donc que des qualités.
» Et Pascal tourne en déri
sion ceux qui, au nom
d'un absolu complètement illusoire, feignent de
croire qu'
il pourrait en être autrement.
Le réalisme qui s'en tient
consciemment aux
«qualités empruntées » (c'est-à-dire tout à la fois
contingentes et apparentes) est préférable aux mythologies que l'homme
entretient sur lui-même, sur
ses sentiments, sur autrui.
Problématique
• Le texte insiste de façon très prononcée sur la relativité et la précarité de
la condition humaine (thèmes de la maladie, de l'altération des fonctions
mentales, etc.).
Il disqualifie du même coup toute prétention à l'absolu en
matière de sentiments.
·La distinction traditionnelle substance-qualités, appliquée à l'être
humain, ne peut recouvrir qu'une illusion.
L'homme ne voit que
des qualités,
et tout
ce qu'il suppose ou imagine au-delà de celles-ci est arbitraire .
Il
apparaît ainsi comme fondamentalement limité dans sa connaissance
et dans
sa vie affective, même s'il nourrit des illusions sur lui-même et se
gargarise d'absolu (cf le thème du divertissement).
• La conception en jeu dans le texte est une problématique de la finitude,
qui réduit
l'« existence mondaine » de l'homme à un jeu d'apparences
doublées de processus dérisoires d'idéalisation et de mystification.
L'amour,
le moi, la personne sont hypostasiés (érigés en absolu) dans le
divertissement où l'homme s'efforce d'oublier sa finitude.
Le renversement.
»
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