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PASSION ET DÉRAISON

Publié le 16/03/2011

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   A) L'irrationalité constitutive de la passion    1° Une passion intégralement raisonnable ne serait plus une passion. D. Lagache écrit très justement : « Là où il n'y a que choix rationnel, on peut soupçonner qu'il n'y a probablement pas d'amour. « (Cf. les projets d'Amiel)1. 11 est évident que toute passion fait délirer, et l'on ne peut prendre aucune passion qu'associée au délire. « Un amour humain qui se sentirait sincèrement et totalement justifié dans les vertus et les qualités de son objet ne dépasserait pas le cadre de l'admiration exaltée; il y a dans la passion une excitation qui vient de régions où aucune raison ne peut pénétrer, d'où aucune raison ne peut sortir. Et si le cœur ne possédait de telles régions, sa constitution translucide rendrait toute passion impossible par nature.

« « L'alcoolisme n'est qu'habitude de boire et l'amour n'est souvent que l'invincible habitude d'une présence devenuenécessaire à notre cœur.

» Le coup de foudre même n'est maintes fois qu'une reconnaissance plus ou moins claire.

(Cf.

Aristophane dans LeBanquet).

La psychanalyse nous invite à chercher dans nos passions l'effet d'un appel d'émotions anciennes quidemandent à revivre : « Ainsi bien des hommes, prisonniers d'un souvenir ancien qu'ils ne parviennent pas à évoquer à leur conscienceclaire, sont contraints par ce souvenir à mille gestes qu'ils recommencent toujours, en sorte que toutes leursaventures semblent une même histoire perpétuellement reprise.

Don Juan est si certain de n'être pas aimé quetoujours il séduit, et toujours refuse de croire à l'amour qu'on lui porte, le présent ne pouvant lui fournir la preuvequ'il cherche en vain pour guérir sa blessure ancienne.

De même l'avarice a souvent pour cause quelque crainteinfantile de mourir de faim; l'ambition prend souvent sa source dans le désir de compenser une certaine humiliation,une vexation de jeunesse, mais ces souvenirs n'étant pas conscients et tirés au clair, il faut sans cesserecommencer les actes qui pourraient les apaiser...

» Nous sommes ainsi dominés par des habitudes sentimentales qui, en nous tirant en arrière, nous empêchent de nousengager en avant et nous font refuser tout avenir : « L'habitude se constitue contre le devenir, pour le nier, pour ne plus le subir.

Elle oppose un mode défini et uniformede réactions à la variété d'expériences infiniment diverses dont elle refuse d'enregistrer et de reconnaître l'inédit.

» « Ce que nous avons été s'impose à ce que nous sommes, nous interdît de devenir ce que nous devrions être.

En cesens, l'habitude est bien passion.

» 3° La perversion du sens du temps.

L'explication d'Alquié n'est pas entièrement satisfaisante : le refus systématiquede l'avenir ne rend pas compte totalement de la passion.

A côté de ce refus, qui aurait malgré tout, comme le «divertissement » pascalien, quelque chose de volontaire, il faut relever, parmi les causes de la passion, une sorted'inaptitude congénitale à en concevoir une représentation exacte et pressante.

La passion peut avoir son originedans une perversion du sens du temps qui agirait aussi bien par l'excès que par le défaut des représentations dontl'avenir est la source : l'avarice est plutôt un excès de prévoyance où la conception de l'avenir entraîne le sacrificedu présent et même des réalités de l'avenir.

L'avare, pour assurer son avenir, ruine son présent, et souventcompromet son avenir même : il détruit sa santé par ses privations, et s'expose à perdre son bien par la mesquineriedes procédés qu'il emploie pour le conserver.

La passion n'a pas ici sa source dans un refus de l'avenir, mais dansune sorte d'exagération à l'affirmer. 4° Les forces dissolvantes de l'automatisme.

Des deux manières, la passion apparaît comme une résistanceirrationnelle et intransigeante de la sensibilité à une conduite de sagesse, de mesure et de juste convenance.

Dansune nature amendée par la mémoire et encore plus complètement par la pensée, telles tendances et telles craintesconservent le caractère des forces affectives élémentaires, soit qu'elles rejettent les enseignements de la raison, etse ferment à l'avenir (passion du vin ou passion sexuelle déchaînée dans l'instant) — soit qu'elles les déforment(crainte de la faim ou de la misère dans l'avarice).

La passion n'est jamais que le résidu irrationalisable, c'est-à-direinéducable, de nos appétits et de nos craintes.

Elle ne peut se définir que négativement par rapport à la raison, etcomme cette force interne dont aucune raison ne peut venir à bout.

La passion est la forme normale d'un « escapeof control » de l'automatisme affectif.. »

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