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Peut-il y avoir de la beauté à mourir ?

Publié le 11/02/2016

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Si l'on écarte l'attitude religieuse qui ne voit dans la mort qu'un passage et qui nie son caractère irrémédiable et définitif, la mort n'est pas belle. La mort, c'est la preuve concrète de notre finitude, et il est impossible de trouver beau ce qui met un terme définitif à toute beauté. Cependant, il y a incontestablement des différences dans la façon dont la mort met un terme à la vie. Lorsqu'un accident inter-

rompt brutalement une existence encore pleine de promesses, la mort est absurde et tragique. Lorsqu'elle survient au bout d'un projet comme inévitable sacrifice - lorsqu'on «meurt pour une cause» - elle est toujours tragique, mais elle n'est plus absurde. Lorsqu'elle termine dans la sérénité une vie bien remplie et accomplie jusqu'à son terme, certains iront jusqu'à dire qu'elle est belle.

« La mort n'est jamais belle 1'---------, i • Il y a des morts moins tragiques que d'autres, mais il n'en est pas de belles.

Ce que l'on appelle une belle mort, c'est une mort qui se fait oublier comme anéantisse­ ment, une mort qui survient sans se faire remarquer.

Vue de près, la mort n'est pas belle L orsque l'on parle de belle mort c'est tou­ jours, selon l'expression de Vladimir Jankélé­ vitch, une «mort en troi­ sième personne », une 1 •Le dernier acte est san­ glant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste: on jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais.• Blaise Pascal, Pensées mort anonyme , la mort de quelqu 'un qui nous est lointain .

Mais, pour les proches, cette mort n'est pas belle, elle est déchirante, et rien ne peut lui enlever son caractère tragique.

La mort n'est belle que lorsqu'elle est ignorée I l est significatif que le sens commun parle d'une belle mort lors ­ qu 'elle survient dans le sommeil.

Elle est belle pour le mort parce qu'il n 'a pas su qu 'il mourait.

La seule mort que l'on puisse dire belle, c'est la mort sans le savoir, la mort éludée.

La mort n ' est belle que par ce qu 'elle n'a pas été vé­ ritablement présente .

Ce n' est pas vraiment mourir que de ne pas se Il n'y a pas de belles morts.

réveiller : c'est être mort sans avoir eu à mourir, et c'est ceci qui est beau.

C'est la vie qui est belle, pas la mort M ême dans le cas du héros ou du mar­ tyr , la mort n'est pas belle, seule peut l'être la vie qui la précède .

La mort elle-même est néant, et l'on ne peut rien trouver de beau dans l'anéantissement.

Si après la mort il n'y a plus rien, il ne peut rien y avoir de beau dans la mort.

Il n'y a que des morts qui cachent leur laideur et dissimulent leur tragique sous l'apparence rassurante du sommeil.

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