Devoir de Philosophie

Peut-il y avoir une histoire du présent ?

Publié le 20/03/2004

Extrait du document

histoire
  • Définition des termes du sujet:

PRÉSENT: Comme nom, instant de séparation entre le passé qui n'est plus et le futur qui n'est pas encore.Comme adjectif, ce qui trouve hic et nunc, s'oppose à absent.

HISTOIRE: Ce mot désigne soit le devenir, l'évolution des individus et des sociétés (allemand Geschichte), soit l'étude scientifique de ce devenir (allemand Historie).

  • ANALYSE DU SUJET

Il convient de définir ici « histoire « et « présent « de façon à ce que nous puissions nous poser effectivement un problème. Or si nous définissons l'histoire par la relation (explicative ou non) de ce qui est passé, de ce qui n'est plus nous ne pouvons développer aucune problématique et le traitement du sujet tourne court dès l'abord : ce qui n'est plus ne saurait être présent à rigoureusement parler. Par contre si nous définissons l'histoire comme Marc Bloch ( « Apologie pour l'histoire ou métier d'historien «, p. 3) à savoir « science des hommes dans le temps « une problématique peut se développer, des questions ayant quelque sens apparaître.

  • ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION

* Pourquoi les méthodes éprouvées dans la recherche et l'élaboration du passé ne pourraient-elles servir à une histoire du présent (si l'on entend évidemment par présent non l'instant s'évanouissant entre passé et futur, mais une certaine « durée «).

* Ne pourrait-on objecter que l'historien a besoin de la sérénité que donne un certain « recul « sur l'événement ? Mais ce serait lui interdire aussi des pans entiers du passé dans la mesure où ce passé peut encore susciter les passions et les prises de parti.

L'histoire en tant que science historique se définit comme la connaissance vraie d'un fait passé. Il semble effectivement que l'histoire n'ait de valeur et ne puisse être comprise que par rapport au passé. Ainsi, il n'y a ni d'histoire du futur, ni du présent. L'histoire n'est possible que par étude du passé. Il y aurait donc une contradiction interne voire à un paradoxe à parler d'une histoire du présent. En effet, l'histoire suppose une réflexion sur les évènements, une distance rendant possible l'objectivité de l'historien. L'histoire n'est donc pas l'immédiateté ou le direct du présent. Pourtant, n'est-ce pas ici prendre le présent dans une actualité trop pressante ? Ne peut-on pas parler d'une histoire du présent simplement sur ce qui nos est proche, c'est-à-dire un passé proche et ressenti alors comme présent. Ainsi une histoire « faite à chaud « semble possible comme Marx le fit pour le 18 brumaire. Mais dès lors ne serait-ce pas remettre aussi en cause la valeur objective de l'histoire dans la mesure où le présent serait plus interprétation que connaissance sûre.

histoire

« Définition des termes du sujet: PRÉSENT: Comme nom, instant de séparation entre le passé qui n'est plus et le futur qui n'est pas encore. Comme adjectif, ce qui trouve hic et nunc, s'oppose à absent. HISTOIRE: Ce mot désigne soit le devenir, l'évolution des individus et des sociétés (allemand Geschichte), soit l'étude scientifique de ce devenir (allemand Historie). i l'histoire est définie comme l'étude du passé, l'association de l'histoire et du présent peut sembler paradoxale.N'est-il pas illusoire de ; croire que l'on pourrait écrire l'histoire au moment même où elle se déroule? Mais d'autrepart, le présent est aussi le moment où, dans le «feu de l'action », les hommes construisent leur avenir.

Il y auraitdonc lieu de bien distinguer les points de vue du spectateur et de l'acteur. 1.

L'illusion de l'acteur • Celui qui agit peut penser faire l'histoire - surtout quand il s'agit, pour un responsable politique par exemple, deprendre une décision grave aux lourdes conséquences.

La connaissance historique n'a souvent retenu du passé quecette histoire, entendue comme ensemble des faits dignes d'être retenus par la postérité, ce qui correspond à unevision héroïque.

Les anonymes, qui ne laissent pas de traces, seraient-ils les oubliés de l'histoire? • Thucydide, dans La Guerre du Péloponnèse, montre à quel point les plans des généraux correspondent rarement aucours effectif de l'action, laquelle résulte d'un grand nombre de facteurs enchevêtrés.

Pour lui, la cause véritable duconflit opposant Sparte et Athènes n'était pas présente à la conscience des acteurs individuels, elle résidait dans lamontée en puissance d'Athènes sur le plan financier et maritime.

L'acteur qui prétendrait être en train de fairel'histoire ne mésestimerait-il pas l'ensemble de ces facteurs, que nous ne pourrons connaître qu'après coup? • On pourrait dire, à la suite de Bergson, que si l'histoire est faite de création, nous ne pouvons en avoir une idéeque rétrospectivement.

Ce qui, pour la postérité, est le début de quelque chose de nouveau, ne peut être connucomme tel que dans ses conséquences.

Il n'y aurait alors aucune histoire actuelle possible. 11.

L'illusion de la neutralité • Le passé étudié n'est pourtant pas désincarné, l'historien s'attache à une période par le biais des intérêts qui sontles siens dans le présent.

Aucun homme ne se situant en dehors de l'histoire, il n'existe pas de point de vuesurplombant capable de la mettre entièrement à distance.

C'est ce qu'exprimait Raymond Aron «Toute consciencede l'histoire est une conscience dans l'histoire.» • En ce sens, le sujet (l'histoire comme enquête menée par l'historien) et l'objet (l'histoire comme ensemble desévénements étudiés) ne sont pas distincts : un historien qui étudie, dans la France d'aujourd'hui, la période de ladécolonisation, à la fois construit son objet d'étude par le biais d'une méthodologie particulière, d'hypothèses detravail, de concepts explicatifs, etc.

et a été construit si l'on peut dire par la période qu'il étudie, laquelle auramarqué sa mémoire, sa formation politique et morale, son imaginaire, etc.

Il serait illusoire de croire que le regard del'historien peut être entièrement libre de présupposés. 111.

Histoire et mémoire • Cependant, le risque est de confondre la mémoire et l'histoire.

L'historien Pierre Nora, dans ses Lieux de mémoire,les distingue radicalement.

La mémoire est «un phénomène toujours actuel, un lien vécu au présent éternel ».

À lasuite du sociologue Maurice Halbwachs (Les Cadres sociaux de la mémoire, 1925), il montre que la mémoire estportée par des groupes et renvoie à la manière dont ils vivent leur passé comme présence toujours actuelle, lessouvenirs servant de lien collectif. • L'histoire, quant à elle, est une représentation, une mise à distance du passé : elle est « la reconstructiontoujours problématique et incomplète de ce qui n'est plus».

Plus encore, l'histoire est la «dé-légitimation du passévécu » en ce sens qu'elle doit se départir de toutes les illusions de la mémoire collective.

Si l'attachement actuel aupassé peut donc être le point de départ d'une démarche historique, elle doit s'effacer devant la critique de lamémoire, car le souvenir - souvent déformé - et le témoignage - jamais impartial - ne remplacent pas la véritableenquête de l'historien. • Il faut donc prendre en compte les deux sens du mot «histoire» : la recherche historique suppose une certainedistance par rapport aux événements, la rupture avec le «vécu».

En ce sens, il n'y a pas d'histoire du présent.

Maisil est possible d'affirmer qu'un intérêt pour le passé prend sa source dans une interrogation sur le présent.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles