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Peut-on apprendre à penser ?

Publié le 17/01/2022

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Dans l'une de ses plus célèbres pensées, Pascal observait que « l'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant «.

L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible des roseaux, mais c'est un roseau pensant. (Pensées)

On retrouve dans cette phrase le thème pascalien de la misère de l'homme, faible comme un roseau parce que mortel, et de la grandeur de l'homme parce qu'il dispose de la raison.

La pensée, qui paraît le propre de l'homme, constitue toute sa force et lui permet de maîtriser la nature. Mais surtout, c'est en elle que consiste « toute notre dignité «. Aussi l'auteur des Provinciales nous adjure-t-il de « travailler à bien penser «. Ainsi pour Pascal, l'homme pense naturellement; il pense bien ou mal, tout en pouvant apprendre à bien penser, par exemple, comme le voulait Descartes en s'appuyant sur une méthode rigoureuse. On peut cependant se demander si l'on n'apprend pas, non seulement à bien penser, mais à penser, tout court. En d'autres termes, nous pouvons nous demander si la pensée de l'homme est innée ou bien si l'homme apprend au cours de sa vie à penser, s'il est un penseur virtuel ou non.  

 

« classe ou d'un groupe social à un autre.

Imaginons deux ouvriers à qui on fournirait des matériaux et des outils pourconstruire un objet de leur choix : chacun d'eux ne construira pas forcément le même objet, en raison desdifférentes pensées, idées et matériaux qu'on leur a fournis.

En principe, chacun se sert de sa pensée comme ill'entend, toutefois, il se trouve limité par son éducation : il se servira de son outil, donc de sa pensée, comme on luiaura appris à s'en servir.

C'est là le conditionnement de l'esprit.

Ce conditionnement peut revêtir des formesspectaculaires.

Prenons l'exemple du nazisme : à travers la propagande gouvernementale, la population allemandedans sa nouvelle majorité fut conditionnée en sorte qu'elle « pensât » en conformité avec les orientationsidéologiques, notamment antisémites, du régime hitlérien.

On peut affirmer qu'on « apprend » réellement à « penser».Mais s'il apparaît qu'on apprend bien à penser, peut-on pour autant réduire cet acte à une « méthode » deraisonnement ? L'expression « apprendre à penser » a fait se confronter deux grands philosophes : Descartes et Leibniz.

PourDescartes l'art de penser se renvoie à l'esprit et aux parcelles innées de raison que chaque homme possèdenaturellement.

Descartes propose un discours de la méthode et fait donc une place à l'art du raisonnement droit,mais la méthode qu'il préconise est en rapport avec la méthode originaire et fondatrice : celle de la conversion del'esprit et du doute volontaire.

La méthode ne rend que plus « apte » celui qui a le don d'inventer : elle nousperfectionne, mais elle n'est pas améliorable.

Dans le Discours de la méthode, Descartes écrit : « Ainsi mon dessein n'est pas d'enseigner ici la méthode que chacun doit suivre pour bien conduiresa raison, mais de faire voir en quelle sorte j'ai tâché de conduire la mienne.

»Il n'y a donc pas de procédés communicables pour aboutir à l'invention.

PourLeibniz au contraire de Descartes, la méthode doit être une technique.Apprendre consiste à faire un inventaire exact de toutes les connaissancesacquises mais dispersées et mal rangées.

Au lieu de confier la méthode auhasard, comme le fait Descartes, il faut formaliser l'ordre des raisons par dessignes concrets que chacun pourra combiner selon certaines règles d'où lapossibilité d'apprendre à inventer.

Alors que la méthode de Descartes se veutun art d'inventer, l'art combinatoire leibnizien veut une clef de l'art d'inventer.Leibniz écrit : « Il est manifeste que si l'on pouvait trouver des caractères ousignes propres à exprimer toutes nos pensées, aussi nettement etexactement que l'arithmétique exprime les nombres, on pourrait faire entoutes les matières en tant qu'elles sont sujettes au raisonnement tout cequ'on peut faire en arithmétique et en géométrie ».

On le constate doncl'expression « apprendre à penser » est le lieu d'une controverse dansl'histoire de la philosophie entre Descartes et Leibniz, pour qui la définitionmême du mot « méthode » relativement à cet « apprendre à penser » esttendu entre l'apprentissage technique et la conversion de l'esprit.Cette tension de l'apprentissage dans ce « dialogue » entre Descartes etLeibniz soulève donc la question de savoir si l' « apprendre à penser » renvoieà une histoire ou à un développement. On comprend désormais la signification des attaques de Hegel contre le calculemus leibnizien, contre l'extériorité ducalcul en général, et la nécessité, pour apprendre à penser de ne réduire en aucun cas le penser à un art de bienraisonner, à une limitation par un être extérieur auquel la pensée s'appliquerait.

Ce que Hegel critique donc dans laconception leibnizienne de l'apprendre à penser, c'est qu'elle ne présente du « penser » qu'une conceptiontechnicienne, l'objet d'un véritable « apprendre » se confirmant lui-même en tant que tel par son inscription dansune « histoire », voire dans un progrès.

Pour Hegel, inscrire l'apprendre à penser dans une histoire ne peut se fairequ'au prix d'une « dérivation » de l'acte de penser dans l'acte de connaître ou de raisonner.

Or, l'acte d'apprendre seconfond en quelque sorte avec le penser lui-même, ou plutôt apprendre est le processus même de la pensée endevenir.

Si bien qu'on ne peut séparer l'acte de pensée et l'acte d'apprendre comme si ce dernier précédait lapensée en tant que telle.

Si l'apprendre à penser ne renvoie pas à une histoire, c'est qu'il est plutôt de l'ordre d'undéveloppement : il ne s'agit pas seulement dans l'apprendre à penser d'appliquer à une représentation la forme d'unsavoir ou d'un jugement, mais de manifester ce qui rend raison de tout jugement, et qui est toujours déjà là,d'aucun temps ni d'aucune époque.

Soit un exemple : efforçons-nous de penser la liberté, c'est-à-dire de dépasserles diverses représentations ou les divers jugements que nous pourrions en former.

C'est le travail de transformationd'une représentation en pensée : a) la représentation de l'opinion : être libre, c'est faire ce que l'on désire.

b) lareprésentation du jugement : être libre, c'est faire ce que l'on veut.

c) La pensée de la liberté : être libre, c'estexprimer une libre nécessité.L'apprendre à penser se présente donc bien comme un travail qui s'appréhende comme un processus dedéveloppement, par lequel le penser s'affirme contre la représentation et le jugement.

La pensée est donc elle-même un processus d'apprentissage, dans le sens où il n'y a de véritable apprendre que l'apprendre à penser.

L'acted'apprendre ne précède donc pas la pensée, de la même manière que l'acte de pensée n'est pas extérieur àl'apprentissage : apprendre à penser n'est en fait pas autre chose que le processus de la pensée effective.

PourHegel, pensée et apprentissage sont fondamentalement unis en ce qu'ils relèvent d'un même processus, dans lequell'esprit, l'effectif, est à lui-même son propre sujet.

Si l'on peut encore parler d'apprentissage avec Hegel, c'est àcondition de préciser que celui-ci est inséparable de la pensée dans laquelle il s'accomplit, c'est-à-dire qu'il ne vientni avant elle ni après elle, mais avec elle. En définitive, nous pouvons dire que tout homme possède la faculté de penser, mais que la pensée n'est au seuil de. »

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