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Peut-on concevoir un pouvoir juste?

Publié le 22/02/2012

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• C'est sous forme de question que l'énoncé nous est présenté. Or, plusieurs remarques peuvent d'emblée être formulées. « Peut-on » signifie soit « est-il possible » soit « est-il légitime ». Dans la mesure où l'expression « peut-on » est loin de posséder un sens univoque, il nous faudra répondre au problème de possibilité, mais aussi de légitimité qui surgit dans notre intitulé de sujet. Mais le terme de pouvoir n'est pas moins ambigu. Que désigne-t-il, en effet? Nous pouvons tenter d'en esquisser une signification très générale. Le pouvoir se présente toujours en tant qu'autorité s'exerçant sur autrui et puissance de contraindre et d'exiger, comme si le « dominant » était à même d'obtenir du « dominé » un certain type de comportement. Le pouvoir se comprend donc comme une relation dominant-dominé, relation pouvant prendre de multiples formes, existentielles, politiques, etc. En fait, il n'y a pas un pouvoir, mais de multiples aspects du pouvoir sur lesquels il faudra s'interroger.

« juste, c'est un certain projet axiologique, un certain dessein moral.

Dès lors, il semble que notre énoncé soitcontradictoire puisque justice appartient à la morale et pouvoir à la sphère du réel.

Donc, nous sommes ici dansdeux domaines parfaitement hérérogènes.

Le problème posé est donc le suivant : peut-on réconcilier morale etréalité concrète, valeur et politique, à travers l'appréhension d'un pouvoir juste? 2° Discussion A) Le pouvoir peut-il être conçu comme juste? Le pouvoir, disions-nous dès l'introduction, ce n'est pas seulement la réalité politique que certains aperçoiventd'abord en ce terme, l'appareil d'Etat en tant que tel, mais aussi, de manière fondamentale, une forme complexe dedomination qui se glisse dans toutes les relations sociales.

C'est une sorte de jeu mouvant, complexe, mobile, quechacun de nous peut expérimenter dans l'échange social et dans son tissu le plus fin.

Avant d'être l'objet del'investigation des politologues qui étudient le gouvernement et l'État, le pouvoir apparaît comme un réseau d'actesminuscules et éparpillés.

Il émerge dans le social sous de multiples aspects : il y a le pouvoir du médecin, celui del'enseignant, celui de l'autorité qu'exercent les familles, celui de tous les dispositifs disciplinaires, qui soumettent lescorps et les âmes à des normes et à des contrôles.

Ici le pouvoir est véritablement coextensif à la vie et àl'existence humaine.

Modes, jeux, sports, relations privées, tout nous donne à voir ces micro-relations si mobiles etsi changeantes.

Ici, le pouvoir désigne la multiplicité des rapports de force, des antagonismes, des affrontements enjeu dans la quotidienneté.

Bien évidemment, il faut citer, en ces analyses, le nom de Michel Foucault, le philosophedu pouvoir, qui a mis à jour, du XVIIe siècle jusqu'à la période actuelle, ce type de rapports et les a analysés.

Ici, lepouvoir apparaît comme un ensemble de rouages extrêmement complexes. Cet ensemble de rouages, ces micro-dispositifs, peut-on les concevoir comme justes, c'est-à-dire dessinant un typede relations conformes au Droit et à la Personne? Remarquons tout d'abord que, dans un tel réseau, le pouvoir estdispersé entre tous les protagonistes de l'ensemble social.

Dans l'échange social quotidien, nous sont donnéssimultanément des « pouvoirs » et des « contre-pouvoirs » idéaux, sorte de « garde fous », qui nous empêchent denous abandonner à la puissance et à la jouissance pure de la force.

Point d'existence sociale sans ces freinshumanisant et tendant à rendre justes les « micro-pouvoirs » de la quotidienneté. Si un équilibre respectant les droits et la dignité des personnes s'instaure ainsi dans ces relations de pouvoir, alorsnous pouvons dire qu'il est possible de concevoir un pouvoir juste. Qu'en est-il, maintenant, en ce qui concerne, non point les micro-dispositifs du pouvoir, mais le pouvoir, conçucomme appareil étatique, comme ensemble des organes juridiques et administratifs d'une société? Peut-on leconcevoir comme juste et comment? Il semble bien, ici, qu'il faille se tourner vers une analyse du pouvoir politiquelégitime, conçu dans son essence comme démocratique, car le pacte social de ce type assure une condition égale àtous et paraît répondre parfaitement à la question que nous avions posée.

Une loi et des organes exprimant lavolonté générale nous permettent d'établir des normes justes.

Ainsi l'État démocratique semble-t-il conforme à l'idéalde justice : chacun alors me reconnaît le droit que je lui reconnais.

Dans cette optique, la volonté générale sedonne pour fin de lutter contre la démesure des intérêts particuliers et, dès lors, elle tend à promouvoir l'égalité dedroit et la notion de justice.

Aussi Rousseau, analyste de la volonté générale et du pouvoir juste, peut-il écrire : «Je terminerai ce chapitre et ce livre par une remarque qui doit servir de base à tout système social; c'est qu'au lieude détruire l'égalité naturelle, le pacte fondamental substitue, au contraire, une égalité morale et légitime à ce quela nature avait pu mettre d'inégalité physique entre les hommes, et que, pouvant être inégaux en force ou en génie,ils deviennent tous égaux par convention et de droit» (Du contrat social, 1-9, p.

249, Garnier). Ainsi, on peut concevoir un pouvoir juste et s'en forger une idée : c'est le pouvoir d'essence démocratique, émanantde la volonté générale, puisque le pacte social assure alors à tous Yégalité.

Il faut bien comprendre et saisir que,dans ce type de pouvoir, les citoyens ne sont jamais soumis à leurs semblables, car ils obéissent à la loi civile,c'est-à-dire à eux-mêmes.

Il y a à la fois autonomie et justice, puisque la rigueur de la loi fait que tous sont égauxdevant elle.

Dès lors, la justice est respectée, comme l'est la liberté. On peut donc concevoir un pouvoir juste : comme stratégie complexe, mais aussi comme état démocratique.

Lepacte d'association de type rousseauiste semble réconcilier le fait et le droit, l'empirie et la morale. B) Antithèse : Le pourvoir réel est injuste. La conception d'un pouvoir et d'un État juste ne nous éloigne-t-elle pas de la réalité et n'est-elle pas, malgré lasynthèse à laquelle elle tend, plus idéale que concrète? En ce qui concerne les micropouvoirs, une inégalité de faitest souvent constatée.

Les formes complexes du pouvoir se donnent maintes fois à nous, empiriquement, à traversla figure du Maître et du Dominant, sans que l'égalité des personnes soit effectivement sauvegardée.

Un processusfondamentalement injuste, une inégalité essentielle, sont trop souvent à l'œuvre, malgré les systèmes sociaux derégulation.

Qu'en est-il, à un second niveau, en ce qui concerne le pouvoir de l'État? L'organisation étatique, mêmedémocratique, ne recèle-t-elle pas des pièges infinis? Il semble bien, apparemment tout au moins, que nonseulement les concepts d'État et de liberté soient souvent contradictoires, mais également ceux d'État et dejustice.

De ce point de vue, la critique anarchiste de l'État paraît, sous certains aspects, judicieuse et justifiée.

Eneffet, a montré Bakounine à la suite d'autres théoriciens anarchistes, le pouvoir corrompt.

Il semble être le garantde l'ordre profitable à tous, l'expression d'une volonté générale à vocation universelle, soumettant chacun à la. »

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