Peut-on dire: "à chacun sa vérité" ?
Publié le 08/01/2004
Extrait du document
- I. La vérité subjective et relative
- II. La vérité universelle
- III. La vérité religieuse
«
Des goûts et des couleurs on ne peut en effet discuter : ainsi je ne peux prétendre que les autres sentent commemoi.
Chacun reste juge de son propre plaisir ou déplaisir, de ce qui est agréable ou désagréable aux sens.
On peutalors parler de «vérités subjectives » : chaque vécu subjectif est comme tel indubitable, et une sensation, mêmeillusoire, est une sensation réellement ressentie.
Et de même que chacun a de son corps un sentiment singulier, demême chacun tient pour vraies des idées morales ou religieuses, par exemple, parce que grâce à elles, il a lesentiment d'être en présence de « sa vérité, une vérité qui réponde à ses aspirations, comble ses attentes»(E.Mounier).
Il considère ces «vérités subjectives» en ce sens comme plus vraies que les «vérités objectives » etimpersonnelles des sciences, même si elles ne peuvent être argumentées comme celles-ci par raisonsdémonstratives.Ensuite, chacun de nous s'inscrit inévitablement au sein d'une culture particulière.
Même le corps - et d'abord lui -est marqué du sceau de la culture jusqu'en ses fonctions les plus biologiques, comme le manifeste le sociologue M.Mauss.
À cet égard, «chacun appelle barbare ce qui n'est point de son usage» (Montaigne, Essais, 30).
L'ethnocentrisme est bien la tendance à ériger un point de vue culturel particulier en pseudo-critère universel.
Alors,rappeler qu'« un méridien décide de la vérité », que ce qui est «vérité au deçà des Pyrénées » est « erreur au-delà» (Pascal, Pensées, 294 éd.
Brunschvicg), c'est s'interdire de conclure des différences à l'inégalité.
Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà. (Pensées)
Pascal s'en prend ici au caractère relatif, conventionnelde la justice humaine.
Les lois varient d'un État àl'autre.
La justice des hommes n'est pas universelle aucontraire de la justice divine.
Le « à chacun sa vérité» signifie alors une reconnaissance de; différences, quiest l'antidote à la barbarie ethnocentrique et au fanatisme qu'elle peutentraîner.
Le fanatique croit en la vérité, certes, mais la confond avec se;préjugés et ses habitudes culturelles.
À ce titre, mieux vaut la prudentehumilité du sceptique qui, ne prétendant pas connaître la vérité, ne prétendpas impose, aux autres ce qu'il sait n'être que sa vérité.Enfin, chacun est un homme de son temps.
Même si la vérité est absolue etéternelle, il existe bien une histoire de sa découverte au regard de laquelle lesvérités sont provisoires, sujettes à relativisation, modifications,perfectionnements.
Ainsi les progrès des sciences nous montrent qu'il seraitimprudent de considérer leurs vérités comme absolues et définitives : elles sont relatives aux concepts et moyenstechniques dont dispose le scientifique, à chaque stade de la recherche.
Ainsi toute vérité scientifique est datée, etaucune ne prétend "épuiser" la réalité de la matière.
Comme le soulignait déjà saint Thomas, «les vérités del'intelligence humaine sont mobiles et changeantes» (Somme théologique).
D'abord, parce que la connaissanceprogresse, à supposer que l'objet demeure le même.
Ensuite, parce que l'objet lui-même peut changer.
Seule,l'intelligence parfaite serait immuable et il n'y a qu'en une intelligence divine que la vérité transcenderait la relativitéspatio-temporelle.
Mais si une philosophie humaine se donnait pour la Philosophie et la Vérité, son dogmatisme dérisoire, oublieux de sesracines culturelles, historiques, serait une caricature risible du philosopher.
Philosopher consiste justement àconfronter son jugement critique à la diversité contradictoire des philosophies.Ainsi la formule « à chacun sa vérité » paraît recevable comme respect de l'irréductibilité des sensibilités singulières,comme tolérance différentialiste ou encore comme antidote à un dogmatisme impuissant à penser le rapport entrevérité et historicité.
Mais a-t-on bien mesuré tous les présupposés, toutes les implications d'une telle formule ?
« A tout argument s'oppose un égal argument.
» Sextus Empiricus, Hypotyposes pyrrhoniennes, Ile-Ille s.
« L'homme est la mesure de toutes choses.
» Protagoras (Ve s.
av.
J.-C.), cité par Platon dans le Théétète. Cette formule signifie que tout jugement est relatif à l'individu qui le porte.
Si l'homme est la mesure de touteschoses, il n'y a ni valeur ni vérité universelles.
Chacun est juge « de toutes choses », de ce qui existe et de ce quin'existe pas, du vrai et du faux, du bien et du mal, etc.
« Telle une chose m'apparaît, telle elle est pour moi »,.
»
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