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Peut-on ôter a l'homme sa liberté ?

Publié le 19/12/2005

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Ces derniers ôtèrent donc leur liberté aux premiers. -          Il semble donc qu'on puisse ôter la liberté à l'homme. Cependant, la volonté d'un individu ne dépend que de lui. -          Toutefois, est-il vrai d'affirmer que l'esclave est un homme dépourvu de toute liberté ? -          En effet, l'esclave conserve la liberté de penser ce qu'il veut, et l'on pourrait dire que là réside là vraie liberté, car la pensée dépend de l'individu, alors que tout le reste dépend du cours du monde. -          Ainsi que le remarque Epictète dans son Manuel : « de toutes les choses du monde, les unes dépendent de nous, les autres n'en dépendent pas. Celles qui en dépendent sont nos opinions, nos mouvements, nos désirs, nos inclinations, nos aversions ». -          Or la vraie liberté se doit d'être en accord avec la raison, et la raison nous indique qu'il est inepte de vouloir changer ce qui ne dépend pas de nous. La vraie liberté, écrit Epictète « consiste à vouloir que les choses arrivent, non comme il te plaît, mais comme elles arrivent » (Epictète, Entretiens, I, 35) car l'on peut changer notre assentiment au cours des choses, mais l'on ne peut influer sur les événements extérieurs à nous : « le destin conduit celui qui y consent, et il entraîne celui qui y résiste » (Sénèque, Lettres à Lucilius) -          C'est pourquoi Epictète ajoute dans son Manuel que « si tu crois libres les choses qui de leur nature sont esclaves, et propres à toi celles qui dépendent d'autrui, tu rencontreras à chaque pas des obstacles, tu seras affligé, troublé, et tu te plaindras des dieux et des hommes. Au lieu que si tu crois tien ce qui t'appartient en propre, et étranger ce qui est à autrui, jamais personne ne te forcera à faire ce que tu ne veux point, ni ne t'empêchera de faire ce que tu veux; tu ne te plaindras de personne; tu n'accuseras personne; tu ne feras rien, pas même la plus petite chose, malgré toi; personne ne te fera aucun mal, et tu n'auras point d'ennemi, car il ne t'arrivera rien de nuisible.

 La difficulté de ce sujet provient de 2 éléments: d'une part l'ambiguïté de l'expression "peut-on" (qui signifie est-il légitime ou est-il possible) et, d'autre part, l'équivoque de la notion de liberté (liberté politique, liberté spirituelle, etc.)  Vous devez définir avec une très grande précision la notion de liberté, car se sont ses différentes acceptions qui vous permettront de construire votre devoir. Vous pouvez utiliser aussi bien un plan progressif, en examinant les différentes formes de la liberté, qu'un plan dialectique qui conduira à une synthèse (dans laquelle la liberté spirituelle permet de transcender toutes les formes de privation de la liberté).  

Considérer que l’on puisse ôter à l’homme sa liberté pose deux problèmes majeurs : tout d’abord cela présuppose que l’homme est libre, car on ne pourrait le priver de ce qu’il ne possède pas ; mais en second lieu, cela suppose que la liberté n’est pas quelque chose qui constitue la nature propre de l’être humain, comme si l’on pouvait ôter la liberté à quelqu’un de la même manière qu’on lui volerait son vélo. Le problème peut donc finalement se résumer en ces termes : la liberté est-elle inhérente à la nature humaine ?

 

« L'homme est libre à l'état de nature, mais il peut perdre cette liberté à l'état social. 1. - « L'homme est né libre, et partout il est dans les fers » écrit Rousseau dans le Contrat Social . La formule de Rousseau est marquante en ce qu'elle énonce magistralement un paradoxe : l'homme est naturellement libre, il naît libre, mais il est toujours politiquement et socialement asservi.

Saisir l'enjeu de cettephrase contraint à la replacer dans son contexte, et à comprendre qu'elle inscrit Rousseau dans la lignée du « droit naturel », qui s'inscrit contre les théoriciens du « droit divin ». Dire que « l'homme est né libre » est répondre à une phrase de Bossuet (1627-1704) : « Les hommes naissent tous sujets ».

Bossuet affirmait que cette sujétion de l'homme est naturelle dans un ouvrage dont le titre est un programme et un manifeste : La politique tirée des propres paroles de l'Ecriture sainte ». Depuis le XVI ième, la théorie politique voit s'affronter deux courants ; la théorie du droit divin, voire de la monarchiede droit divin, dont Bossuet est un représentant, et la théorie dite du « droit naturel » à laquelle Rousseau se rallie. La théorie du droit divin se fonde sur un passage de la Bible, et plus précisément sur ce passage de l' « Epîtres aux Romains » de Saint Paul : « Que toute âme soit soumise aux puissances supérieures, car il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu etcelles qui existent ont ètè instituées par lui.

Ainsi qui résiste à la puissance, résiste à l'ordre de Dieu […].

Il estnécessaire d'être soumis non seulement par crainte, mais encore par l'obligation de conscience ». Toute autorité politique vient de Dieu, et donc qu'il existe aucun droit de résistance face aux autorités en place, quin'ont de compte à rendre qu'à la divinité.

Quel que soit le régime, on lui doit une obéissance inconditionnelle. Ce courant s'est vu concurrencé par un autre, (né avec la Réforme de Luther et la contestation des autorités politiques et religieuses), qui affirme, comme le fera Rousseau , que l'homme est naturellement libre, qu'il a naturellement droit de se gouverner lui-même, de décider lui-même ses actions.

La conséquence majeure est que lepouvoir, l'Etat, l'autorité, sont donc des créations volontaires, artificielles, des hommes.

Rousseau et ses prédécesseurs admettent que l'homme est naturellement libre et indépendant, et donc que les hommes décidentvolontairement, et dans un but précis, de se soumettre à une autorité commune qu'ils ont eux-mêmes créée. Un auteur partisan du droit divin, Ramsay (1686-1743), décrit les principes de ses adversaires et les points sur lesquels portent le désaccord des deux courants : « Rien n'est plus faux que cette idée des amateurs d'indépendance que toute autorité réside originairement dans lepeuple, et qu'elle vient de la cession que chacun fait, à un ou plusieurs magistrats de son droit inhérent à segouverner soi-même.

Cette idée n'est fondée que sur la fausse supposition que chaque homme est né pour soi, horsde toute société, est le seul objet de ses soins et sa règle à lui-même ; qu'il naît absolument son maître, et libre dese gouverner comme il veut. » Ce qu'admet l'école du droit naturel, et que rejettent les partisans du droit divin, ce sont toutes les conséquencesde « L'homme est né libre » : chaque homme étant libre et indépendant des autres, mu par son propre intérêt, touteautorité s'exerçant sur un groupe d'hommes a été créée par eux volontairement, et donc le pouvoir résideoriginairement en chacun de nous ; dans le peuple.

On retrouve ici les fondements de notre démocratie. Mais reste à expliquer comment il peut se faire que, naturellement libre, l'homme soit « partout dans les fers ». Rousseau poursuit : « Comment ce changement s'est-il fait ? Je l'ignore.

Qu'est-ce qui peut le rendre légitime ? Je crois pouvoir résoudre cette question.

» L'effort théorique de Rousseau et de ses prédécesseurs ne consiste pas à rechercher comment, historiquement, les hommes ont pu devenir esclaves ou asservis.

La question n'est pas une question de fait à trancher rationnellement ;qu'est-ce qu'une autorité légitime ? Qu'a-t-on le droit d'exiger de moi ? Si je suis naturellement libre, à qui ai-jepromis d'obéir, dans quel but, dans quelle limite ? Si l'on arrive à ce paradoxe d'un homme libre vivant dans les fers, si l'on voit un ordre social injuste, ou des guerresciviles, c'est que les fondements politiques ne sont pas assurés, c'est qu'on a construit des Etats sur du sable ou dela boue.

On ne peut donc s'appuyer sur la pratique des hommes pour savoir quelle est la forme légitime de l'Etat, carcomme le déclare Hobbes dans le « Léviathan », un siècle avent le « Contrat social » : « De toute manière, un argument tiré de la pratique des hommes est sans valeur […] En effet, même si en tous lesendroits du monde les hommes établissaient sur le sable les fondations de leurs maisons, on ne pourrait inférer de làqu'il doit en être ainsi.

L'art d'établir et de maintenir les républiques repose, comme l'arithmétique et la géométrie,sur des règles déterminées ; et non comme le jeu de paume sur la seule pratique. » Il s'agit de droit et non de fait.. »

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