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Peut-on parler de responsabilité collective ?

Publié le 19/12/2005

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MORIN, La révolte des faits contre le Code, p. 196), et, de nos jours, les juristes se montrent en général disposés à admettre que ces collectivités possèdent, elles aussi, la personnalité juridique et morale. B. - De là résultent deux conséquences. - 1° En tant que membre d'une collectivité, l'individu participe à la responsabilité de celle-ci dans la mesure où non seulement il a participé à son activité, mais aussi dans la mesure où, par son abstention, sa passivité, voire peut-être sa lâcheté, il a laissé accomplir des actes que le droit ou la morale condamnent. - 2° En tant qu'ils ont une réalité propre et une personnalité morale et juridique, les groupes eux-mêmes, en tant que collectivités, peuvent être tenus pour responsables. La famille est responsable des fautes commises par les enfants, d'autant plus qu'on peut toujours supposer que les parents ne leur ont pas donné l'éducation nécessaire (en revanche il serait tout à fait injuste de tenir les enfants pour responsables de fautes commises par les parents). La nation est responsable des crimes commis en son nom par les chefs qu'elle s'est donnée ou qu'elle tolère. - On voit d'ailleurs que cette responsabilité collective suppose toujours une participation plus ou moins active des membres du groupe qui les engage dans cette collectivité. C.

« Nous sommes responsables de nos actes, lorsque nous répondons de nos ceux-ci, que nous en sommes la cause et la conséquence.

Déslors nous ne serions être responsables que de nos actes, mais alors quel sens donné à la responsabilité collective si ce n'est l'agrégat desdifférentes responsabilités? On peut donc envisager une responsabilité individuelle indépendamment du concept de responsabilitécollective, et non une responsabilité collective indépendamment d'une responsabilité individuelle.

Mais notre action n'est jamaisenvisageable de façon individuelle, elle est toujours prise dans un réseau dans laquelle une pluralité d'hommes agissent.

Notreresponsabilité individuelle n'est-elle pas dés lors relative? Relative justement à une responsabilité collective qui nous précède mêmeindividuellement.

N'est-ce donc pas qu'une responsabilité collective, dans cette mesure, est possible sans une responsabilité individuelleau sens fort qui envisage quant à celle-ci le sujet comme souverain sur ces actes? La responsabilité collective n'est que la somme des responsabilités individuelles Être responsable, c'est en effet, porter soi-même ces actes, un seul sujet est responsable de ses actes.

Dés lors porter la conséquence deses actes n'est possible que pour un sujet.

D'ailleurs le risque d'envisager une responsabilité collective n'est-il pas de conduire leshommes à assumer leurs responsabilités en se réfugiant dans une responsabilité collective.

Nous ne saurions être responsables que denos actes, c'est-à-dire de ceux qui émanent de notre volonté: « En ce qui concerne nos actions, elles sont sous notre dépendance absoluedu commencement à la fin », Éthique à Nicomaque, livre 3, chapitre 4. La responsabilité collective n'existe pas réellement, c'est toujours le fait de différentes responsabilités individuelles.

Envisager uneresponsabilité collective n'est-ce pas une expression par essence contradictoire avec elle-même? La responsabilité est toujours le fait d'unindividu. La responsabilité individuelle appelle la responsabilité collective et réciproquement Selon Arendt: « Aucun homme ne peut être souverain, car la terre n'est pas habitée par un homme mais par des hommes », La condition de l'homme moderne.

La faculté d'agir consiste déclencher des processus sans précédent dont l'issue demeure incertaine et imprévisible.

Si la force du processus de l'action s'épuise jamais dans un seul acte, elle peut grandir au contraire quand les conséquences de l'acte semultiplient; ces processus, voilà ce qui dure dans le domaine des affaires humaines: leur durée est aussi illimitée, aussi indépendante dela fragilité de la matière et de la mortalité des hommes.

L'action est toujours fragile car elle ne dépend pas de moi entièrement, l'actionest par essence imprévisible et irréversible.

Ce que nous faisons implique nécessairement la pluralité des autres hommes.

L'action dechacun, et donc sa responsabilité, ne saurait échapper à la condition de la pluralité.

Cela veut dire que pour chaque agent le résultat del'action coïncide rarement avec son intuition originaire.

Cette contrainte exprime la dépendance de l'activité à l'égard du réseau desrelations humains.

Elle implique que les uns font l'action et que les autres la subissent.

Les hommes sont à la fois les agents et lesvictimes.

Autant dire que c'est la possibilité d'un sujet souverainement auteur de ses actes et responsable qui est ici mise à mal.

Tout àchacun est dans un monde où vivent une pluralité d'hommes, chaque acte s'insèrent dans un réseau d'autres actes, et enclenche unprocessus qui fait de chacun de nous un agent autant qu'un patient.

Nous habitons un monde qui fait que chacune de nos actions nesauraient être évaluée indépendamment des autres actions, la responsabilité individuelle n'a de sens que par rapport à une responsabilitécollective, deux types de responsabilité qui renvoie l'une à l'autre. Le sujet responsable est toujours responsable de la collectivité dans laquelle il vit Dés lors la véritable responsabilité n'est pas celle d'un individu pris isolément mais la responsabilité collective par rapport à laquellechacun doit référer ses actes. C'est dans la mesure où notre responsabilité est toujours collective en étant individuelle que Jonas formule, dans Le principe de responsabilité , des impératifs éthiques qui ont traits à des actes collectifs et de leurs conséquences.

Il s'adresse aux responsables de l'action, aux technocrates, aux hommes politiques.

Dans leurs décisions, il faut qu'ils agissent de telle sorte qu'une vie humaine digned'être vécue, puisse se perpétuer sur Terre.

Ils se doivent de faire que l'humanité puisse continuer à exister, telle qu'elle est, donnéed'abord dans l'être comme produit naturel d'une évolution naturelle.

On remarquera que la formulation de la règle, qui vaut ici à titred'impératif catégorique, se rapproche de celle de Kant.

En réalité, Jonas ne fait pas appel au sujet transcendantal à la manière dont Kantle faisait, c'est à dire en éliminant le sentiment dans le chemin vers la règle ; et surtout il ne fonde pas l'impératif sur une règle éternellede la raison, comme l'universalité de la maxime.

Il apporte en outre une nouvelle dimension substantielle et concrète à la maximemorale: «la dignité de la vie».

Il se place ainsi au-delà de la philosophie moderne et ne peut être accusé d'être resté prisonnier duformalisme kantien.

La fondation proprement philosophique que Jonas tente dans son ouvrage possède paradoxalement une viséepragmatique.

Il faut que cette nouvelle éthique persuade et, parce qu'elle doit légitimer ultérieurement un mode d'organisation politiquedu contrôle de la technique, il faut qu'elle soit fondée de manière sûre sur le plan philosophique.

L'absence de définition a priori de finalités de la technique rencontre le vide éthique ou encore l'utopie messianique, portée par le Marxisme du 20e siècle, de la satisfactionillimitée des besoins croissants de tous.

L'auteur ajoute que les risques pris avec la technologie contemporaine- par exemple les centrales nucléaires- sont d'autant moins acceptables qu'ils le sont seulement pour assurer la réduction des coûts et l'augmentation de laconsommation, bref en vue du progrès et non « dans le but de sauver ce qui existe ou d'abolir ce qui est intolérable »3.

À partir de là,Jonas établit trois maximes. Premièrement, il faut former en soi une idée des effets lointains de l'action technologique.

Deuxièmement, il faut mobiliser le sentiment du danger.

Troisièmement, il faut que les dirigeants politiques et les éthiciens privilégient une crainte des effets négatifs possibles plutôt qu'ils n'entretiennent l'optimisme béat.

Cette troisième maxime est la plus importante.

A chaque fois qu'on disposera d'anticipations surles effets d'une innovation technologique, il faudra toujours retenir le pronostic le plus défavorable.

Cette priorité du diagnostic négatif surle positif est justifiée par l'ampleur, la cumulativité et la vitesse du développement technologique.

Par exemple, la construction denouvelles centrales nucléaires, qui impliquent une surveillance millénaire de la gestion des déchets radioactifs, a toujours été permisejusqu'à maintenant par l'option d'un diagnostic optimiste quant à la question des catastrophes nucléaires et de la gestion déchets.

Laresponsabilité est toujours en premier lieu collective, notre agir est toujours collectif. Conclusion -La responsabilité est individuelle avant tout, faire prévaloir la responsabilité collective avant la responsabilité individuelle risque de rendreles individus irresponsables face aux conséquences de leur propres actes. -Seulement, comme l'énonce notre deuxième partie, un acte n'est jamais isolé et chaque individu ne saurait disposer d'une pleinesouveraineté sur ces actes dés lors qu'il vit dans un monde habité par une pluralité d'hommes. -Dés lors c'est le concept de responsabilité individuelle prie indépendamment du concept de responsabilité collective qui apparaîtinsensée.

C'est même à l'aune de la responsabilité collective que notre acte doit être jugée, la responsabilité collective a peut être plus desens que la responsabilité individuelle.. »

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