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Peut-on qualifier d'inhumain le comportement d'un homme?

Publié le 05/03/2005

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Si tout est humain, les camps d'extermination nazis ne sont plus criticables, tout au plus pourra-t-on regretter qu'ils aient été liés à une définition sans doute trop étroite de ce que doit être l'homme, mais ils ne constituent rien d'autre, dans cette optique, que la conséquence ultime de toute définition. S'il est rare qu'on aille jusqu'à soutenir de telles positions - parce qu'il est admis par à peu près tout le monde que les camps d'extermination constituent un scandale unique dans l'histoire, les choses semblent plus acceptables dès que l'on s'intéresse à des cas en apparence moins graves: pourquoi devrait-on par exemple critiquer l'excision telle qu'elle se pratique dans les sociétés africaines puisqu'elle correspond à une tradition culturelle? ou de quel droit me mêlerais-je de trouver qu'il y a dans la prostitution des enfants philippins quoi que ce soit d'inhumain dès lors que le gouvernement la tolère, que les parents en vivent tout en la déplorant officiellement, et que les touristes y trouvent leur plaisir?Alors qu'au procès de Nuremberg on a mis au point la notion de «crime contre l'humanité«, on sait combien elle reste délicate à appliquer, sinon discutable en raison même des conditions de son élaboration.Ainsi se trouve-t-on face à deux situations extrêmes : d'un côté, l'accusation d'inhumanité se dilue dans l'incompréhension réciproque, de l'autre l'affirmation du relativisme, outre qu'elle se condamne à l'inefficacité morale, finit par supprimer tout sens au qualificatif d'inhumain - sauf si quelque réaction affectivo-morale vient la perturber face à ce qu'elle ne peut s'empêcher de considérer comme un scandale. Retour au sens premier: serait inhumain, non pas ce qui est indigne de l'homme, mais ce qui contredit l'humanité ou son concept.La référence philosophique qui s'impose est ici la morale kantienne et la maxime selon laquelle il convient de considérer l'humanité «jamais comme un moyen, toujours comme une fin«.Peut alors être qualifié d'inhumain tout comportement qui, bien que relevant de la volonté d'un homme ou d'un groupe humain, ne respecte pas cette exigence. L'inhumain apparaît dès que, et si peu que ce soit, une personne est utilisée pour satisfaire des désirs, des intérêts, des pouvoirs quels qu'ils soient.Ce qui revient à définir le comportement inhumain par le non-respect de la personne humaine, à condition de donner à celle-ci son sens plein: elle représente à elle seule l'humanité dans son ensemble.
L’inhumain c’est le non humain, celui qui n’obéit pas en somme aux règles, aux valeurs, voire aux croyances de l’humanité. Mais paradoxalement nous ne saurions qualifier sans pléonasme un comportement animal d’inhumain, c’est donc que l’inhumain est toujours rapporté à l’homme. Mais comment quelque chose dans l’homme pourrait-il être inhumain ? Si nous caractérisons un individu d’inhumain ne lui ôtons-t-on pas par là une qualité qu’il est pourtant sensé toujours disposé parce qu’il est justement homme ? En ce sens l’inhumain peut-il réellement émerger de l’humain ? D’autre part face à la pluralité des valeurs et des cultures sommes-nous réellement à même de définir ce qui relève de l’humain et donc de l’inhumain ? Enfin, si nous sommes capables d’être inhumain n’est-ce pas qu’il y a une inhumanité de l’homme autant qu’une humanité de l’homme ?
 
  • I) Certains actes des hommes sont inhumains.
 
a) L'être humain ne peut pas rester indifférent à autrui. b) L'homme peut être dénué de conscience morale. c) Celui qui ne domine plus ses instincts est inhumain.
 
  • II) Toutes les actes des hommes sont humains.
 
a) Les notion d'humanité n'est pas seulement synonyme de grandeur. b) Seuls les hommes connaissent la violence. c) L'inhumain est une notion... humaine !
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« Dans le Livre 1 Chapitre 31 des Essais , Montaigne renvoie le terme de barbare à une qualification de la culture d'une personne sur celle d'une autre.

Si bien que nous sommes tentés d'appeler barbare et inhumain ce qui n'appartientpas à notre culture.

Il écrit au cours de ce chapitre : « Chacun appelle barbare ce qui n'est pas de son usage ».

Lesvaleurs que nous jugeons bonnes, justes, vraies de toute nécessité et donc humaine sont renvoyées à n'être quedes expressions particulières d'une culture.

Car pour Montaigne : « Quelle vérité que ces montagnes bornes, qui estmensonge au monde qui se tient au-delà » Livre 1, Chapitre 12.

L'inhumain n'existe pas réellement, mais révèle enréalité le jugement étriqué d'un homme qui appartenant à une culture particulière juge toute autre comme abjecte.Or, écrit Montaigne : « (…) comme de vrai il semble que nous n'avons d'autre mire de la vérité et de la raison quel'exemple et idées des opinions et usances du pays où nous sommes.

Là est la parfaite religion, la parfaite religion, laparfaite police, et parfait accompli usage de toute choses », Essai , Livre 1, chapitre 31. C'est cette analyse que reprendra Lévi-Strauss notamment dans Jean-Jacques Rousseau, fondateur des sciences de l'homme où il écrit : « Jamais mieux qu'au terme de ces quatre derniers siècles de son histoire, l'homme occidental ne put-il comprendre qu'en arrogeant le droit de séparer radicalement l'humanité de l'animalité, enaccordant à l'une tout ce qu'il retirait à l'autre, il ouvrait un cycle maudit, et que la même frontière constammentreculée, servirait à écarter des hommes d'autres hommes, et à revendiquer, au profit des minorités toujours plusrestreintes, le privilège d'un humanisme corrompu aussitôt né pour avoir emprunté à l'amour-propre son principe etsa notion.

». Le comportement inhumain c'est l'immoral Mais l'inhumain n'est pas seulement le non-homme mais aussi celui qui commet des actes barbares, immoraux.

Cen'est pas uniquement l'étranger qui appartient à un autre univers de sens mais aussi et surtout celui qui n'écoutepas ce que sa conscience pour le coup morale lui dicte de faire.

Rousseau admet aisément qu'il y a autant demorales qu'il n'y a de culture.

Mais pour autant il ne saurait définir l'homme autrement que par la conscience.

Car :« Il est au fond des âmes un principe inné de justice et de vertu, sur lequel malgré nos propres maximes nousjugeons nos actions et celle d'autrui comme bonnes ou mauvaises, et c'est à ce principe que je donne le nom deconscience », La profession du Vicaire Savoyard .

Et à ceux qui projettent d'affirmer que règne au niveau moral une irréductible différence entre les cultures il répond : « (…) Cet accord évident et universel de toutes les nations, ill'osent le rejeter ; et contre l'éclatante uniformité du jugement des hommes ; ils vont chercher dans les ténèbresquelques exemples obscur, et connu d'eux seuls ; comme si tous les penchants de la nature étaient anéantis par ladépravation d'un peuple et qui, sitôt qu'il est des monstres, l'espèce ne fût plus rien ».

L'humanité de l'hommeémerge par cette faculté éminemment morale qui conduit chacun à suivre le bien et non le mal.

Ainsi Rousseaurépond au relativisme culturel et moral de Montaigne en écrivant : « O Montaigne ! toi qui te piques de franchise etde vérité, sois sincère et vrai, si un philosophe peut l'être et dis moi s'il est quelque pays sur la terre où ce soit uncrime de garder sa foi, d'être clément, bienfaisant, généreux, où l'homme bien soit méprisable et le perfide honoré ». L'inhumanité de l'homme Mais l'inhumain, et le mal radical est bien possible, et si Arendt fait appel au concept de banalité du mal c'est bienque l'inhumain n'est pas le fait d'individus monstrueux mais d'individus on ne peut plus commun.

C'est ce que Arendtexpose quand elle commente l'attitude du criminel Eichmann qui a participé au génocide perpétré par les nazis. Témoins du procès de Eichmann, Arendt se retrouve face à un représentant d'un des maux les plus radicauxintroduit dans le monde, et ce qui la frappe d'emblée, c'est que le personnage n'a rien du fanatique endoctriné ni dumenteur cynique.

Elle est frappée par la disproportion entre l'ampleur du mal accompli et la médiocrité, la platitudeintellectuelle et morale d'Eichmann.

Il apparaît à l'évidence que Eichmann ne pense pas, qu'il est incapable d'émettreun jugement propre sur ses actions, c'est-à-dire de soumettre le contenu particulier de celles-ci à la question deleur sens.

Cette absence de l'individu au monde ; l'individu est incapable de comprendre la présence du monde, carincapable de mesurer son rapport particulier aux êtres et évènements de ce monde à la règle universelle, ou auprincipe régulateur du sens, qui n'est pas donné, mais qu'il doit produire lui-même librement en même temps qu'ilproduit le jugement particulier qui accompagne toute action faites au sein de ce monde.

Cette retraite du jugementqui se méconnaît comme telle se manifeste dans l'utilisation de formes de langage susceptibles de donner le changeles clichés, expression toutes faites du langage administratif, des manières de parler qui « emplissait la fonctionsociale reconnue de servir d'écran contre la réalité, contre l'exigence que tout évènement de tout état de chosesdu fait de leur exigence que tout évènement et tout état de choses, du fait de leur existence, posent à notredisposition de penser », La vie de l'esprit. Le mal radical commis au sein du monde vient se loger exactement dans le vide laissé par l'absence de la pensée aumonde.

L'origine du mal radical n'est pas à proprement parler dans une subjectivité perverse mais dans l'anesthésiede la subjectivité, dans l'absence à soi du sujet de pensée et d'action, dans l'anesthésie du pouvoir de réflexivité.C'est en sens que Arendt parle de la banalité du mal. Conclusion -Le comportement inhumain, en tant qu'il apparaît caractérisé sous le prisme d'une culture particulière, n'esttoujours en réalité et rien de plus que le jugement d'une culture sur une autre. -Mais une telle assertion nous conduit à nier la possibilité d'une norme universelle capable de guider les hommes. »

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