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Peut-on renoncer à la liberté?

Publié le 26/03/2005

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En quelque sens qu'on prenne le mot «liberté«, il paraît incompréhensible qu'on puisse y renoncer. La liberté politique n'est-elle pas notre bien le plus cher ? Une raison de vivre, et suffisante pour que certains y voient une raison de mourir ? À la rigueur pourrait-on se résoudre à la perdre, sous l'effet d'une irrésistible contrainte (occupation étrangère, oppression tyrannique). Mais plier devant la force, c'est se résigner, non renoncer. Mieux : comment renoncerais-je au premier des droits universels de l'homme ? Si la liberté définit l'humanité, alors, comme l'affirme Rousseau dans le Contrat social, «renoncer à la liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme « (I, 4). Il n'est pas plus en mon pouvoir qu'en celui d'une quelconque autorité de me dépouiller de ma nature. Quant à la liberté des philosophes, le libre arbitre, de deux choses l'une: soit j'en suis effectivement pourvu, auquel cas je tenterais vainement de l'abdiquer. C'est encore par une libre décision que je choisirais de ne plus être libre, et ma liberté se trouverait affirmée dans l'acte même par lequel je prétendrais la nier. Soit le libre arbitre est une illusion, et la question ne se pose plus. Nul ne renonce à ce qu'il n'a pas. Tout au plus pourrait-on renoncer à Vidée de libre arbitre et faire son deuil d'une puissance où l'homme a longtemps cru voir sa définition même. Et pourtant, le renoncement - ou la renonciation - à la liberté est un fait. Car renoncer n'est pas toujours sacrifier ; c'est aussi abandonner, capituler, s'avouer vaincu. Le randonneur renonce parce que la pente est trop raide ou le sac trop lourd. Il y aurait beaucoup à dire sur notre prétendu amour de la liberté. La facilité avec laquelle nous y renonçons - individus et peuples - au profit de la sécurité et du confort, fait naître des doutes. La philosophie politique ne s'est pas seulement demandée, avec Rousseau, de quels droits l'homme devait se dessaisir (à quelle liberté il devait renoncer) pour être libre en société. Elle s'est aussi aperçue qu'il faudrait que cet homme surmonte un certain penchant naturel à la servitude. Supposerait-on même que la liberté est inscrite au cœur de l'homme, comme sa définition même, il faudrait encore être sûr que cette condition ne lui paraît pas trop onéreuse et qu'il ne préférera pas déposer ce fardeau à la première occasion. Sartre, qui a dit de l'homme qu'il était « condamné à être libre «, n'a-t-il pas passé sa vie à étudier les ruses déployées par ce même homme pour échapper à ce privilège ?

« Transition : Cette deuxième partie nous a permis de mettre au premier plan la liberté civile et l'idée selon laquelle elle serait conditionnée par l'abandon de la liberté naturelle. Troisième partie : La liberté est-elle essentielle à l'homme ? 3.1 Renoncer à sa liberté c'est renoncer à son humanité.

« Il n'y a qu'un unique droit innéLa liberté (l'indépendance de l'arbitre nécessitant d'autrui), dans la mesure où elle peut subsister avec la liberté de tout autre suivant la loi universelle, est cet unique droit originaire revenant à l'homme de par sonhumanité.

_ L'égalité innée, c'est-à-dire l'indépendance, consistant à ne pas être obligé par plusieurs à autre choseque ce à quoi on les peut réciproquement obliger et il s'agit par conséquent de la qualité d'homme d'être son propremaître.

» KANT, Doctrine du droit . La liberté est intrinsèque à l'homme.

C'est pourquoi il ne peut l'abandonner sans se perdre lui-même en renonçant à son humanité. Dans le même esprit, Rousseau dira: « Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité et même à ses devoirs.

Il n'y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout.

Une tellerenonciation est incompatible avec la nature de l'homme.

» C'est dans le « Contrat social » que l'on trouve l'une des affirmations les plusradicales de Rousseau concernant la liberté comme bien inaliénable,définissant l'homme en propre.L'idée que la liberté est un bien inaliénable, et que nul ne peut consentir à yrenoncer pour appartenir à l'Etat, est une thèse centrale de la penséepolitique de Rousseau.

Elle sous-tend tout le « Contrat social », où il s'agit dedéterminer comment les hommes peuvent véritablement s'associer, obéir à unpouvoir commun, à des lois valant pour tous, sans abdiquer leurimprescriptible liberté.Cette fameuse formule s'inscrit dans un contexte polémique.

Rousseau vientde montrer, en accord avec Hobbes et les partisans de l'école du droitnaturel, que toute société, tout Etat, ne peut reposer que sur desconventions :« Puisqu'aucun homme n'a une autorité naturelle sur son semblable, etpuisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pourbase de toute autorité légitime parmi les hommes.

»Rousseau entend maintenant se démarquer de ses prédécesseurs en refusanttoute espèces de pacte de soumission qui lierait le peuple à des gouvernants,qui soumettrait la liberté des hommes à celle d'un autre.

C'est pourquoi ilentend prouver que renoncer à sa liberté conduit à se détruire en tant qu'êtrehumain, et que, par suite, nul ne peut le vouloir.Mais sans doute faut-il comprendre que la liberté pour Rousseau est constitutive de l'humanité : être humain, c'est être libre.

On peut aller jusqu'à dire que la liberté pour Rousseauprend la place du cogito chez Descartes.

Descartes considérait les animaux comme de simples automates, desmachines, et la pensée seule assurait l'homme de sa différence essentielle avec les bêtes.

A cela Rousseaurétorque, faisant sienne les thèses sensualistes : « Tout animal a des idées puisqu'il a des sens […] et l'homme nediffère à cet égard de la bête que du plus ou moins.

»Mais, alors que l'animal est régi par l'instinct, par des règles de comportement innées, fixées par la nature, l'hommeest libre : « et c'est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme ».

Ce quifait la grandeur de l'homme , sa spécificité, sa spiritualité, ce qui le définit en propre, ce n'est plus la raison, c'est laliberté.A partir de ces fondements, mis à jour dans le « Discours sur l'origine et les fondements parmi les hommes » (1755),Rousseau va s'employer à démontrer tous les arguments qui tentent de justifier l'esclavage privé et la sujétionpolitique.Il entend d'abord réfuter le parallèle établi par Grotius (1583-1645) entre l'esclavage privé et la soumission despeuples.

Si l'on pouvait comprendre qu'un homme se vende pour pouvoir survivre, il n'en resterait pas moinsincompréhensive qu'un peuple se donne à un maître qu'il devra nourrir.

Rétorquer que le peuple gagne au moins sasécurité revient à dire, selon Rousseau, que les compagnons d'Ulysse étaient en sécurité dans l'antre du Cyclope :ils attendaient tranquillement d'être dévorés chacun à leur tour.

Enfin, même si u peuple pouvait se donner, il nepourrait en aucun cas engager la liberté de ses enfants, nés libres, car en admettant que l'on puisse disposer de saliberté, on ne peut engager celle des autres.Rousseau commence ici à démontrer les arguments fallacieux qui justifient l'emprise du pouvoir sur les hommes, etles privent de leur bien le plus précieux au nom d'une prétendue sécurité.

Mais il va plus loin en montrant que mêmeun contrat de soumission est, en fait, juridiquement nul, moralement inconcevable.Un contrat suppose un échange de biens entre contractants, or renoncer à sa liberté, c'est renoncer à tout, c'estéchanger un bien un bien infini (ma liberté) contre un avantage qui sera par définition disproportionné.

Si je donnetout, que pourra-t-on me restituer en échange ? Ce contrat est un contrat de dupe.

Je renonce à tous mes droits,. »

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