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Peut-on se rendre maître du temps ?

Publié le 09/06/2009

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temps

Qu’est-ce qu’être le maitre de quelque chose ? C’est entretenir un rapport de propriété avec une chose qui nous permet d’en disposer librement selon notre volonté : par exemple, le maitre de maison fait ce qu’il veut chez lui, de même que le maitre à Rome use comme il l’entend de ses esclaves. Corollairement à la propriété, être maitre, c’est avoir une capacité de maitrise, c’est-à-dire avoir la capacité de déterminer pratiquement les actes et les mouvements de ce que l’on maitrise, ou d’anticiper théoriquement ce qu’il va faire. Par exemple, maitriser une matière, c’est en connaitre les tenants et les aboutissants et au théâtre, les héros qui sont maitres du cœur d’une femme peuvent savoir à l’avance leurs réactions, et exercer sur elles leur autorité.

Le temps est une réalité fuyante, que nous éprouvons d’abord dans notre expérience quotidienne, comme ce qui depuis toujours échappe à notre emprise. En effet si les choses dépendent pour l’essentiel de notre volonté, le temps qui n’est pas une chose, fuse en nous à l’instar des battements de notre cœur comme ce que nous contrôlons pas. Or si nous sommes originellement passifs face au temps, il importe de savoir si nous, êtres de volonté et de liberté, pouvons nous rendre maitre de ce dont nous sommes en naissant les esclaves : le temps.

Nous sommes alors confrontés à ce problème. Si être maitre, c’est posséder une chose de telle manière que nous pouvons en disposer librement et que nous sommes originellement les esclaves du temps, pouvons-nous disposer du temps de telle manière qu’il devienne un objet sur lequel notre volonté s’applique ? La nature du temps est-elle susceptible de nous en rendre maitres et par quels moyens ? 

S’il est vrai que nous ne sommes pas maitres du temps, il est possible de soutenir que nous pouvons le devenir par des techniques de réappropriation comme le projet, l’attention et le récit. Toutefois ces techniques trouvent leurs limites dans le rapport que nous entretenons avec le temps et dans la nature du temps lui-même. En effet la maitrise suppose un objet qui nous est extérieur et sur laquelle la volonté peut agir. Dans la mesure où le temps n’est pas un objet et nous ne sommes pas extérieurs au temps, il semble que nous ne sommes pas, et que nous ne pourrons jamais nous rendre maitres du temps. Néanmoins, si nous vivons à l’intérieur du temps auquel nous ne pouvons nous soustraire, cela signifie t-il pour autant que nous n’avons d’autre rapport au temps que de servitude et de soumission ? 

temps

« Rétrospectivement, celui qui écrit la Recherche peut ordonner et structurer le temps de son existence, c'est-à-direle passé en y lisant en filigrane les tentatives avortées de réaliser sa vocation.

Ainsi le récit est sans doute une desmeilleures manières de se réapproprier le temps qui échappe à nos prises, c'est la raison pour laquelle la littératureest par excellence l'art du récit et la Recherche du temps perdu le chef d'œuvre de la littérature.

S'il est vrai que nous ne sommes pas maitres du temps, il est possible de soutenir que nous pouvons le devenir pardes techniques de réappropriation comme le projet, l'attention et le récit.

Toutefois ces techniques trouvent leurslimites dans le rapport que nous entretenons avec le temps et dans la nature du temps lui-même.

II Nous ne sommes pas, et nous ne pourrons jamais nous rendre maitres du temps _ Les techniques de réappropriation du temps n'ont d'efficacité que relative dans la mesure où elles ne peuvent quenous apporter l'illusion réconfortante de la maitrise, mais pas sa réalité.

En effet maitriser, serait être capable de reprendre le temps pour en modifier le cours.

Or si l'on reprend l'exemple de la recherche du temps perdu, lenarrateur ne retrouve pas ce qui a été perdu, mais il le reconstruit,, l;'ordonne et même l'invente en partie.

Ce qu'iltrouve n'est pas ce qu'il a perdu, mais l'idée même de l'œuvre littéraire comme recherche de ce qui a été perdu.Pourquoi la technique du récit ne nous permet pas de disposer librement du passé ? C'est que le passé estirréductiblement passé, et nous n'avons plus jamais accès à lui.

Aussi pouvons nous le réordonner en lui donnant unsens qu'il n'avait pas au moment où il a été vécu, mais ce qui a été vécu ne peut pas avoir été vécu autrement qu'ilne l'a été.

En d'autres termes, ce qui a été ne peut pas ne pas avoir été, et il ne peut être modifié par le récit.C'Est-ce que nous pouvons soutenir avec Pierre Damien réfutant Aristote dans sa Lettre sur l'omnipotence de Dieu : seul Dieu et non ses créatures peut faire que ce qui a été n'ait pas eu lieu .

Ainsi être le maitre du temps passéimpliquerait à l'image de Dieu de pouvoir le ressusciter, d'en disposer librement et d'être capable de le modifier, voirede le faire disparaitre; ce qui n'est pas le cas pour l'homme comme le montre l'exemple de Lady Mac Beth de Shakespeare après son, crime ( V, 5) : « Ce qui est fait est fait.

Toutes les essences de l'Arabie ne pourrontpurifier cette petite main ».

Le passé demeure hors de notre maitrise parce que le temps est irréversible.L'irréversibilité signifie que l'on ne peut revenir vers le passé comme un voyageur revenant de la route où il est parti.Il aura beau revenir au même point spatial., le temps qui aura passé demeurera irréductiblement passé.

Ainsi nous nesommes pas les maitres du passé._ Néanmoins s'il est vrai que nous ne pouvons modifier le passé, il semble que nous disposons du moins librement denotre avenir que nous pouvons modifier par notre action présente et par nos projets.

Sommes nous maitres duprésent et de l'avenir ? Etre maitre du présent est possible, mais ne présente pas de réel intérêt dans la mesure oùle présent est de l'avenir en train de se faire qui deviendra passé et qu'il n'a de sens comme nous l'avons montréque par l'avenir.

Or si l'avenir offre une prise directe à l 'homme par son ancrage dans le présent, il est en même temps inaccessible à l 'homme en tant qu 'il est tourné vers le futur. Le futur est en effet cette dimension du temps que nous ne maîtrisons pas parce qu 'il demeure en grande partie imprévisible.

Or si nous pouvons travailler à notre avenir, nous ne travaillons pas à proprement parler pour le futur en tant que ce dernier constitue une dimension dutemps qui nous échappe.

En effet nous pouvons considérer que nous produisons nous-mêmes notre propre avenir ence que l 'avenir est lui-même le résultat du présent sur lequel s 'exerce notre action.

Mais nos actions elles-mêmes produisent des conséquences qui échappent à notre pouvoir.

Aussi nous pouvons dire que si nos actions nousappartiennent, les conséquences de nos actions ne nous appartiennent plus parce qu'elles se déroulent dans untemps où nous sommes impuissants.

C 'est ce que nous pouvons illustrer avec la nouvelle de Goethe intitulée l'apprenti sorcier .

L 'apprenti-sorcier peut agir sur le présent parce qu'il connaît la formule magique permettant d'animer les objets.

Or les objets une fois animés, il prend conscience qu'il ignore la formule nécessaire pour lesarrêter.

Cet exemple symbolise le rapport de l 'homme par rapport aux conséquences de ses actions.

En tant que soumis au futur, l'avenir n'est pas l'objet d'une véritable maitrise de la part de l'homme._ Pourtant l'anticipation ne permet-elle pas de maitriser l'avenir par la prévision théorique ? Une anticipation désigne la tentative de notre esprit pour reprendre la maîtrise sur un temps que nous ne maîtrisons pas.

Or cetravail de réappropriation, s 'il nous rassure, n 'est pas toujours efficace car l 'avenir comporte une part de hasard qui le rend opaque à la raison humaine.

Le hasard est ce qui constitue la part d 'indétermination essentielle de l 'avenir et qui, à ce titre, rend nos prévisions fragiles et toujours susceptibles d 'erreur.

L 'échec structurel de l 'anticipation explique pourquoi l 'attitude fondamentale de l 'homme face à l 'avenir est moins une attitude conquérante de maitrise qu'une attente fondée sur l'espoir .

L'espoir désigne ce sentiment que nous avons face à l 'incertitude de l 'avenir.

Si les hommes espèrent, c 'est justement parce qu 'ils ne peuvent compter sur leurs seules forces pour réaliser ce qu 'ils désirent.

L 'espoir est alors ce sentiment qui nous étreint lorsque nous désirons une chose qui ne peut advenir par nos seules forces.

Ainsi nous émettons un souhait, nous faisons une actions et nous pensons : « l 'avenir tranchera ».

Si c'est futur qui tranche, alors nous voyons que nous ne sommes pas plus les maitres de l'avenir que nous ne le sommes du passé ou du présent.

Notre maitrise apparente n'est qu'une prétention illusoire qui peuttoujours être contredite par la toute puissance du temps.

Dans la mesure où le temps n'est pas un objet et nous ne sommes pas extérieurs au temps, il semble que nous nesommes pas, et que nous ne pourrons jamais nous rendre maitres du temps.

Au contraire, c'est le temps qui estnotre maitre, et il semble que nous soyons condamnés à demeurer ses esclaves.

Néanmoins, si nous vivons àl'intérieur du temps auquel nous ne pouvons nous soustraire, cela signifie t-il pour autant que nous n'avons d'autrerapport au temps que de servitude et de soumission ? III Nous ne sommes pas maitres du temps, mais nous pouvons devenir ses associés et ses complices _ Nous ne sommes pas, et jamais nous ne serons maitres du temps parce que nous sommes mortels.

Cela nous ne. »

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