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Peut-on vaincre un préjugé ?

Publié le 28/02/2005

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La question ici posée porte non pas sur l'existence de préjugés en général. Elle pose cette existence de fait et elle pose la question de la possibilité d'en vaincre au moins un seul. En effet la question porte sur le comment de la lutte contre les préjugés et surtout de la possibilité d'en vaincre un – autrement dit sur les moyens à mettre en oeuvre dans la lutte des préjugés. C'est bel et bien une interrogation modale.Cette interrogation contient en son sein une notion majeure, celle de préjugé une notion plus mineure mais pas inintéressante qui est celle de la victoire contre l'un d'eux. Revenons sur ces deux concepts.

 

La question, nous le soulignions, porte sur la possibilité de la victoire sur les préjugés. Ceci implique une conception du préjugé négatif qu'il va donc falloir expliciter. Cependant le sujet fait problème à plusieurs niveaux. Il apparaît difficile de lutter contre qqch qui est constitutif de notre faculté de juger. En effet, le préjugé est constitutif de la nature humaine. Il va être nécessaire de distinguer préjugés et préjugés, ceux qu'il faut combattre, et ceux qu'il faut conserver. Autrement dit, dans la mesure où l'on ne peut réellement parler de préjugé au singulier et qu'il en existe différentes sortes, quelles sont les modalités de la lutte ; et est-il nécessaire et légitime d'entreprendre une lutte généralisée contre les préjugés ? En filigrane se pose toujours la question de peut-on faire l'économie de tous les préjugés ? Dans quelle mesure si l'on peut vaincre un préjugé, est-il nécessaire de ne pas tous les vaincre ?

 

« 2.

Le préjugé est un jugement par précipitation et préventionDescartes, Discours de la méthode , Seconde partie Lorsque la volonté excède les possibilités de l'entendement, l'on fait preuve de précipitation dans sonjugement.« Le premier (précepte) étoit de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusseévidemment être telle; c'est-à-dire, d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention.

»La précipitation, la prévention, ainsi apparaît comme un jugement d'avant le jugement vrai propre, autrementdit que j'ai émis, soumis au doute, que je conçois, au bout d'une énumération de démonstrations, commevrai.Exemple de jugement par précipitation ou prévention (notons la répétition du préfixe « pré ») autrement ditde préjugés :« Mustapha est marocainMais pour un gros paquet d'racistesAvant d'être vu comme quelqu'unOn le voit comme un terroriste » (Wriggles, 2005)Le racisme, l'homophobie, le sexisme se fondent sur ce que nous appelons des préjugés.

En effet confrontéaux démonstrations des défenseurs de ces opinions, il est souvent manifeste que ces jugements ne sont pasfondés en raison.

Ils sont souvent en outre l'appropriation d'un prêt à penser provenant de l'extérieur -contrairement au précepte de Descartes qui insiste sur le fait que la connaissance s'élabore à la premièrepersonne.3.

Danger inhérent au préjugé : suppression de l'autonomie du sujetOn le voit, Descartes insiste sur le caractère extérieur du préjugé qui se distingue de ce fait du jugementvrai.

Par delà, le préjugé dans une logique déterministe risque d'abolir l'autonomie du sujet.

En effetl'autonomie ( la forme la plus authentique de la liberté) du sujet, le fait qu'il se donne à lui-même sa propreloi, consiste en une action réfléchissante du sujet sur lui-même.

L'autonomie en matière de connaissance estdonc le fait que le sujet s'approprie rationnellement le monde qui l'entoure, qu'il est maître des connaissancesqu'il a lui-même démontré, fondé en raison.

Le préjugé, qui lui est un jugement d'avant le jugement vrai, leplus souvent acquis de l'extérieur va à l'encontre de cette conception de l'autonomie du sujet.

En effet, lepréjugé qui n'est pas fondé en raison, mais sur les affects, les croyances, les opinions reçues va à l'encontrede cette autonomie, et donc de la liberté du sujet connaissant.

Le préjugé contribue à un certaindéterminisme qui s'oppose à la liberté.Kant, La Religion dans les limites de la simple raison « La liberté [...] ne court de danger qu'avec le prédéterminisme » Pourquoi veut-on vaincre les préjugés ? Comment s'y prend-on ? II. 1.

Une lutte sous la forme de mise en doute radicale des préjugés au nom de la véritéLa modalité de la lutte pour Descartes s'avère être le doute qui devient métaphysique.

Il est la condition sine qua non d'une connaissance réfléchie qui s'oppose aux préjugés.

Il est donc une remise en question totale de tous nos préjugés, ceux acquis par nos parents, nos concitoyens, nos professeurs ou voire même nos sens :le doute cartésien considère comme faux ce dont il il y a la moindre raison de douter.Descartes, Méditations métaphysiques, Septièmes Réponses. « Tout de même aussi, ceux qui n'ont jamais bien philosophé ont diverses opinions en leur esprit qu'ils ontcommencé à y amasser dès leur bas âge ; et, appréhendant avec raison que la plupart ne soient pas vraies,ils tâchent de les séparer d'avec les autres, de peur que leur mélange ne les rende toutes incertaines.

Etpour ne se point tromper, ils ne sauraient mieux faire que de les rejeter une fois toutes ensemble, ni plus nimoins que si elles étaient toutes fausses et incertaines.

»2.

Une nécessité de garder un sous-bassement de préjugés dans cette quête de la véritéDescartes, Discours de la méthode III.. »

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