PLAISIR ET DOULEUR D'ORDRE PHYSIQUE ET D'ORDRE MORAL

« c - L'agréable et le désagréable moraux accompagnent l'agréable et le désagréable physiques parce qu'ils sont desréactions secondaires aux impressions primaires que constituent les phénomènes physiques. La plupart de nos sensations organiques sont inséparables du sentiment général dont elles se doublent.

Lecardiaque, l'asthmatique éprouvent en même temps que des sensations locales, des sentiments d'accablement,d'anxiété, d'oppression, de découragement.

Le moral élargit le physique en raison de l'importance que nousattachons au physique. Nos sensations externes ont à côté de leur qualité propre utilisée dans la connaissance une valeur affective souventméconnue : l'aspect affectif physique et l'aspect affectif moral sont ici bien difficiles à discerner : les odeurs parexemple sont des toniques ou des dépresseurs puissants des fonctions organiques.

La vue, l'ouïe, sens supérieurs,exercent une stimulation générale sur le système nerveux (effet irritant des bruits prolongés, aigus, stridents;excitation ou fatigue produites par des lumières vives). C'est précisément un grand problème de l'esthétique que l'analyse des composantes affectives des sens supérieursmises en valeur par les combinaisons des sons, des lignes et des couleurs.

On peut observer facilement la tonalitéaffective des couleurs en regardant un paysage à travers des verres de couleur : rouge, jaune, bleu, violet.

Sansces valeurs affectives, il n'y aurait ni peinture, ni musique. Signalons ici le problème des synesthésies, c'est-à-dire du symbolisme des qualités sensibles, les unes parles autres;ce symbolisme est manifeste dans le langage : on parle de couleurs criardes, chaudes, froides, etc...

Chez certainespersonnes, ces affinités entre deux domaines sensoriels paraissent beaucoup plus profondes. Dans l'audition colorée, les sons — timbre des instruments, des voyelles, tonalités musicales — font imaginer descouleurs définies, assez stables, chez un même individu.

On peut admettre qu'à la base de ces assimilations il existeune dualité affective commune aux sensations hétérogènes : c'est la doctrine des « correspondances » deBaudelaire, exploitation méthodique et esthétique de la synesthésie.. »