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Pour connaître, suffit-il de bien observer ?

Publié le 28/12/2005

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Bien observer, rester attentif au phénomène, s'appliquer à le décrire fidèlement sont autant de qualités qui caractérisent le savant.Mais cette observation est toujours orientée et guidée par une réflexion théorique : elle n'a donc rien d'immédiat ni de fortuit, elle est le produit, le résultat de la connaissance bien plus que sa condition nécessaire. Bachelard dira: Déjà l'observation scientifique est toujours une observation polémique ; elle confirme ou infirme une thèse antérieure, un schéma préalable, un plan d'observation ; elle montre en démontrant ; elle hiérarchise les apparences ; elle transcende l'immédiat ; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas. Naturellement, dès qu'on passe de l'observation à l'expérimentation, le caractère polémique de la connaissance devient plus net encore. Alors il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan des instruments. Or les instruments ne sont que des théories matérialisées. Il en sort des phénomènes qui portent de toutes part la marque théorique." BACHELARDPhilosophe, épistémologue, critique littéraire, BACHELARD est tout autant un penseur, un savant qu'un poète. Son oeuvre comporte deux versants : la réflexion sur les sciences et le poétique. Pourquoi cette dualité au sein de son oeuvre ?

« Galilée est un savant du XVI ième siècle, connu comme le véritable fondateur de la physique moderne, et l'hommeauquel l'Inquisition intenta un procès pour avoir soutenu que la Terre tournait sur elle-même et autour du soleil.Dans un ouvrage polémique, « L'essayeur », écrit en 1623, on lit cette phrase : « La philosophie [ici synonyme de science] est écrite dans ce très vaste livre qui constamment se tient ouvertdevant nos yeux –je veux dire l'univers- mais on ne peut le comprendre si d'abord on n'apprend pas à comprendre lalangue et à connaître les caractères dans lesquels il est écrit.

Or il est écrit en langage mathématique et sescaractères sont les triangles, les cercles, et autres figures géométriques, sans lesquels il est absolument impossibled'en comprendre un mot, sans lesquels on erre vraiment dans un labyrinthe obscur .

» Dans notre citation, la nature est comparée à un livre, que la science a pour but de déchiffrer.

Mais l'alphabet quipermettrait de lire cet ouvrage, d'arracher à l'univers ses secrets, ce sont les mathématiques.

Faire de la physique,saisir les lois de la nature, c'est d'abord calculer, faire des mathématiques.

Galilée est le premier à pratiquer laphysique telle que nous la connaissons: celle où les lois de la nature sont écrites sous forme d'équationsmathématiques, et où les paramètres se mesurent.Pour un homme du vingtième siècle cette imbrication de la physique et des mathématiques va de soi, comme ilsemble évident que nous devons mesurer et calculer les phénomènes observés.

Pourtant, c'est une véritablerévolution qui se manifeste dans ces lignes : elles signent la fin d'une tradition d'au moins vingt et un siècle.

Latradition inaugurée par Aristote, et que Saint Thomas a christianisé au treizième siècle.

Pour comprendre la portéede cette révolution qui manifeste et renforce une véritable crise de civilisation, il faut d'abord exposer la vision dumonde et des sciences qui prédominait jusqu'à Galilée.Koyré a magnifiquement résumé le changement du monde qui s'opère entre le XVI ième et le XVII ième : on passe du« monde clos à l'univers infini ».Pour les anciens, le monde était fini, comparable à une sphère, dont le centre était la Terre, immobile au centre dumonde, et la circonférence les étoiles fixes.

L'espace est non seulement fini, clos, achevé, mais parfaitementordonné.De plus, les anciens séparaient ce monde en deux zones : le supralunaire (au-dessus de la Lune), et le sublunaire(au-dessous de la Lune).

Ils croyaient que le monde supralunaire était parfait, immuable, car on observe à l'oeil nuque le cours des astres est régulier, et toujours identique, et l'un ne peut voir aucun accident, aucun changement àla surface des étoiles.

Par contre, sur Terre, tout change, tout se modifie constamment : les choses apparaissent,se transforment et meurent.

Tout est dans un perpétuel changement.

Notre monde était considéré comme celui dela génération et de la corruption, par opposition à celui des astres.C'est ainsi qu'on en arrivait à penser une hiérarchie et une imitation d'un monde à un autre.

Notre monde imparfaitet changeant tentait d'imiter le caractère incorruptible et parfait du monde des étoiles.

Par exemple, si l'individu doitmourir, en se reproduisant il perpétue l'espèce.

L'individu meurt mais l'espèce est immortelle.

Se reproduire revient àtenter d'imiter, autant qu'il se possible, l'immortalité du monde supralunaire.On a donc un monde orienté de façon absolue.

Non seulement la Terre est le centre du monde, mais chaque chosea sa place naturelle, chaque élément son lieu naturel.

Ainsi la pierre est attirée par la terre, et y retombera toujourssi on la lance, ainsi le feu « monte » vers son lieu naturel, l'éther.

Cette vision du mode est celle d'un cosmos, clos,achevé, hiérarchisé.

Chaque chose, dont l'homme, y a sa place et sa fonction.Enfin, cette vision, qui est celle que les contemporains de Galilée reçoivent d'Aristote, interdit que l'on fasse de laphysique mathématique.

La physique s'occupe des corps concrets & naturels.

La mathématique s'occupe d'objetsabstraits.

On ne trouve pas sur Terre d'objets parfaitement sphériques comme ceux qu'étudient les mathématiques,on ne trouve pas dans la nature où tout est en trois dimensions de cercle censé se situer dans un espace à deuxdimensions, puisque le cercle mathématique n'a pas d'épaisseur.Avec les découvertes de Galilée, tout change.

Galilée est le premier à avoir l'idée de pointer la lunette récemmentdécouverte sur le ciel.

Il découvre des tâches solaires, des volcans et des cratères lunaires, et montre que la voielactée est faite de milliers d'étoiles.

C'est donc que le monde supralunaire n'est pas parfait, immuable, incorruptible.Ces cratères et ces tâches sont le signe qu'il y a changement, génération & corruption partout dans l'univers.Galilée est le premier à formuler correctement la loi de la chute des corps, à calculer le rapport de la distanceparcourue par un objet qui tombe, le temps de la chute et sa vitesse.

Il montre alors deux choses : Il n'y a pas de lieu naturel des corps, la notion de mouvement est relative à la place et au mouvement de celuiqui observe.

Par exemple si un marin en haut d'un mât laisse tomber une pierre sur le bateau, il verra la pierretomber en ligne droite.

Mais un observateur sur un pont verra la pierre tomber suivant une parabole.

Ou encore si jesuis dans un train, j'ai l'impression d'être immobile et que les objets hors du train se meuvent ; On peut exprimer le mouvement des corps et prévoir leur chute grâce à une formulation mathématique.

Lesmathématiques peuvent servir de « langage » pour décrire la réalité concrète des corps physiques. Enfin, Galilée en vient à soutenir que Copernic avait raison : la Terre n'est pas au centre du monde ; elle n'est pasimmobile.

C'est le soleil qui est au centre du monde, et la Terre tourne autour de lui et sur elle-même.

De plus, lemonde n'est certainement pas fini, mais infini.Avec toutes ces découvertes, c'en est terminé du monde tel que l'Antiquité puis le Moyen-Age se le représentaient.Galilée ouvre une crise extrêmement grave : toute une vision du monde s'écroule.

L'homme perd sa place au centredu monde.

Il n'a plus de fonction définie au sein du monde hiérarchisé et fini : il est sur une planète comme uneautre, perdu dans une infinité.

Il n'a plus de monde à imiter : la nature n'est plus qu'un livre froid, désenchanté,accessible à l'abstraction mathématique.Pour les anciens, le monde était « plein de dieux » (Héraclite), pour les chrétiens médiéval, il chantait la gloire de. »

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