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Pourquoi les religions résistent-elles au progrès des sciences et techniques ?

Publié le 22/02/2012

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Pourquoi le progrès scientifique n'a-t-il pas fait disparaître les religions ? Cette question est si grosse de présupposés qu'il semble difficile de ne pas partir de ce qui, précisément, semblait, sinon « prévu », tout au moins annoncé ou problématiquement posé. Aussi le point de départ de notre analyse nous sera-t-il . apporté par cet énoncé implicite que véhicule la phrase : « On » a longtemps pensé que le progrès scientifique entraînerait le dépérissement des religions, leur fin, leur mort en quelque sorte.

« arrivera peut-être un temps où la mort ne sera plus que l'effet d'accidents extraordinaires, où la durée moyenne dela vie pourra acquérir une étendue immense, croître sans cesse.

Prolongation de la vie pour une période indéfinie :tel est le rêve, tel est l'espoir... Mais il nous faut reconnaître que la science contemporaine est souvent bien loin de ces vues.

N'aperçoit-elle pas,dans la mort, un phénomène structurellement lié à la vie, inhérent au vivant, Comme le montre, par exemple,François Jacob ? La conquête scientifique de la mort n'est pas pour demain... Dès lors, comment les progrès scientifiques pourraient-ils faire disparaître les religions, alors que l'aspiration à l'immortalité et à l'éternité différencie l'homme de l'animal ? Religion et Mort ont partie liée.

Le christianisme lui-même n'est-il pas en connexion avec une certaine saisie et appréhensionde la mort, comme le montrent les sociologues et anthropologues ? Si les Prophètes juifs annoncent déjàla résurrection des chairs, saint Paul et les Pères de l'Église jettent un défi à la mort. « Quand ce corps corruptible aura revêtu son incorruptibilité, quand ce corps mortel aura revêtu son immortalité, E...] alorssera accomplie la parole de l'Écriture [...] Ô mort, où est ton aiguillon ? » (Cor.

XV) Ainsi, tant que laraison scientifique échouera devant la mort, les promesses des religions seront mille fois supérieures à lascience, nul progrès scientifique ne pourra faire disparaître les rites religieux et la force de l'espéranceissue des rites et croyances.

Les hommes ne renonceront jamais à l'espoir de survivre.

Les religions, en nous promettant l'immortalité, sont sûres de garder leur puissance terrestre, malgré les progrèsscientifiques. C'est donc un noyau anthropologique — l'angoisse de la mort et du temps — qui représente la première cause du processus envisagé, l'incapacité de la science à faire disparaître les religions.

Refoulées, lesreligions renaissent puisque subsiste l'angoisse. C) La fin des idéologies. Mais il nous faut progresser davantage, car on remarquera que l'interrogation et la question posée portentsur un moment historique daté et précis (« n 'a-t-il pas fait ,) et non pas sur une durée éternelle, insoucieuse du présent.

La question, en bref, est tout autant historique qu'elle est philosophique.

Aussi est-il permis de rechercher maintenant des explications plus historiques et moins métaphysiques. Pourquoi le progrès scientifique n'a-t-il pas fait disparaître les religions ? L'homme, non seulement rêve d'éternité etd'immortalité, mais subsiste difficilement sans des idéologies ou des systèmes, des ensembles globaux, unitaires, quilui apportent une certaine sécurité et une « assise » morale et métaphysique. Ainsi les cultures se sont-elles longtemps organisées autour de ces récits globaux, de ces « métarécits », comme ditJean-François Lyotard ; par exemple : la dialectique des Lumières, née au XVIIIe siècle, structurait les pensées etles cultures en subordonnant tout à l'idéal de la Raison.

Les Lumières, au XVIIIe siècle, mais aussi les grands récitscommunistes et socialistes, aux XIXe et XXe siècle, le marxisme, etc., ont longtemps fonctionné comme desensembles, des idéologies cimentant l'action des hommes et permettant de nourrir leurs espoirs.

Tels furent les «grands récits » des Lumières, de l'hégélianisme, des marxismes, etc.

Que s'est-il passé ? Nous sommes maintenantdans une autre ère, sans idéologies, lesquelles apparaissent aujourd'hui périmées.

Au sein de cette débâcle desidéologies, le progrès scientifique semble de plus en plus incapable de faire disparaître les religions : quand lesidéologies entrent en agonie, le retour des religions s'effectue.

L'homme ne vit pas seulement de science ; lorsqueles grands récits unificateurs s'effondrent, il lui faut, de nouveau, investir dans l'espoir religieux et ce quel que soitle progrès scientifique.

Quand seule subsiste l'efficacité, quand reculent les idéologies d'espoir, les religionsrenaissent.

« Pour l'homme post-moderne, les entreprises modernes se poursuivent désormais sans nous, en ce sensqu'elles se passent de toute légitimation par le progrès moral, par l'émancipation du genre humain, par laconstruction du futur radieux.

La science et la technique se « développent » , sans autre finalité que d'accroîtrel'efficacité.

» (Vincent Descombes, Philosophie par gros temps, p.

137, Minuit)Ainsi, malgré les progrès scientifiques, renaissent, dans toute leur force, les rites religieux auparavant refoulés et lesmouvements de réaffirmation de l'identité religieuse.

Ici encore, le noyau de la cause est anthropologique : face à lacrise de la modernité, quand les hommes sont en désarroi, ils se retournent vers les Textes sacrés.

Le recul et lereflux du communisme et du marxisme, l'agonie des grands messianismes athées sont les causes directes de la non- disparition des religions et même de leur renaissance.

C'est bien ce que nous montre Gilles Kepel, dans La revanche de Dieu : débâcle des idéologies politiques et sociales, relâchement du tissu social, etc., favorisent le specta culaire regain religieux. Conclusion Le progrès scientifique n'a donc pu faire disparaître les reli gions, parce qu'il est incapable de jouer ce rôle sécurisant qu'assurent les rituels religieux.

Face à des hommes en désarroi (peur de la mort, régression des messianismes athées), les rituels religieux protègent et fondent la communauté. Le sacré disparaît-il ou change-t-il ? Il n'y a jamais évanouissement du sacré, mais métamorphose d'une puissance, qui se transforme en fonction des besoins anthropologiques des hommes, et ce, indé pendamment du progrès scientifique.. »

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