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Présence d'autrui et solitude ?

Publié le 17/09/2011

Extrait du document

« [Sa] solitude n’attaque pas que l’intelligibilité des choses. Elle mine jusqu’au fondement même de leur existence. « Michel Tournier, dans Vendredi ou les Limbes du Pacifique, nous décrit un homme seul, Robinson Crusoé, rescapé d'un naufrage sur une île déserte. Livré à sa réflexion, il souffre de son absolue solitude, contre laquelle il lutte en faisant tout pour maintenir des institutions humaines. Cependant lorsqu’il fait la rencontre d’un « sauvage «, Robinson a du mal à sortir de son isolement. On peut alors se demander si la présence de l'autre, du prochain, avec son identité propre et ses différences, permet à l'homme d'échapper à la condition nuisible et désagréable d'un isolement physique ou moral.

« étant inter corporéité, le corps est bel et bien accessibilité.

Ainsi, Robinson contemplait son visage éteint d'hommeseul, le comparant à un visage animé par une conversation: "Il comprit que notre visage est cette partie de notrechair que modèle, réchauffe et anime sans cesse la présence de nos semblables".

Il en découle qu'autrui, par saprésence physique et son accessibilité, offre un repère à l'homme, il est pour lui l'opposé de la solitude.

Supposonsdonc la présence d'autrui tel un repère contre la solitude.

Autrui offre d'abord un repère social et, à l'inverse, lasolitude est déshumanisation.

Roquentin dans La nausée de Sartre, note qu’à force de refuser le contact desautres, il sent qu'il perd son éloquence, il semblerait que sa vivacité mentale ne se développe qu’au contactimmédiat des hommes.

La présence d'autrui est donc la marque de notre humanité.Si autrui par sa présence physique permet d’obtenir des repères sociaux et de lutter contre la déshumanisation, ilpermet dans un deuxième temps de se sentir existant aux yeux de celui qui nous regarde et d’échapper en partie àla solitude.Robinson par exemple, découvre dans la solitude que sa conscience du monde n’était pas spontanée, maisconstruite à travers tout un réseau de points de vue autres que le sien sur lui-même et ce qui l’entoure.

En sommeêtre pour autrui, et non seulement pour soi-même, ce n’est pas seulement paraître.

La présence des autres sembledépasser le simple problème désagréable de la solitude, se présentant comme la condition même de notre existence.En vérité un monde sans autrui est un monde inhumain, et même impossible, parce que nous sommesconstitutivement, comme le dit Heidegger des « êtres pour autrui » : nous ne pouvons exister que pour d’autresconsciences et par elles reconnus.« Le monde auquel je suis est toujours un monde que je partage avec d’autres » dit encore Heidegger.

C’estpourquoi la solitude n’est jamais un état premier.

Se dire solitaire, ce n’est pas se penser sans les autres, mais fairel’expérience douloureuse d’un raté dans la relation à autrui.

La solitude présuppose donc cette relation, puisqu’elleen est un dysfonctionnement.

Durkheim affirmait que l'homme ne pouvait progresser et vivre qu’en société, il souffrede ce fait de l'absence de ses semblables.

L’empathie, qui permet à deux amis de souffrir ensemble, même sous saforme moins consciente, la communication affective, est un lien qui se noue entre les membres d'une même société,tandis que la solitude entraîne déshumanisation et mort de l’âme.

Ainsi, notre instinct de survie nous pousse àaffirmer avec force que la présence d'autrui nous évite la solitude. Le seul fait de la présence physique d’autrui non loin de moi semble donc m’éviter la solitude.

Et pourtant cettedernière peut apparaître brusquement si la communication échoue ou si elle se révèle trop superficielle.

Il ne suffitpas de s’adresser à autrui pour ne pas se sentir seul : la présence réelle est affaire de réciprocité. Schopenhauer dénonce le comportement des hommes, « L’égoïsme, chez la bête comme chez l’homme, est enracinébien fortement dans le centre même de l’être, dans son essence : disons mieux, il est cet être même." L'homme estainsi décrit comme un être fondamentalement vain et égoïste.Dans cette optique, notre relation à autrui demeure le plus souvent instrumentale: Aristote, faisant de l'amitiévéritable le fait des vertueux seuls, distingue l'amitié fondée sur l'utilité et qu'il définit comme "la connaissance del'avantage qu'autrui peut apporter".Cette relation purement pratique à l'autre, et en opposition à une amitié authentique et désintéressée des êtres,prend forme dans l’idée de divertissement chez Pascal.

En effet selon lui le divertissement est le moyen qui nousdétourne de nous-même, qui nous empêche de regarder la réalité en face: « les hommes n’ayant pu guérir la mort,la misère, l’ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux de n’y point penser ».

Il illustre ses idées parl’exemple du roi qui « occupe le plus beau poste du monde » et qui peut se procurer toutes les satisfactions.

Ce roiest entouré de courtisans qui le divertissent et l’empêchent de penser à lui-même, car s’il se retrouve seul face àlui-même, il sera aussi malheureux qu’un autre homme.

Il reprend de cette manière l’idée de Montaigne, pour qui «pour celui qui souffre, faire diversion à sa douleur, c’est à dire éviter d’y penser, permet de moins souffrir ».Le jeu, le divertissement, la société, sont autant de choses insignifiantes qui, en nous occupant l'esprit, nouséloignent de la préoccupation essentielle que conçoit la solitude. La présence d'autrui superficielle, peut même se concrétiser lors d’une relation conflictuelle, comme le racisme outout autre phénomène d'intolérance.

Les situations sont nombreuses où se développe une opposition négative entreles individus. Même sans en venir à des conflits agressifs il n’est pas toujours aisé d’être dans une relation équilibrée etbienfaisante avec autrui.

Sartre souligne dans Huis Clos que autrui par sa présence peut m’être être hostile etmenaçant.

En effet à travers sa célèbre formule « l’enfer c’est les autres », il suggère que le regard d’autrui, lorsqu’ilme méprise ou me condamne sans pitié, peut m’enfermer comme en une prison dans une image déshumanisée demoi-même.

De plus, notre subjectivité engendre un problème de communication entre les consciences.

L'isolementdes consciences qui, faisant de l'altérité l'essence de l'autre, enferme les êtres dans leurs différences.

L'altérité setraduit par l'impossibilité d'une relation réelle entre les sujets, nous sommes proprement imperceptible au regard desautres, condamnés, malgré leur présence, à une solitude inévitablement inscrite au plus profond de nous.

Autrui mefige dans mes possibilités, et me considère comme un objet.

Pour lui, je ne suis que ce qu'il voit en cet instant,cette rencontre va donc être un conflit parce que ce n'est autre que la rencontre d'une autre liberté face à moi, quinie la mienne.

Si toute solitude est, à la conscience humaine, condamnable, quelque soit l’effort que nous fassionspour améliorer notre condition, celui-ci peut se retourner rapidement contre nous. Mais si, la présence d'autrui ne nous évite pas toujours la solitude, elle peut cependant aider chacun à la surmonterà condition que se forgent entre les hommes des relations authentiques. Il convient à présent de mettre en avant l’intérêt du dialogue, un échange qui se produit entre deux consciences. »

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