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Psychologie et métaphysique

Publié le 19/09/2015

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La psychologie appelle la métaphysique parce qu’elle se trouve liée aux premières intuitions de l’esprit. — Nous venons de voir comment l’esprit humain avide d’unité et mordu par la nostalgie de connaître les recoins les plus secrets de l’existence ne pouvait se contenter d’une connaissance expérimentale de problèmes qui dépassent la simple analyse. Il nous faut donc rechercher plus profondément comment il se fait que le psychologue rencontre, au milieu môme de ses analyses, ou tout au moins dans leur prolongement direct, une zone intor.chée et encore inexplorée, que son esprit aspire à rendre lumineuse.

 

Il est intéressant de prendre conscience du sens de l’évolution qui, depuis Aristote, et plus brusquement depuis un siècle environ, oriente l’élaboration des diverses métaphysiques. Loin d’avoir été totalement absente de la philosophie, la psychologie n’avait pas autrefois de rôle particulier à jouer comme fondement proprement dit de la métaphysique. Celle-ci avait plutôt tendance à devenir une pure construction de la raison. Or, depuis le développement de la méthode expérimentale et réflexive, et surtout depuis, la fondation de l’école phénoménologique, l’apport de la psychologie à la philosophie de l’être est chaque jour plus importante. Aujourd’hui, par exemple, Heidegger, Sartre, Gabriel Marcel préfèrent partir d’une description psychologique pour déterminer les structures ontologiques de leur philosophie concrète. Le paraître les conduit à l’être; la psychologie débouche sur la métaphysique.

 

Ce fait s’impose à nous. Il en faut chercher la raison profonde dans le fondement de la psychologie, qui la relie intimement aux premières intuitions qui intéressent précisément le philosophe. En ce sens, on pourrait dire qu’une psychologie pose avec plus ou moins d’acuité des problèmes métaphysiques, selon qu’elle effleure plus ou moins directement ces intuitions premières. Et nous pourrions dresser, à partir de ce principe général, une échelle établissant une hiérarchie de degrés dans les rapports de la psychologie et de la métaphysique. Nous partirions ainsi des lois positives d’une psycho-physiologie expérimentale pour atteindre le sommet, dans les découvertes ultimes de la psychologie rationnelle. En d’autres termes, on pourrait affirmer qu’une psychologie débouche sur une métaphysique dans la mesure où l’aboutissement de ses analyses et les conclusions de ses expériences révèlent l'existence d’un principe supra-psvchologique, qu’il soit un je existentiel, centre du choix déterminé, le monde des cosmologues, ou l’Etrè nécessaire et infini de la théodicée. De fait, si l’expérimentateur qui manipule un ergographe ou l’ingénieur qui contrôle par des tests la capacité de ses employés n’ont pas à quitter le domaine des purs faits psychiques, le psychologue, au contraire, en réfléchissant sur les données de ces expériences, rencontre inévitablement des problèmes qui,

« 280 ~IÉTAPHYSIQT:E de l'évolution scientifique montre bien cowment, à partir de la sages·se antique, prirent naissance successivement les multiples branches de notre connaissance.

Or, la psychologie, surtout depuis l'ouverture de son pre­ mier laboratoire (Leipzig, 18i8), est devenue la propriété du savant, tandis que son domaine propre se précisait.

La psychologie a droit désormais au titre de science positive.

Mais en même temp:;; qu'une connaissance se -spécialise, elle se limite.

C'est en effet un des a-spects du drame de notre raison créée de ne pouvoir embrasser le monde d'une vue simple et totale.

Ainsi en est-t-il aujourd'hui de la psychologie.

Faisant abstraction de 1 'exil'­ tence d'une âme spirituelle, elle se borne à la considération des phéno­ mènes, qui, .seuls, sont impuissants à rendre compte de tout le réel, et par conséquent, à satisfaire définitivement l'esprit.

En se proposant d'analyser les faits psychiques, le psychologue refuse, par conscience professionnelle, toute intrusion d'un principe étranger à sa science pour se limiter à ce qu 'HAMILTO:'i a fort bien appelé « une phénoménologie de l'e·sprit" (Lectures, I, 1i), que d'autres nomment une "psychologie sans âme"· De là ce qui fait à la fois sa force et son incomplétude.

Tout psycho­ logue reconnaitra, en effet, les limites de sa spécialisation et fera appel au métaphysicien pour avoir une vue unifiée de l'homme et du monde.

Et ce ·sera précisément le rôle délicat de celui qui sonde les structures du réel de parachever, dans un effort de synthèse jamais atteinte, l'œuue partielle de chaque science.

On peut donc dire en ce premier sens que la psychologie, science expérimentale limitée aux seuls faits psychiques, suppose et appelle des " problèmes métaphysiques "· B.

De plu·s, pour se limiter à.l'as;pect expérimentai de l'homme, la psycho­ logie laisse sans réponse, en un grand nombre des questions· qu'elle étudie, des problèmes fondamentaux dont tout homme aspire à connaître la ·solu­ ti. »

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