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Puis-je savoir ce que je suis ?

Publié le 15/11/2009

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Il paraît difficile par ce moyen d'avoir une connaissance objective de nous-mêmes : la connaissance que nous pouvons avoir de nous par l'introspection passe à travers le filtre de l'opinion que nous nous faisons de nous. Ainsi, nous pouvons être tentés d'exagérer, d'amoindrir ou de taire certains de nos défauts. Dans son roman de science-fiction La Révolution des Fourmis, Bernard Werber nous rappelle que " pour comprendre un système, il faut… s'en extraire. " Or, il est impossible de " sortir de soi " ! Je suis à la fois le sujet et l'objet. Le Je qui pense le moi en est une émanation. L'introspection ne peut, seule, mener à la connaissance de soi. De plus, elle est presque impuissante à juger nos actions sans prise de recul : le temps et l'expérience qu'il délivre permet parfois de porter un regard réellement critique sur le " soi " que l'on était auparavant - mais elle ne peut permettre d'éviter les ennuis ayant résulté d'une mauvaise action passée de notre part, elle permet tout au plus de prendre conscience de nos erreurs passées.
Il apparaît donc clair que l'introspection ne peut suffire au philosophe recherchant son identité réelle. Il lui est indispensable de prendre en compte les réactions de l'Autre devant les manifestations dans le monde extérieur de sa pensée, de ses sentiments. Si possible, il devra faire directement appel au jugement de l'Autre. Il lui sera ainsi permis de prendre conscience de ce qu'il se cachait, de ce à quoi il n'avait pas pensé. Il aura l'impression que la vérité lui " saute aux yeux ", et il aura fait un grand pas dans la connaissance qu'il a de sa propre intériorité. Cependant, ce deuxième moyen d'accéder à la connaissance de soi n'est pas parfait ; en effet, la vision que l'Autre nous donne de nous-mêmes, si elle a le mérite d'être différente de la nôtre, n'est pas purement objective : son jugement peut être déformé par l'amitié ou l'antipathie qu'il éprouve pour nous. En outre, sa critique est nécessairement incomplète, puisqu'elle ne peut s'appliquer que sur les traits de notre caractère que nous laissons transparaître, consciemment ou non, au-dehors. L'Autre ne peut voir que mon masque social, le " persona " des latins. De plus, l'Autre n'a pas forcément connaissance de notre expérience personnelle, qui influence considérablement notre psychisme. De sa place, il ne voit qu'une facette, qu'une manifestation de notre personnalité, certainement influencée par sa présence. Le regard de l'observateur modifie déjà l'objet d'observation : alors quand cet objet est un sujet capable de se modifier lui-même, cela nous entraîne dans un jeu de miroirs peu propice à l'observation. En effet, nous sommes des êtres changeants : notre manière d'être, notre rapport aux choses, nos convictions, peuvent varier infiniment d'un moment de notre vie à un autre. Là encore, notre expérience personnelle joue un grand rôle sur ce que nous sommes, en influençant l'évolution de nos pensées conscientes et inconscientes. Deux amis d'enfance se retrouvant après plusieurs années risquent de ne plus se reconnaître, voire de ne plus prendre plaisir en compagnie de l'autre, tandis que si leurs voies ne s'étaient pas séparées, leur amitié serait peut-être restée intacte.

« conscientes et inconscientes.

Deux amis d'enfance se retrouvant après plusieurs années risquent de ne plus sereconnaître, voire de ne plus prendre plaisir en compagnie de l'autre, tandis que si leurs voies ne s'étaient passéparées, leur amitié serait peut-être restée intacte.

La connaissance de soi ne peut donc être à la fois totale etdéfinitive : l'évolution de ce que nous sommes, conditionnée par l'évolution du monde autour de nous, est unprocessus continu, qui ne connaît de fin qu'avec la mort.

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" La crainte, le désir, l'espérance nous élancent versl'avenir, et nous dérobent le sentiment et la considération de ce qui est, pour nous amuser à ce qui sera, voirequand nous ne serons plus " Montaigne, (Essais 1.3) souligne ainsi la perpétuelle mutation, la marche en avant del'être.

Il montre aussi que notre faculté à nous projeter vers l'avenir constitue un obstacle à la connaissance denotre moi.
S'il est probable de retrouver chez un individu les mêmes traits de caractère à différentes étapesde sa vie, il est fort rare que ces caractéristiques mêmes qui font la spécificité de cette personne n'aient pas évoluétout au long de son existence.

"On ne peut pas descendre deux fois dans le même fleuve.

" (Héraclite.) Larecherche de notre " moi " s'apparente donc à la recherche philosophique de la sagesse, dans la mesure où cetterecherche est infinie.

Se connaître soi-même, ce serait se chercher à chaque instant, s'exercer sans cesse àl'autocritique.


Cet appel régulier à l'autocritique, on l'a vu, doit s'appuyer à la fois sur l'introspection etl'appel au regard de l'Autre, et rechercher la vérité dans la confrontation des subjectivités.

La recherche de lanature du " moi " nécessite un esprit critique envers soi-même, une grande capacité d'abstraction (puisqu'il fauts'efforcer d'oublier son amour-propre pour se considérer le moins subjectivement possible), une grande constance (ilne faut jamais se surprendre à croire que l'on se connaît " une fois pour toutes ") et un esprit à la fois analytique etsynthétique : pour arriver à la connaissance de soi, il faut en effet savoir confronter efficacement les subjectivités(la sienne et celle de l'Autre) pour en faire jaillir la vérité.>Cependant est-il possible d'accéder à une connaissance pleine et entière de soi ? Il est clair que les moyens quenous avons passés en revue permettent d'explorer notre intériorité, mais leur combinaison adroite peut-elle, seule,nous amener à la connaissance de l'ensemble de notre être ? 
Les découvertes de la psychanalyse, et lestravaux des différents philosophes que l'on peut qualifier de " précurseurs " de cette science, semblent prouver quenon.

En effet, notre conscience ne serait qu'une partie de notre " moi " total, autrement dit, l'Homme est plus que lasimple conscience qui semble a priori le diriger.

Rêves, actes manqués, lapsus, névroses et psychoses diversesattestent l'existence d'un " moi " plus profond que notre " moi " pensant et organisateur de pensée, d'un inconscientformé de pensées refoulées par un " organe de censure " de notre conscience mais qui, parfois, remontent à lasurface - et se traduisent par des " symptômes " parfois dangereux pour la personne.


Freud, le fondateurde la psychanalyse, affirme même dans sa Métapsychologie que " ce n'est qu'au prix d'une prétention intenable quel'on peut exiger que tout ce qui se produit dans le domaine psychique doive aussi être connu de la conscience.

"Autrement dit, la conscience ne représente qu'une infime partie de notre moi, et toute connaissance de ce que noussommes vraiment est définitivement hors de notre portée.
La conscience ne serait qu'une île minuscule,perdue au milieu d'un immense océan de pulsions refoulées.

Les habitants de l'île de Conscience seraient demalheureux sauvages, toujours le ventre vide, en même temps effrayés et attirés par l'étendue d'eau sans limitess'étalant autour de leur territoire.

L'île de Conscience est régulièrement submergée par les vagues de l'inconscient,causant des dégâts considérables.
Les Consciencieux aimeraient découvrir le vaste monde, mais lesmisérables arbres aux branches tordues poussant sur le sol rocailleux de leur îlot ne peuvent suffire à la constructiondu navire de fort tonnage qui pourrait servir à leur expédition.

De plus, certains d'entre eux sont terrifiés par la Merde l'Inconscience et par les créatures qui en habitent les profondeurs.
De plus, il existe sur l'île deConscience des terres en friches, inexplorées par ses habitants.

Dans ses Nouveaux essais sur l'entendementhumain, Leibniz montre qu' " il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sansréflexion, […] dont nous ne nous apercevons pas.

" Il existe en effet des " degrés " dans l'échelle de laconscience : conscience en sommeil, conscience éveillée, conscience active, conscience absolue.

Il faut bienadmettre que la plupart du temps, nous ne prenons pas la peine d'analyser tous les messages qui nous parviennent.En passant d'un degré de conscience à un autre, nous éprouvons, en un court instant, la sensation d'un homme qui,après des années passées dan un cachot obscur, recouvre sa liberté et contemple à nouveau la lumière du jour.Cependant nous passons la plus grande partie de notre vie dans la pénombre de notre conscience, nous ne prenonsen compte, des sensations qui nous parviennent du monde extérieur, que celles qui s'imposent directement à nousavec force ; or, pour accéder à la pleine conscience de nous-mêmes et du monde extérieur, il faudrait réinvestir leterrain de notre entendement, et ramener vers la conscience tout ce qui nous parvient, ainsi que tout ce que nousavons en apparence oublié mais qui agit encore sur notre psychisme.

C'est un véritable travail de tous les instants,peut-être le véritable sens du mythe de Sisyphe.
Autrement, nous serions condamnés à mener une vie defantômes, au milieu des ténèbres de l'absence de conscience.

" Nous sommes des automates les trois quarts denotre vie ", disait Leibniz.

En effet, nous sommes le plus souvent guidés par nos habitudes, nos réflexes, notreéducation et nos sentiments inconscients que par notre véritable conscience.>Faut-il cependant, devant les faits mis en évidence par la psychanalyse, abandonner toute recherche de soi ?Faut-il, au contraire, poursuivre l'entreprise commencée et aller toujours plus avant dans la recherche de laconnaissance de soi ? Avons-nous les moyens d'explorer notre inconscient ?
S'il est fort improbable que nouspuissions parvenir à une connaissance absolue de nous-mêmes - ce qui ferait de nous l'égal des " dieux " qu'évoquel'inscription du temple de Delphes -, nous pouvons tout de même accéder à une meilleure connaissance de nous-mêmes.


L'introspection nous permet de mettre de l'ordre dans nos sentiments, l'appel au regard de l'Autrenous donne une vision de nous-mêmes plus objective, la psychanalyse permet de faire remonter à la surface duconscient nos désirs secrets, le maintien en éveil de notre conscience agrandit notre entendement, et l'espritd'autocritique assure la constance de nos recherches, indispensable dans la mesure où nous sommes des êtres dechangement et où nous ne sommes plus les mêmes d'un moment de notre vie à un autre.
Dans son essaiL'Être et le Néant, le philosophe existentialiste français Jean-Paul Sartre évoque le problème psychanalytique durefoulement.

D'après Freud, nous avons en nous des pulsions inconscientes, que notre conscience refuse de laissers'exprimer.

Force est alors d'admettre que " la censure, pour appliquer son activité avec discernement, doit. »

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