Que peut-on savoir d'autrui ?
Publié le 31/01/2004
Extrait du document
«
2° La notion d' alter ego : je peux savoir d'autrui ce que j'ai en commun avec lui
Dans l' Essai sur l'origine des langues , Rousseau propose de mettre en avant ce que nous avons en commun entre individus appartenant à l'humanité.
Nousimaginons ce que les autres ressentent, parce que nous savons que nousleurs sommes semblables dans une certaine mesure.
On pourrait prendre cetteidée comme modèle de compréhension pour le savoir que nous pouvons avoird'autrui.
Nous avons une connaissance rationnelle de nous-mêmes, nouspouvons, dans une certaine mesure, faire une analyse des éléments qui nousconstituent, des choses que nous ressentons : peut-être peut-on faire lamême chose d'autrui, dans la mesure où nous avons des élémentsrationnellement saisissables en commun avec lui.
Nous pouvons savoir d'autruice qu'il nous donne à savoir en tant qu'il est un autre moi-même, un alter ego .
3° Ma relation avec autrui dépasse les simples notions de ressemblance et d'altérité : la relation à l'autre comme révélatrice del'existence des consciences individuelles
Sartre invite à dépasser l'appel auconcept de subjectivité pour penser la relation à autrui, et à envisager autrui dans une dimension d' « objectité » (ceterme désignant le statut d'objet, par opposition à celui de sujet).
Par là, ilmet en lumière le fait qu'autrui devient objet dans mon regard, et que je suisun objet du regard d'autrui.
Je ne peux donc pas le connaître en tant quesubjectivité à la fois semblable et différente de la mienne, il me faut lui donnerun statut d'objet qui contredit celui de sujet.
Cela se passe dans l'expériencedu regard que je pose sur autrui et qu'autrui pose sur moi : dans les deuxcas, une subjectivité fait d'une autre subjectivité son objet ; et, parce quecette relation est possible dans les deux sens, je reconnais finalement lasubjectivité de l'autre.
La seule chose que je peux alors savoir d'autrui, c'estqu'il existe comme conscience individuelle, aussi engagée que moi dans lemonde, aussi libre que moi.
Sartre, dans L'Être et le Néant (3e partie, ch.
I, I), pose que la présenced'autrui est essentielle à la prise de conscience de soi.
Il en fait ladémonstration par l'analyse de la honte.
J'ai honte de moi tel que j'apparais àautrui, par exemple si je suis surpris à faire un geste maladroit ou vulgaire.
Lahonte dans sa structure première est honte devant quelqu'un.
Elle estimmédiate, non réflexive.
La honte est un frisson immédiat qui me parcourt dela tête aux pieds sans préparation discursive.
L'apparition d'autrui déclenche aussitôt en moi un jugement sur moi-même comme objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui.
La honte est, par nature, reconnaissance.
Jereconnais que je suis comme autrui me voit.
La honte est honte de soi devant autrui; ces deux structures sontinséparables.
Ainsi j'ai besoin d'autrui pour saisir à plein toutes les structures de mon être.
Autrui, c'est l'autre,c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi et que je ne suis pas.
La présence d'autrui explicite le «Je suis je» et lemédiateur, c'est-à-dire l'intermédiaire actif, l'autre conscience qui s'oppose à ma conscience, c'est l'autre.
Le faitpremier est la pluralité des consciences, qui se réalise sous la forme d'une double et réciproque relation d'exclusion :je ne suis pas autrui et autrui n'est pas moi.
C'est par le fait même d'être moi que j'exclus l'autre comme l'autre estce qui m'exclut en étant soi.Avec la honte nous sommes en présence d'un de ces exemples-types, qui, comme nous l'avons dit', font preuve.
Lamême analyse pourrait être faite, comme Sartre lui-même le suggère, sur la fierté ou l'orgueil, et ce serait un bonexercice pour le lecteur de la tenter.
Sur cette médiation entre moi et moi par l'autre, Sartre se reconnaît tributairede Hegel, qui a montré, dans la Phénoménologie de l'Esprit, que la lutte pour la reconnaissance doit avoir pouraboutissement cette certitude : je suis un être pour soi qui n'est pour soi que par un autre.
L'intérêt de la formulede Sartre, c'est qu'elle pose le problème d'autrui en deçà, en quelque sorte, de la question de la connaissance desoi et qu'elle en apparaît comme le fondement.
De même, très tôt, Aristote affirmait qu'apprendre à se connaître était chose très difficile et que "par conséquent, àla façon dont nous regardons dans un miroir quand nous voulons voir notre visage, quand nous voulons apprendre ànous connaître, c'est en tournant nos regards vers notre ami que nous pourrions nous découvrir."
Dans une même lignée, Sartre affirme que je me vois tel qu'autrui me voit et autrui est constitutif de la consciencede soi spontanée que chacun a : ce qu'on est pour soi, c'est d'abord ce qu'on est pour autrui.
Ainsi, le regard d'autrui sur moi, m'est indispensable pour prendre conscience de moi-même..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- j'aime presque autant douter que savoir
- La science ne vise-t-elle que la satisfaction de notre désir de savoir ?
- EMC ORAL : La transparence et le droit de savoir
- SUJET N° 7 : Le questionnement perpétuel peut-il être source de savoir ?
- Est-il donc impossible de savoir qui nous sommes ?