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Que peut-on savoir d'autrui ?

Publié le 31/01/2004

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Le sujet propose donc un certain rapport à autrui, celui du savoir, et demande que l'on s'interroge sur l'extension de ce rapport. Il faudra envisager autrui dans le rapport de différence et de ressemblance qu'il entretient avec moi : peut-être ne puis-je savoir d'autrui que ce que je sais de moi-même en tant qu'appartenant à l'humanité ; il y aurait ainsi une sorte de fonds de contenus psychiques humains duquel nous participerions tous et que nous serions donc capables de repérer et de connaître chez d'autres que nous. Peut-être ne puis-je absolument pas appréhender autrui par la raison, peut-être la perception que j'ai d'autrui ne passe-t-elle que par l'intuition ou par la croyance. Peut-être puis-je avoir le sentiment de savoir des choses sur autrui parce qu'il me dit des choses ou se décrit lui-même, mais cette connaissance est-elle fiable ? Suis-je assuré de ne pas mal interpréter ce qu'autrui me donne à connaître de lui, par exemple parce que cette connaissance passe par le filtre de ma propre identité ? Ces questions ont pour particularité d'hésiter entre une promotion du même et une promotion de l'autre : c'est cette hésitation qui pourra servir d'appui à la structure du devoir. Eléments pour le développement 1° Autrui comme étranger irréductible On peut commencer par considérer autrui comme étant la foule des autres êtres que moi ; ainsi, Kierkegaard invite à considérer que la foule, c'est le « mensonge » : dans cette masse d'êtres différents de moi, je ne peux rien trouver à connaître ; cette masse est une abstraction que je me fais de l'autre en général comme étant tout ce qui n'est pas moi, mon « moi » reste l'unique référence, je ne peux rien connaître d'autrui si je ne refuse pas cette abstraction et si je ne me confronte pas à autrui dans son individualité. La première chose que je peux donc, et que je dois savoir d'autrui si je veux connaître quelque chose de lui, c'est qu'il est un individu au même titre que moi : l'appréhension d'autrui n'est pas possible sans une reconnaissance de sa ressemblance avec moi, au moins du point de vue de son statut d'individu.   2° La notion d'alter ego : je peux savoir d'autrui ce que j'ai en commun avec lui   Dans l'Essai sur l'origine des langues, Rousseau propose de mettre en avant ce que nous avons en commun entre individus appartenant à l'humanité. Nous imaginons ce que les autres ressentent, parce que nous savons que nous leurs sommes semblables dans une certaine mesure.

La question « peut-on « interroge deux types de capacités : une capacité de fait – au sens d’une capacité physique par exemple : je ne peux pas voler dans les airs sans aide extérieure – et une capacité de droit – je ne peux pas faire telle ou telle chose car une instance me l’interdit, que cette instance soit un gouvernement, une tierce personne ou encore moi-même. « Savoir «, c’est connaître, se rapporter à un contenu de connaissance par la raison – la raison entre en effet obligatoirement dans la constitution de l’acte ou de l’état de savoir, si bien que l’on peut opposer « savoir « à « croire « en usant de ce critère de présence ou d’absence de la raison. On entend par autrui : « tout autre être humain que moi «, soit un être qui me ressemble par son appartenance à l’humanité mais qui diffère de moi par son identité singulière.

Le problème ici posé est celui de la possibilité de la connaissance de cet autre être humain, envisagé d’ailleurs dans une perspective d’emblée partielle et limitée : on ne demande pas en effet si l’on peut connaître autrui, mais on s’interroge sur les choses que l’on peut savoir à son sujet, comme si ces choses formaient une somme forcément limitée. Il ne s’agit pas ici de faire une liste de ces choses, mais davantage de trouver des critères rendant possible une connaissance rationnelle des éléments constitutifs d’autrui, et de définir quels sont ces éléments. Cela suppose d’ailleurs qu’une partie d’autrui reste peut-être insaisissable, et il faudra interroger cette insaisissabilité.

« 2° La notion d' alter ego : je peux savoir d'autrui ce que j'ai en commun avec lui Dans l' Essai sur l'origine des langues , Rousseau propose de mettre en avant ce que nous avons en commun entre individus appartenant à l'humanité.

Nousimaginons ce que les autres ressentent, parce que nous savons que nousleurs sommes semblables dans une certaine mesure.

On pourrait prendre cetteidée comme modèle de compréhension pour le savoir que nous pouvons avoird'autrui.

Nous avons une connaissance rationnelle de nous-mêmes, nouspouvons, dans une certaine mesure, faire une analyse des éléments qui nousconstituent, des choses que nous ressentons : peut-être peut-on faire lamême chose d'autrui, dans la mesure où nous avons des élémentsrationnellement saisissables en commun avec lui.

Nous pouvons savoir d'autruice qu'il nous donne à savoir en tant qu'il est un autre moi-même, un alter ego . 3° Ma relation avec autrui dépasse les simples notions de ressemblance et d'altérité : la relation à l'autre comme révélatrice del'existence des consciences individuelles Sartre invite à dépasser l'appel auconcept de subjectivité pour penser la relation à autrui, et à envisager autrui dans une dimension d' « objectité » (ceterme désignant le statut d'objet, par opposition à celui de sujet).

Par là, ilmet en lumière le fait qu'autrui devient objet dans mon regard, et que je suisun objet du regard d'autrui.

Je ne peux donc pas le connaître en tant quesubjectivité à la fois semblable et différente de la mienne, il me faut lui donnerun statut d'objet qui contredit celui de sujet.

Cela se passe dans l'expériencedu regard que je pose sur autrui et qu'autrui pose sur moi : dans les deuxcas, une subjectivité fait d'une autre subjectivité son objet ; et, parce quecette relation est possible dans les deux sens, je reconnais finalement lasubjectivité de l'autre.

La seule chose que je peux alors savoir d'autrui, c'estqu'il existe comme conscience individuelle, aussi engagée que moi dans lemonde, aussi libre que moi. Sartre, dans L'Être et le Néant (3e partie, ch.

I, I), pose que la présenced'autrui est essentielle à la prise de conscience de soi.

Il en fait ladémonstration par l'analyse de la honte.

J'ai honte de moi tel que j'apparais àautrui, par exemple si je suis surpris à faire un geste maladroit ou vulgaire.

Lahonte dans sa structure première est honte devant quelqu'un.

Elle estimmédiate, non réflexive.

La honte est un frisson immédiat qui me parcourt dela tête aux pieds sans préparation discursive.

L'apparition d'autrui déclenche aussitôt en moi un jugement sur moi-même comme objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui.

La honte est, par nature, reconnaissance.

Jereconnais que je suis comme autrui me voit.

La honte est honte de soi devant autrui; ces deux structures sontinséparables.

Ainsi j'ai besoin d'autrui pour saisir à plein toutes les structures de mon être.

Autrui, c'est l'autre,c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi et que je ne suis pas.

La présence d'autrui explicite le «Je suis je» et lemédiateur, c'est-à-dire l'intermédiaire actif, l'autre conscience qui s'oppose à ma conscience, c'est l'autre.

Le faitpremier est la pluralité des consciences, qui se réalise sous la forme d'une double et réciproque relation d'exclusion :je ne suis pas autrui et autrui n'est pas moi.

C'est par le fait même d'être moi que j'exclus l'autre comme l'autre estce qui m'exclut en étant soi.Avec la honte nous sommes en présence d'un de ces exemples-types, qui, comme nous l'avons dit', font preuve.

Lamême analyse pourrait être faite, comme Sartre lui-même le suggère, sur la fierté ou l'orgueil, et ce serait un bonexercice pour le lecteur de la tenter.

Sur cette médiation entre moi et moi par l'autre, Sartre se reconnaît tributairede Hegel, qui a montré, dans la Phénoménologie de l'Esprit, que la lutte pour la reconnaissance doit avoir pouraboutissement cette certitude : je suis un être pour soi qui n'est pour soi que par un autre.

L'intérêt de la formulede Sartre, c'est qu'elle pose le problème d'autrui en deçà, en quelque sorte, de la question de la connaissance desoi et qu'elle en apparaît comme le fondement. De même, très tôt, Aristote affirmait qu'apprendre à se connaître était chose très difficile et que "par conséquent, àla façon dont nous regardons dans un miroir quand nous voulons voir notre visage, quand nous voulons apprendre ànous connaître, c'est en tournant nos regards vers notre ami que nous pourrions nous découvrir." Dans une même lignée, Sartre affirme que je me vois tel qu'autrui me voit et autrui est constitutif de la consciencede soi spontanée que chacun a : ce qu'on est pour soi, c'est d'abord ce qu'on est pour autrui. Ainsi, le regard d'autrui sur moi, m'est indispensable pour prendre conscience de moi-même.. »

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