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Que signifie « la force des faibles » ?

Publié le 01/04/2004

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L'énoncé du sujet met en question une expression courante mais paradoxale. Son paradoxe n'est pas apparent, il est réel : l'organisation sociale est telle que dans bien des cas, elle confère aux faibles une force véritable qui n'est pas d'ordre physique mais d'ordre légal, moral ou politique. Cette organisation paradoxale des rapports entre faiblesse et force donne à penser, car elle est au cœur d'une problématique qui allant de Platon à Nietzsche, en passant par Rousseau, Hegel et Marx, témoigne de l'importance et de la difficulté de la question. Ce corrigé se propose de suivre le fil de cette problématique, non pas en faisant l'inventaire historique des thèses auxquelles elle a donné lieu, mais en analysant la signification de l'expression en question. On sera donc attentif, en le lisant, au fait que leur énumération n'est pas au principe de l'organisation du devoir et que les références aux auteurs sont appelées par l'analyse.

I. RELATIVITÉ DES NOTIONS DE FORCE ET DE FAIBLESSE II. LA REVANCHE DES FAIBLES III. CONDAMNATION DE LA FORCE AU NOM DU DROIT

« conséquence pour Hobbes, si le pouvoir souverain veut attenter à ma vie (ou me blesser, m'emprisonner et autresactions qui peuvent entraîner la mort), je me trouve en état de légitime défense et j'ai le droit de résister.

Certainesnuances sont apportées à ce droit de résistance ; ainsi, s'il y a promesse de pardon, je dois m'incliner.

De plus, sesmodalités de mise en oeuvre pourraient être mieux précisées.

Mais l'essentiel est qu'il demeure un droit de résistancese rattachant à l'idée que l'organisation sociale a pour but de protéger le corps de l'homme et qu'elle perd son senssi, portant atteinte à ce corps, elle recrée la situation de l'état de nature qu'elle avait pour mission de supprimer.L'individu concerné pourra alors protéger sa vie de la même manière qu'il l'aurait fait à l'état de nature.Nous ne sommes pas dans un système totalitaire qui exige l'anéantissement de l'individu au profit de la collectivité.L'organisation sociale a pour but de protéger l'individu.

Le pouvoir qui fait régner l'ordre est quasi absolu à seule find'éviter la guerre civile qui n'est, en fait, qu'un retour à l'état de nature.

Mais quasi absolu seulement, car cepouvoir souverain est limité par un principe de cohérence qui veut qu'il ne fasse pas ce qu'il a pour fonctiond'empêcher.On voit donc apparaître ici, conjointement au souhait d'un pouvoir concentré et fort, l'idée de droits inaliénables del'être humain, la nécessité d'un respect de l'individu dans son corps, éléments qui peuvent être perçus comme lesprémisses des droits de l'homme.Le meilleur résumé de la façon dont s'établit le contrat est à chercher dans « Léviathan », l'oeuvre majeure duphilosophe.

Au chapitre 17, celui-ci écrit : « La seule façon d'ériger un tel pouvoir commun, apte à défendre lesgens de l'attaque des étrangers, et des torts qu'ils pourraient se faire les uns aux autres, et ainsi à les protéger detelle sorte que par leur industrie et par les productions de la terre, ils puissent se nourrir et vivre satisfaits, c'est deconfier tout leur pouvoir et toute leur force à un seul homme, ou à une assemblée, qui puisse réduire toutes leursvolontés, par la règle de la majorité, en une seule volonté.

»Cela revient à dire : désigner un homme, ou une assemblée, pour assumer leur personnalité ; et que chacun s'avoueet se reconnaisse comme l'auteur de tout ce qu'aura fait ou fait faire, quant aux choses qui concernent la paix et lasécurité commune, celui qui a ainsi assumé leur personnalité, que chacun, par conséquent, soumette sa vol et sonjugement à la volonté et au jugement de cet homme ou de cette assemblée.Cela va plus loin que le consensus ou concorde : il s'agit d'une unité réelle de tous en une seule et même personne,unité réalisée par une convention de chacun avec chacun passée de telle sorte que c'est comme si chacun disait àchacun : « J'autorise cet homme ou cette assemblée, et je lui abandonne le droit de me gouverner moi-même, àcette condition que tu lui abandonnes ton droit et que tu autorises toutes se actions de la même manière.

»Cela fait la multitude ainsi unie en une seule personne est appelée une REPUBLIQUE, en latin CIVITAS.

Telle est lagénération de ce grand LEVIATHAN, ou plutôt, pour en parler avec plus de révérence, de ce « dieu mortel, auquelnous devons, sous le Dieu immortel, notre paix et notre protection.

»Pour Hobbes, le propre de cette souveraineté est qu'elle est indivisible.

Sur ce point, il s'oppose aux tendances,défendues à son époque, qui aboutiront à cette distribution des pouvoirs mise en oeuvre dans la constitutionanglaise et dont Montesquieu s'inspirera.Hobbes refuse que le parlement détienne une partie de la souveraineté.

Ce parlement est seulement auprès du roipour un rôle de conseil.

Lui allouer ne serait-ce qu'une parcelle de pouvoir reviendrait à introduire le germe de laguerre civile dans l'Etat.Il importe avant tout que la souveraineté ne soit pas divisée, car les troubles commencent quand le citoyen « voitdouble ».

Le guerre civile naît lorsque les gouvernés ne savent pas à qui obéir.Les préférences de Hobbes vont à la monarchie absolue (la souveraineté dans la main d'un seul), mais elles vont,d'une manière plus générale, à un pouvoir concentré et fort.

A choisir entre une monarchie parlementaire, où lasouveraineté est partagée entre le parlement et le roi, et une démocratie dans laquelle la souveraineté seraiteffectivement et uniquement détenue par l'ensemble du peuple, il opterait pour ce dernier système.Le contrat social, qui, avant lui, était présenté comme une convention entre gouvernant et gouvernés pour mettreen cause une monarchie défaillante ou le principe même de la monarchie absolue, devient un contrat entregouvernés qui sert à conforter la monarchie absolue et tout spécialement la monarchie anglaise menacée par leparlementarisme.Ce contrat implique une égalité de droit.

Il existait, dans l'état de nature, une égalité devant la mort parce que leplus fort pouvait toujours être tué par le plus faible.

Il subsiste dans l'organisation sociale une égalité des sujetsdevant la souveraineté.

Les privilèges ne sauraient être acceptés en dehors du privilèges de commander abandonnéau pouvoir souverain.

Tous les hommes sont sur le même plan devant l'autorité suprême : « La sûreté du peuplerequiert en outre que la justice soit également rendue à tout homme, quel que soit son rang.

» Le contrat dechacun ne pouvait pas, en effet, introduire une inégalité qui n'existait pas au moment de la signature du contrat.Nous sommes en présence d'un pouvoir fort, mais devant lequel les individus sont égaux et js réduits à l'état desimples objets.

Ils sont sujets en tant qu'ils doivent obéissance au pouvoir, mais aussi sujets de Droit, ce quiimplique un certain respect.

Cela explique que l'on ait pu voir en Hobbes aussi bien le défenseur de la monarchieabsolue que le précurseur des démocraties modernes. Tous les grands noms de la pensée politique (Locke, Rousseau, Kant, Hegel) s'inspireront de Hobbes.

Le point dedépart pourra être différent.

Ainsi Rousseau estime qu'en évoquant une situation de guerre perpétuelle où l'hommeest un loup pour l'homme, Hobbes ne décrit pas l'état de nature, mais les rapports entre les hommes tels qu'ilsexistent dans la vie en société.

Pour lui, Hobbes a le tort de présenter comme une situation initiale ce qui n'estqu'un aboutissement.

De même, si le contrat, pour lui aussi, comporte l'accord de chacun avec chacun.

Rousseauretient des thèses combattues par Hobbes l'idée d'une convention gouvernants-gouvernés, convention de ce faitrévocable.

Enfin les partisans du contrat social vont défendre un système aux antipodes de la monarchie absolue.Mais il demeure cette idée que, par le contrat, l'homme devient sujet de droit.

Les institutions politiques ne viennentni du ciel ni même de la nature.

Elles sont une création artificielle.

Il n'y a pas continuité mais rupture entre les. »

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