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Que vaut la preuve contre le préjugé ?

Publié le 16/07/2009

Extrait du document

  "La raison du plus fort est toujours la meilleur" (La Fontaine, Le Loup et l'Agneau). Cette fable de Jean de La Fontaine^pourrait servir d'allégorie pour le combat de la preuve contre le préjugé: l'agneau a beau apporter les preuves les plus irréfutables, le loup, avant même d'examiner ses preuves, a décidé que l'agneau était coupable de troubler son breuvage, et le pseudo jugement est sans appel: il doit mourir."Le Loup l'emporte et puis le mange, sans autre forme de procès": notons l'allusion juridique qui montre ici le manque d'efficacité de la preuve lorsque le préjugé emporte la conviction des jurés. Un préjugé est en effet un jugement précipité, une affirmation posée avant d'avoir procédé à un examen critique. Or l'exemple de la fable nous montre qu'il ne suffit pas de lui opposer un argument rationnel("je n'était pas né") ou une preuve de fait ("je n'en ai point") pour l'éliminer. La force démonstrative de la preuve semble parfois impuissante face au préjugé, alors même qu'elle semblerait la plus apte à le combattre, elle qui se définit comme un jugement réfléchi appuyé sur un raisonnement cohérent ou sur une vérification expérimentale. La preuve ne semble donc pas avoir toujours une efficacité réelle contre le préjugé. Que vaut la preuve contre le préjugé? La preuve, apportée par les scientifiques, que la notion de race humaine est un non sens, parvient-elle à détruire le préjugé savamment entretenu par les démagogues selon lequel certaines races seraient supérieures à d'autres? Le sujet n'invite donc pas à une comparaison qui aplanirait les difficultés, mais bien plutôt à se demander si la preuve a réellement les moyens de lutter contre le force du préjugé, et quelle forme elle doit prendre dans ce combat.  Il semble en effet à première vu que la preuve, argument rationnel et construit, soit le moyen le plus efficace pour lutter contre le préjugé. Mais cela serait sans compter sur la force propre du préjugé, qui empêche la preuve d'imposer la vérité. Comment donc faire valoir la preuve contre le préjugé? 

« de nos préjugés, de cette force non rationnelle qui résiste à toutes les preuves que l'on peut lui apporter? Il faut maintenant chercher d'ou vient la force du préjugé, et pourquoi cette force empêche l preuve d'imposer lavérité.

Si le préjugé peut avoir plus de poids que la preuve, c'est sans doute d'abord parce que la preuve elle-mêmeprésente des faiblesses.

Elle n'est pas toujours absolue ou incontestable.

On peut prendre pour exemples lesexpertises et contre expertises, les erreurs judiciaires...etc.

En outre, la preuve ne prend souvent sens et force qu'àl'intérieur d'un ensemble qui repose sur des postulats, lesquels, quoique choisis soigneusement et après un longtravail, demeurent par définition non prouvés.

En conséquence, un fait isolé de son contexte est rarement unepreuve irréfutable.

C'est ainsi que beaucoup de faits sont plus lus comme des preuves uniquement parce que l'onvoulait absolument en trouver.

Par exemple, le mari jaloux ne peinera pas à trouver des « preuves » de l'infidélité desa femme; l'homme raciste croira démontrer que telle « race » est inférieure parce que ses résultats dans tellediscipline sont moins bons, etc.

Le préjugé profite donc des failles de la preuve.

Mais comment expliquer sasurvivance malgré cette facilité qui la discrédite ? Le préjugé se présente comme une force passionnelle, affective, traditionnelle, parfois même inconsciente, danslaquelle l'individu se trouve confortablement installé, et qu'il redoute de quitter.

Le préjugé est un jugement poséavant toute réflexion.

C'est le contenu d'une croyance qui n'a pas été examinée pour elle-même, alors même qu'ellese situe dans un domaine ou il est possible à l'homme de juger.

Il est donc souvent le fruit d'un conditionnementculturel.

L' enfance représente le moment ou nos facultés n'ont pas encore atteint leur plein développement, elle estdonc le moment ou nous acceptons les préjugés de notre entourage (famille, groupes social, culture).

L'enfant nejuge pas en pleine conscience et avec toute lucidité de sa raison : ses jugements sont encore pétris de désirs etd'imagination.

L'argument qui vaut sera pour lui « l'argument d'autorité », c'est-à-dire l'argument de celui qui jouira àses yeux de la plus grand autorité en la matière.

Le préjugé alors une croyance reçue et sédimentée par l'habitude,sans aucune exigence théorique préalable.

La force du préjugé peut alors s'expliquer par le long moment de passivitéet de dépendance auquel le sujet est soumis lors de son enfance, et avec lequel il n'a pas su rompre.

SelonDescartes, seule une décision volontaire peut introduire une discontinuité avec cet état de passivité.

Mais la force du préjugé ne tient pas uniquement à son caractère passionnel, affectif ou traditionnel.

S'il ne puisaitsa force que du sentiment qui le soutient, il ne serait peut-être pas si difficile à éradiquer.

Certes, au fond del'attitude raciste, il peut y avoir une angoisse, un peur de l'autre ou de la haine envers ce qui est différent.Toutefois, si le raciste s'en tient à tels sentiments, il n'est pas encore dans l'ordre du préjugé, mais dans l'ordred'une simple réaction affective qui n'est pas encore mise en forme dans un discours.

Tout homme est capable defaire la différence entre une parole qui exprime des états d'âmes personnels et une prise de parole construite, parexemple politique, présentant un discours réfléchi sur fond de racisme.

Le préjugé, s'il est ancré dans la structurepassionnelle et affective de l'individu, n'en tire pas pour autant sa force, c'est-à-dire son efficacité pour s'imposercomme un jugement valable contre la preuve.

Il doit prendre la forme d'un discours construit et argumenté,autrement dit il doit se revêtir de l'apparence de la preuve.

Il appartient bien à une logique d'argumentation, carargumenter n'est pas nécessairement prouver : on peut argumenter sur du faux.

Les sophistes avaient bien comprisqu'un donnant à leur discours l'apparence d'un raisonnement rigoureusement logique, ils réussiraient à emporterl'adhésion du public.

Dans le Gorgias de Platon, il est ainsi montré qu'un rhéteur doué pourrait, devant uneassemblée, se faire passer pour un meilleur médecin qu'un véritable homme de l'art, simplement par la force depersuasion de son discours.

En usant par exemple de syllogismes formellement justes mais matériellement faux, il estpossible de donner à un préjugé l'apparence d'une preuve logique.

Prenons un exemple : { Seuls les pays développésont civilisées; Or les tribus africaines ne sont pas des pays développés; Donc les tribus africaines ne sont pascivilisées.} La conclusion du raisonnement est fausse, bien que la structure du raisonnement soit valide.

Il ne fautdonc pas être dupe de l'apparence logique du préjugé.

Cette apparence est une ruse pour emporter l'adhésion desfoules, elle ne saurait en aucune cas être une preuve de la vérité du préjugé? Certes le préjugé tire sa force de son caractère passionnel, affectif, traditionnel, voire inconscient.

Mais sa plusgrande force tient à sa faculté de se donner l'apparence de la rationalité : lorsqu'il se fait passer pour une preuve ets'insère dans un schéma démonstratif, il est extrêmement difficile à combattre.

Autrement dit, c'est lorsqu'il prend laforme de la preuve, qu'il est le plus dangereux et le plus illusoire.

Est-ce là le signe d'un échec de la raison ? Faut-ildès lors renoncer à lutter contre les préjugés, et abandonner les hommes à leur ignorance ? N'a-t-on pas le devoirde se confronter aux préjugés ? Peut-on donner à la preuve la force du préjugé, sans pour autant la dénaturer ? On l'avait suggéré avec Descartes(« nous avons tous été enfants avant que d'être hommes »),rompre avec sespréjugés, puis de se conduire lui-même sur le chemin de la vérité.

Il faut prendre conscience que le commencementdu savoir ne coïncide pas avec le fondement du savoir.

La solution préconisée par Descartes est le doute volontaire,méthodique, hyperbolique, et provisoire.

La lutte contre le préjugé commence au niveau de l'individu lui-même, quiaccepte de se soumettre à un examen critique et désire ardemment être capable de rendre compte précisément detout ce qu'il sait, sans se contenter de répéter passivement ce qu'il a appris par ailleurs sans l'avoir vérifié.

Pourlutter contre le préjugé, la preuve doit donc être le fruit d'une décision interne à l'homme lui-même, elle ne peut pasêtre imposée de force de l'extérieur.

Mais comment l'individu peut-il prendre conscience de ses propres préjugés? La véritable connaissance passe pas une prise de conscience de son ignorance c'est le sens du message deSocrate « je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien ».

Il faut apprendre à distinguer une apparence desavoir, une apparence de preuve, c'est-à-dire un préjugé, et un savoir véritable, fondé et rationnel.

Or cela n'estpas possible à celui qui reste enfermé confortablement dans ses certitudes acquises et non interrogées : proprespréjugés exige donc la médiation d'autrui : c'est pour cela que Platon insiste sur la valeur du esclave (Ménon).Socrate interroge Ménon sur un problème de géométrie : étant donné un carré de deux pieds de coté, commentobtient-on un carré de surface double? L4esclave donne immédiatement une réponse spontanée : il suffit de doublerle coté du carré.

Socrate reproduit alors la figure suggérée par Ménon, il lui montre que la surface est quadruple.

Enle questionnant, Socrate parvient à lui faire prendre conscience de l'insuffisance de ses premières réponses, et le. »

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