Que veut dire "vivre selon la nature" ?
Publié le 27/02/2005
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«
nom grec d'Enchiridion, le plus souvent traduit par Manuel, au sens de l'objet qu'on porte sur soi.
C'est auparagraphe VIII que l'on trouve ce texte :« Ne cherche pas à faire que ce qui arrive, arrive comme tu le désires ; veuille, au contraire, ce qui arrive comme ilarrive.
Alors tu jouiras de la paix intérieure.
»Ce qui est posé ici, c'est le rapport que l'homme est capable de tenir entre les choses telles qu'elles adviennent etson propre désir.
C'est déjà un thème que l'on trouve chez Platon, dans un passage des Lois où, dans le dialogueavec l'Athénien, cherchant ce qui est convenable pour la Cité, un certain Mégillos déclare :« Il ne faut pas demander instamment que tout obéisse à notre désir, sans que notre désir obéisse davantage ànotre raison ; ce qu'une cité et chacun de nous doivent hâter de leurs voeux, c'est d'être raisonnable » (Livre III,687 e).C'est aussi cette référence à la raison que l'on trouve, presque mot pour mot, dans un autre texte d'Épictète oùs'opposent les points de vue de l'insensé et du sage.
Le fou déclare :« L'homme libre est celui à qui tout arrive comme il le désire.
Comme lui, je veux aussi que tout m'arrive comme il meplaît.
»Ce à quoi le philosophe répond :«Eh ! mon ami, la folie et lu liberté ne se trouvent jamais ensemble.
[...] La liberté consiste à vouloir que les chosesarrivent, non comme il te plaît, mais comme elles arrivent» (Entretiens, Livre I, Chap.
12).Mais si des textes, ici ou là, dans la philosophie grecque et plus encore chez les stoïciens, se ressemblent sur cepoint, c'est parce qu'ils répondent à un principe unique.
Ce principe, on le trouve en tête du Manuel (et égalementdans le chapitre I des Entretiens), dans la distinction fameuse des choses qui dépendent de nous et des choses quine dépendent pas de nous.
Pour le philosophe, les choses qui dépendent de nous sont nos opinions, nos désirs, nosaversions, « en un mot, tout ce que nous faisons ».
Les choses qui ne dépendent pas de nous sont le corps, lesrichesses, la réputation, les honneurs, « en un mot toutes les choses qui ne sont pas du nombre de nos actions ».Une telle alternative sert de crible parfaitement efficace pour éprouver la valeur de ce qui advient.
Les choses quiarrivent de l'extérieur dépendent-elles de nous ? Certainement pas.
Dès lors, nous devons les considérer commehors de notre pouvoir.
Car les choses qui ne dépendent pas de nous échappent à notre volonté libre.
L'homme quis'attacherait à ces choses deviendrait faible, esclave, dépendant, insensé.
Plus encore, il nous faut admettre queles choses extérieures, puisqu'elles ne dépendent pas de nous, ne sont rien.
Ce que nous croyons apprécier, ce nesont pas les choses, mais seulement l'opinion que nous en avons.
Et c'est là l'origine de nos troubles, de nossouffrances, de nos malheurs.
Épictète l'affirme :« Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinions qu'ils en ont [...] Lors donc que noussommes traversés, troublés ou tristes, n'en accusons pas d'autres que nous-mêmes, c'est-à-dire nos opinions»(Manuel, V ).Mors, mis en garde contre le trouble (taraxé), nouspourrons, comme le sage, écarter de nous les opinions vides et atteindre la véritable sagesse.
En effet, chez lesstoïciens, la vie du sage parvenu au sommet de la perfection consiste à jouir d'une constante et complète ataraxie(a — taraxé, c'est-à-dire absence de trouble).
Mais parvenir à de tels sommets, ce n'est pas, comme on le croitparfois hâtivement, se retirer du monde, ou plus simplement manifester une vague indifférence sceptique.
Certes,celui qui progresse vers la sagesse donne parfois l'image d'un homme à l'écart du monde :«Il ne blâme personne, il ne loue personne, il ne se plaint de personne, il n'accuse personne, il ne parle pas de luicomme s'il était quelque chose, ou qu'il sût quelque chose ; quand il trouve quelque obstacle ou quelqueempêchement à ce qu'il veut, il ne s'en prend qu'à lui-même» (Manuel, XLVIII).Mais l'homme en marche vers la sagesse doit, plus profondément, et plus difficilement sans doute, être « en accordavec lui-même », ce qui en réalité est la même chose qu'être en conformité avec la nature, puisque l'homme, commetout être vivant, fait partie de la nature.
Cette conformité va de soi pour l'animal.
Mais pour l'homme, lorsqu'il quittel'enfance, elle ne se fait plus spontanément.
Lorsqu'elle se produit, ce ne peut être qu'à la suite d'un choix réfléchi :« Aux êtres raisonnables, la raison a été donnée en vue d'une fonction plus parfaite ; aussi, pour les hommes, vivreselon la nature devient vivre selon la raison » (Diogène Laêrce, Livre VII, 86).Connaître sa propre nature, pour l'homme, c'est reconnaître qu'il y a en lui une faculté capable « d'avoir conscienced'elle-même, de sa nature, de son pouvoir, de la valeur qu'elle apporte en venant en nous », en bref, c'estreconnaître l'existence de la Raison (Épictète, Entretiens, Livre I, Chap.
1).
Dès lors, la paix intérieure, gage du bonheur que la sagesse nous permet d'atteindre par un effort soutenu etconstant, coïncide avec la compréhension de la marche du monde.
Soumettre les choses à nos désirs, tel est lepropos de l'insensé : cela n'a pas de sens, parce que tout simplement cela n'est pas possible.
Alors, puisque leschoses sont plus fortes que tout, convient-il de soumettre son propre désir aux choses qui adviennent, enatténuant, voire même en annulant nos désirs ? Tel est d'ailleurs le thème que l'on retrouvera beaucoup plus tard,presque mot pour mot, sous la plume de Descartes, lorsque dans la troisième partie du Discours de la méthode il estamené à composer sa morale provisoire :« Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs quel'ordre du monde, et généralement de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir quenos pensées.
»
Cela convient au penseur lorsqu'il entreprend sa démarche vers le vrai.
Mais le sage, lui, n'oppose plus les désirs etles choses.
Ce qu'il désire, ce sont les choses telles qu'elles adviennent, et il sait en même temps que les choses quiadviennent ne peuvent être que conformes à ses désirs, puisque tout ce qui vient n'arrive que selon l'ordreuniversel.
Si bien que le sage en vient à proclamer : non seulement j'obéis aux dieux, mais j'approuve.Avec Épictète, s'il est donné à l'homme de « vouloir que les choses arrivent comme elles arrivent », il lui est, aussiet surtout, donné de « faire que tout événement lui apparaisse comme il le veut ».
N'est-ce pas, en effet, le regard.
»
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