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Quel est le sens profond de ce mot d'un écrivain contemporain « Toute métaphysique est affaire de tempérament » ?

Publié le 20/06/2009

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INTRODUCTION. - On peut, en empruntant la terminologie de KANT, caractériser la métaphysique comme la discipline qui a pour objet le noumène ou la chose en soi, tandis que la science se borne au phénomène, à ce que les choses sont pour nous. La science comporte donc un certain relativisme tandis que la métaphysique porte des affirmations absolues. Comment, dans ces conditions, a-t-on pu écrire : « Toute métaphysique est affaire de tempérament « ? N'y a-t-il là qu'une boutade ou pouvons-nous y découvrir un sens profond ?

I. — MÉTAPHYSIQUE ET TEMPÉRAMENT PHYSIQUE

Au sens propre, le mot « tempérament « est synonyme de « constitution physique « et désigne les particularités organiques qui caractérisent un individu. Pendant des siècles a prévalu la classification humorale en sanguins, lymphatiques, bilieux et atrabilaires (remplacés dans les temps modernes par les nerveux). Aujourd'hui, c'est plutôt d'après le type morphologique qu'on classe les hommes, distinguant par exemple, au moyen de termes techniques qui constituent la principale originalité des différentes classifications : les cérébraux, les thoraciques et les abdominaux.

« métaphysique. A.

— La métaphysique suppose un tempérament métaphysicien. Il n'est pas de science qui n'exige des aptitudes particulières.

Sans doute, sans avoir de bosse spéciale, on peutassimiler ce qu'il faut connaître d'une discipline pour subir avec succès les épreuves d'un examen; mais on n'est pasphysicien pour posséder son certificat de physique.

De même, on peut apprendre la métaphysique sans être pourautant métaphysicien.

Ne mérite ce titre que celui pour qui les problèmes qui se posent dans ce domaine et lessolutions qui leur sont apportées ne sont pas un savoir, mais une vie ou une expérience personnelle.

Et même, àstrictement parler, pour être métaphysicien, il ne suffit pas d'avoir une préférence pour quelqu'un des systèmes quis'opposent ou même d'avoir fait un choix définitif; le métaphysicien authentique a son système à lui.

Il ne l'a sansdoute pas élaboré à partir de rien; peut-être même y reconnaît-on les grandes lignes de la pensée d'un philosopheconnu, mais il se l'est si parfaitement assimilé qu'il fait en quelque sorte partie de sa substance mentale, etl'assimilation a été d'autant plus facile qu'il appartient à la même famille d'esprits que celui dont il s'inspira.C'est dire que la métaphysique est affaire de tempérament.

Pour s'intéresser aux problèmes qu'elle pose, il ne fautpas seulement une certaine pénétration d'intelligence — celle-ci ne suffirait pas à constituer un tempérament; — ilest plus nécessaire encore d'éprouver une certaine inquiétude d'esprit, de sentir profondément le sérieux de la vie etd'avoir un incoercible besoin de cohérence.

De telles dispositions ne s'acquièrent pas; elles font partie de laconstitution psychique reçue en naissant, en d'autres termes, du tempérament. B.

— Le tempérament influe sur le système métaphysique. Le philosophe devrait sans doute, s'efforçant de penser comme un esprit pur, dominer l'influence de sontempérament : « Rien de plus personnel en fait que la philosophie, observait LACHELIER à la séance de la Sociétéfrançaise de philosophie du 26 mars 1908 (Bulletin, p.

183; Œuvres, II, 157); rien de plus impersonnel en droit,puisqu'elle est la réalité totale, c'est-à-dire, au fond, si on l'entend bien, la raison universelle prenant conscience etrendant compte d'elle-même.

» Mais, quoi qu'il en soit du droit, le fait est indiscutable : « Il n'y a chez le philosopheabsolument rien d'impersonnel, et en particulier sa morale atteste de façon décisive ce qu'il est, c'est-à-dire lahiérarchie des instincts les plus profonds de sa nature.

» (F.

NIETZSCHE, Au-delà du bien et du mal, § 6.)L'impersonnalité à laquelle vise tout métaphysicien est une limite à laquelle il ne saurait atteindre, tant à cause del'objet de la métaphysique qu'à cause de sa nature propre. a) A cause de l'objet de la métaphysique.

— « Le philosophe, dit COURNOT, est voué par état à chercher la raison des choses.

» (Considérations sur la marche des idées) Si nous prenions ce mot « choses » à la lettre, nouspourrions espérer aboutir en philosophie comme en physique à une explication objective et admise par tous.

Maisparmi ces « choses » que le philosophe cherche à comprendre, il y a lui-même et sa destinée, l'usage à faire de saliberté et le sens de sa vie.

« L'origine de la philosophie se trouve dans l'étonnement, le doute, la conscience quel'on a d'être perdu.

Dans chaque cas, elle commence par un bouleversement qui saisit l'homme et fait naître en lui lebesoin de se donner un but.

» (K.

JASPERS, Introd.

à la philo., p.

28.

Plon, 1951.)Pour désigner un système particulier de métaphysique, on fait parfois appel au substantif allemand Weltanschauung(représentation ou conception du monde).

Mais, comme le fait remarquer GUSDORF, cette expression est peusatisfaisante : « Elle semble situer la vérité personnelle du côté du monde plutôt que du côté du moi, alors quel'univers et la personne se trouvent en fait, en étroite implication.

D'autre part, la formule, française ou allemandegarde par trop un caractère contemplatif et spéculatif.

Or, il ne s'agit pas d'une théorie abstraite, mais d'unengagement de l'être dans le monde, vérité d'existence et non pas de raison.

» (Traité de l'existence morale, p.153.) b) A cause de la nature du métaphysicien. — D'ailleurs, ce n'est que par abstraction que nous pouvons parler d'activité rationnelle de l'esprit.

L'esprit, ou plutôt le composé humain, forme un tout et agit toujours comme tout.La distinction des facultés, utile pour l'analyse des processus mentaux, induirait en erreur si l'on en faisait despuissances susceptibles d'agir indépendamment les unes des autres.

Il faut aller au vrai « avec toute son âme »,disait PLATON.

Et peut-être la valeur du métaphysicien dépend-elle moins de sa classe intellectuelle que de savaleur morale de la rectitude de son vouloir et de la noblesse de ses sentiments.

Tous les systèmes philosophiques qu'on a fabriqués comme le couronnement suprême des résultats ultimes dessciences particulières ont eu en toute époque moins de consistance et de vitalité que les autres systèmes quireprésentent l'aspiration intégrale de leur auteur.C'est que les sciences qui nous en imposent tant et sont indispensables à notre vie, nous sont, en un certain sens,plus étrangères que la philosophie.

Elles tendent à une fin plus objective, c'est-à-dire en dehors de nous-mêmes(...).[Au contraire], notre philosophie, c'est-à-dire notre manière de comprendre ou de ne pas comprendre le monde etla vie, jaillit de notre sentiment touchant à cette vie elle-même.

Et celle-ci, comme tout ce qui est affectif, a desracines subconscientes, peut-être inconscientes.Ce n'est pas nos idées qui nous font optimiste ou pessimiste, c'est notre optimisme ou notre pessimisme, d'originephysiologique, ou au besoin pathologique, l'un autant que l'autre, qui nous fait nos idées.

(M.

DE UNAMUNO, Lesentiment tragique de la vie.)La philosophie est un produit humain de chaque philosophe, et chaque philosophe est un homme en chair et en osqui s'adresse à d'autres hommes en chair et en os comme lui.

Et qu'il fasse ou non comme il le veut, il philosophe,. »

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