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Qu’est-ce que le bon sens?

Publié le 31/01/2020

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On ne peut se passer du bon sens, prétend-on d'un côté. Le prétendu « bon sens » est justement ce qui doit être dépassé au profit de la science véritable, entend-on de l'autre. Voilà dans quelle alternative nous nous trouvons placés. Mais, dans les deux cas, le bon sens demeure une notion bien peu sûre. D'une part, il est une intuition presque surnaturelle ; et, d'autre part, il est comme une concrétion de préjugés. Néanmoins, dans les deux membres de l'alternative, il est également partagé par tous les hommes. Car, chez Platon aussi, la « doxa » précède toujours (malheureusement, selon lui) l'acquisition de la science.

Peut-être pouvons-nous nous appuyer sur cette caractéristique pour donner au bon sens une signification plus précise. On peut, à la suite de Kant, l'interpréter comme le « sens commun ». Le sens commun, c'est d'abord la capacité que nous avons à « sentir avec » d'autres hommes,

« [ r DISSERTATION Doit-on pour autant estimer que le bon sens n'est qu'un « pis-aller», utile seulement quand nos facultés supérieures sont inefficaces? Aristote, dans le cha­ pitre V du livre VI de !'Éthique à Nicomaque, montre au contraire que le bon sens peut s'avérer irremplaçable.

Dans le domaine de la vie sociale et politique, on n'use pas du bon sens, de la «prudence» faute de mieux, mais parce que c'est la seule de nos facultés capables de comprendre les singularités de la vie en commun.

Une science politique trop abstraite ne peut en effet s'adapter aux urgences et aux mille détails de la vie politique.

En conséquence, le bon gouvernant n'est pas l'homme le plus savant ou le plus profond, c'est celui qui possède un «flair» infaillible et une grande capacité d'adaptation.

En somme, l'homme prudent, l'homme du bon sens, est le meilleur des chefs politiques.

Cette définition du bon sens reste pourtant bien nébuleuse.

Le bon sens serait une intuition plus ou moins rationnelle, un «je-ne-sais-quoi», supérieur par prin­ cipe, notons- le, puisqu'il est toujours déjà qualifié de « bon ».

Cette notion est d'autant plus imprécise qu'elle relève tout aussi bien de la gnoséologie que de la morale : le bon sens est incapable d'erreur comme de vilenie.

La confusion est à son comble lorsque l'on note que le bon sens est bien souvent invoqué justement lorsque l'on se trouve à court d'arguments rationnels.

Quand je prétends qu'une idée est« de bon sens», c'est généralement que je suis incapable de la démontrer selon l'ordre des raisons.

Se tourner vers le bon sens est en quelque sorte recourir à un argument d'autorité déguisé qui ne prouve rien.

En opposant à son interlocuteur un « Mais enfin, c'est de bon sens!», on ne mani­ feste rien d'autre que son impuissance.

On convoque dans la discussion l'autorité bien discutable de la «vox populi » ou de la sagesse des nations.

Cela nous incite à suivre Platon dans sa critique du bon sens.

Bien souvent il n'est qu'une somme de préjugés, comme il le souligne dans !'Apologie de Socrate.

De plus, la croyance, la« doxa », ignore qu'elle est une simple croyance et non un véritable savoir.

Le bon sens a donc tendance à revendiquer pour lui seul la vérité, au détriment de savoirs plus solides.

Or, il est loin d'être toujours cohérent C'est tout l'objet des premiers dialogues de Platon où Socrate débusque les contradictions cachées dans les adages populaires ou dans les opinions de bon sens.

En outre, ce qui découle du bon sens à une époque et dans une société déter­ minées sera considéré comme absurde dans d'autres circonstances.

Par exemple, la loi du talion (« œil pour œil, dent pour dent») a longtemps semblé aller de soi, être de bon sens.

Elle nous apparaît désormais non comme le fondement d'une véritable justice mais comme la profession de foi de la vengeance perpétuelle.

Loin d'être une faculté universelle et intemporelle, le bon sens semble bien instable.

Le plus souvent incohérent, il ne peut nous fournir une règle de jugement fiable et constante.

Doit-on pour autant récuser la notion de bon sens comme entachée de pré­ jugés et d'imprécision? N'est-il pas possible d'en réformer le sens? 1 L___. »

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