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Qu'est-ce que le Nouveau Roman ?

Publié le 11/01/2010

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Le Nouveau Roman est un mouvement littéraire qui, essentiellement dans les années 1950-1960, s'est attaché à mettre en question les techniques principales qui définissaient le genre romanesque.  Se refusant à un réalisme de convention hérité de Balzac, puisant son inspiration dans les grandes œuvres de la littérature étrangère, le Nouveau Roman se définit essentiellement comme un anti-roman. En apparence, il ne propose rien d'autre qu'un roman sans intrigue, sans personnages, sans contenu. En réalité, il cherche à rendre l'image d'une réalité intérieure éclatée, comme à la recherche d'elle-même. Au prix d'une nouvelle radicalisation, le Nouveau Roman ne se donne plus d'autre objet que lui-même. Mettant à nu les mécanismes par lesquels il s'engendre, le roman raconte le récit de sa propre création. Ce faisant, il n'évacue pas, cependant, tout lien au réel, comme le démontrent assez les œuvres les plus récentes dans lesquelles se donne à lire, de manière il est vrai ambiguë, le visage même de l'auteur.

« le définissait.

Notre époque, argumente Robbe-Grillet, est celle du vacillement de la vérité, de l'éclatement du sens,de l'érosion de l'individu.

C'est dans cette configuration nouvelle que doit s'inscrire, pour prendre la mesure de sontemps, le roman contemporain.

A quoi bon écrire des romans balzaciens dans un monde qui ne l'est plus, dont lesens nous échappe, et dans lesquels les individus ne vivent plus de la même présence au monde ? Le roman doit sefaire fragmentaire, éclater en morceaux que l'écriture juxtapose en un puzzle qui ne se résoudra jamais à composerune image unique et simple, mais qui, par son existence même, sera déjà comme une réponse au désordre du réel :«Les significations du inonde, autour de nous, ne sont plus que partielles, provisoires, contradictoires même, ettoujours contestées.

Comment l'œuvre d'art pourrait-elle prétendre illustrer une signification connue d'avance, quellequ'elle soit? [...] Pourquoi voir là un pessimisme ? En tout cas, c'est le contraire d'un abandon.

Nous ne croyons plusaux significations figées, toutes faites, que livrait à l'homme l'ancien ordre divin, et à sa suite l'ordre rationaliste duXIXe siècle, mais nous reportons sur l'homme tout notre espoir: ce sont les formes qu'il crée qui peuvent apporterdes significations au monde.

» Dire le désordre du monde et tenter de lui donner forme par l'écriture sans se contenter de s'en remettre à unpseudo-réalisme.

Tel est peut-être le projet d'un Nouveau Roman qui ne cesse de mettre en scène des individusanonymes et déchirés qui, aux prises avec la mémoire l'histoire, la mort ou l'obsession, tentent de recoller lesmorceaux épars de leur conscience, en s'accrochant aux certitudes précaires du monde matériel qui les entoure etqu'ils s'attachent à fixer par l'écriture ou la pensée.Ainsi dans La Jalousie de Robbe-Grillet, ce roman qui, au gré de l'interminable description d'une demeure coloniale, deses objets, de ses habitants et de leurs gestes anodins donne à lire la conscience éclatée d'un mari tourmenté parl'infidélité de sa femme et retournant sans fin dans son esprit les images — lourdes ou vides de signification — dumonde qui les entoure.

Aucune histoire cohérente et véritable qui se développerait de manière logique etchronologique, aucun portrait psychologique dans ce texte.

Rien d'autre que le monotone ressassement des mêmesformes, l'obsédante répétition des mêmes actes pour dire le mécanisme obsessionnel du soupçon et du doute. Du Nouveau Roman au Nouveau Nouveau Roman Roman fragmentaire dans lequel toute intrigue éclate en morceaux, à l'image d'un monde intérieur qui lui-même sedéfait.

Ainsi se présente donc le Nouveau Roman.

Telle est du moins l'image qui, grâce aux talents de vulgarisateurde Robbe-Grillet, s'est rapidement imposée et figure désormais dans de nombreux manuels de littérature.

Cependant,la réalité est beaucoup plus complexe.D'abord parce que, comme l'écrivait Roland Barthes, «il n'y a pas d'école Robbe-Grillet » : les théories énoncées plushaut ne sont que celles de Robbe-Grillet et à ce titre ne s'appliquent qu'imparfaitement aux œuvres des autresnouveaux romanciers.

Bien plus, elles sont souvent comme un rideau de fumée que Robbe-Grillet, avec beaucoupd'astuce, a disposé devant ses propres romans pour orienter ses lecteurs dans un dédale d'interprétations erronées.Ensuite, parce que le Nouveau Roman tel qu'il a été défini plus haut est uniquement le Nouveau Roman des années50.

Or, à partir du début des années 60, sous l'influence notamment d'écrivains plus jeunes tels Jean Ricardou, leNouveau Roman connaît une transformation radicale.

Celle-ci qui, souvent d'ailleurs, n'est pas estimée à sa justemesure, amena certains critiques à formuler l'idée que, à partir de cette date-charnière, le Nouveau Roman auraitdonné naissance à un Nouveau Nouveau Roman.Quelle est la nature de ce qui sépare le Nouveau Roman du Nouveau Nouveau Roman? Disons que, même si leNouveau Roman se refusait avec emphase au réalisme balzacien, il se proposait encore dans une large mesure detraduire une certaine réalité : réalité intérieure, fragmentaire certes, éclatée, contradictoire, mais qui trouvaitcependant le lieu de son unité dans la subjectivité d'un personnage central.

Ainsi, pour reprendre l'exemple de LaJalousie, le roman, certes, ne présente au lecteur aucune intrigue linéaire articulée autour de véritables portraitspsychologiques.

Cependant, derrière la régulière répétition des mêmes descriptions, l'auteur nous invite bien àdéchiffrer une histoire, d'amour en l'occurrence, et à découvrir au sein de celle-ci comme un personnage caché — lenarrateur absent.

Il en va de même, et quoi qu'aient cru pouvoir démontrer certains exégètes, de tous les NouveauxRomans de la première génération.

S'ils refusent le réalisme balzacien, c'est au nom d'une autre forme de réalismequ'à la suite de Robbe-Grillet on pourrait qualifier de subjectif.Tout change avec le Nouveau Nouveau Roman.

Déjà dans Histoire (1967) de Claude Simon ou Dans le labyrinthe(1959) de Robbe-Grillet, il devient impossible de rendre compte des différents épisodes du roman à partir d'unehypothèse aussi simple.

Les morceaux du puzzle narratif cessent de s'ajuster et aucune intrigue univoque n'estdésormais à reconstituer dans le texte.

C'est que, avec le Nouveau Nouveau Roman, le roman se met à proliférerselon une logique qui abandonne tout lien avec le vraisemblable, le réel.

Les fragments de texte se multiplient enfonction de procédures extrêmement complexes et subtiles et cessent de composer, dans leur réunion, une histoirecohérente et non contradictoire.

Une image appelle une autre image, une scène une autre scène, un mot un autremot et l'ensemble est organisé à la manière d'une immense charade, d'un complexe rébus, d'un jeu de combinaisons,de déplacements et de substitutions.

Il en va ainsi dans Projet pour une révolution à New York de Robbe-Grillet, oùune invraisemblable et contradictoire histoire de terrorisme et de sexualité est construite progressivement à partirdes différentes scènes qui sont générées par le motif de la couleur rouge.

De même dans Leçon de choses deClaude Simon, où le roman semble par moments surgir des pages mêmes d'un vieux manuel scolaire dont les imagess'animent.Pourquoi une telle manière d'écrire? C'est que, avec le Nouveau Nouveau Roman, le texte se prend lui-même commeobjet.

Le roman ne raconte rien d'autre que le roman lui-même et le processus de sa fabrication.

Il cesse donc de serattacher à une réalité qu'il désignait pour mettre à nu les mécanismes de son propre fonctionnement.

Il cesse d'êtrele lieu d'une représentation univoque et manifeste ouvertement son caractère pluriel.

Selon la célèbre formule deJean Ricardou, on passe de l'écriture d'une aventure à l'aventure d'une écriture.

Du coup, le texte se refuse à êtrele lieu d'aucune Vérité, mais devient le lieu où se déconstruit tout discours de Vérité.. »

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