Qu'est-ce qui distingue le public du privé ?

« du travail, de la communauté, du partage, et c'est en cela qu'il caractérise parfaitement le public, qui relève plutôtde la production.Car l'homme ne peut être social dans le privé : « l'expropriation est le moyen le plus efficace de réaliser l'invasiondu privé par la société, la « socialisation de l'homme » (Marx) » (cité par Arendt, Condition de l'Homme Moderne ); mais cette caractéristique ne remet pas en question l'importance de l'existence du privé, symbolisé par un foyerfamilial propre.

La famille constitue une sorte de « société de la vie privée », idée renforcée par la comparaisonconstante de la structure d'une société étatique et de celle de la famille (comme on peut le constater à la lecturede l'article « Autorité politique » de Diderot dans l' Encyclopédie ), mais Rousseau va combattre ces analyses soulevant les parallélismes dans son Contrat social .

Arendt va jusqu'à expliquer que l'homme ne s'est véritablement créé qu'avec cette distinction du privé et du public : « L'un des caractères du privé, avant la découverte del'intime, était que l'homme n'existait pas dans cette sphère en tant qu'être vraiment humain mais en tant quespécimen de l'espèce animale appelée genre humain ».

L a question du privé et du public renvoie à deux concepts philosophiquement importants : la liberté et la tolérance.

Liberté car l'existence de deux domaines régissant la vie de chaque individu provoque forcément deschoix, des décisions, des solutions pour faire face à l'injustice et à l'oppression.L'homme, seul, face à un État et à une administration oppressants qui réduisent l'homme à un stade de servilitéprofonde : c'est le cas de Joseph K dans Le Procès de Kafka.

L'absurdité du procès dont est victime K, l'impossibilité pour cet homme de se défendre (et même de comprendre pourquoi il est accusé) face à une administration et à unejustice hermétiques, qui représentent bien cet État fermé et haut dessus de tous, jugeant sans preuve et sansdéfense possible.

Le système judiciaire de Kafka mènera son héros à la folie, à la mort.

C'est le même cas de figuredans une oeuvre magistrale de la littérature britannique : 1984 de George Orwell.

Ici, le héros Winston Smith est confronté à un monde totalitaire terrifiant, sous le joug du fameux Big Brother : le domaine public et politique atotalement effacé la vie privée, la contrôlant d'abord avec la Police de la Pensée, puis la réduisant à néant, afin quechaque individu vive pour la communauté.L'oppression décrite avec terreur par Kafka, Orwell et même Bradbury dans Fahrenheit 451 (oppression contre la culture et la littérature plus particulièrement) amène un autre concept essentiel aussi bien dans le domaine publicque dans le domaine privé : c'est la tolérance.

Le domaine privé relèverait de l'autonomie, de la législation du moi; etle domaine public de la loi qui, interdisant la violence, ne pourrait tout tolérer sous peine de disparaître.

La toléranceest une exigence à la vie véritablement humaine, qui consiste dans le fait de partager un monde commun, departager des objets communs : la tolérance permet l'échange, l'échange permet le social, créant ainsi le public et leprivé.

Ainsi, ce sujet soulève la distinction épineuse entre public et privé qui, comme nous l'avons dit, est moins une opposition qu'une confusion : l'importance du domaine privé, comme « acte de naissance » de ce qu'on peutvéritablement appeler homme, s'adjoint à l'importance du domaine public et politique car, rappelons-le, une despremières définitions de l'homme est celle de zoon politikon, « animal politique », par Aristote au IV ème siècle avant Jésus-Christ.Le sujet met également en relief la place de la liberté dans ces deux domaines : effectivement, il y a risqued'atteinte à la liberté si le domaine public conquiert le domaine privé, d'où la nécessité de l'apprentissage de latolérance dans une société dont certaines valeurs sont en perdition, mettant ainsi en péril l'équilibre social, labalance du public et du privé.. »