Qu'est-ce Qu'un témoignage ? En quoi le témoignage diffère-t-il des autres documents dont dispose l'historien ?

Ainsi, pouvons-nous conclure cette rapide enquête sur la nature du témoignage du point de vue de l'historien : celui-ci, quand il travaille, d'après documents, à établir la matérialité des faits, fondement de son oeuvre, n'est ni plus ni moins qu'un juge interrogeant ses témoins, dont il exigera une information sérieuse (si possible, la connaissance directe des faits qu'ils racontent), et il suppléera pour eux au souci de vérité qui le guide. Il nous reste maintenant à examiner en quoi le témoignage ainsi défini se distingue des autres documents dont dispose l'historien. Car, semble-t-il, tout est témoignage. La colonne élevée à Rome en l'honneur de TRAJAN, une lettre de Mme DE MAINTENON racontant la représentation à'Esther à Saint-Cyr, une tradition orale qui rapporte un fait perdu dans la nuit des temps, sont en quelque façon l'expression d'hommes ayant voulu nous parler de faits auxquels ils ont, de près ou de loin, participé. Il importe cependant de ne pas se laisser tromper par une ressemblance matérielle. Des exemples nous permettront de distinguer les témoignages des autres documents. Précisons tout d'abord. Il y a une sorte de documents que l'on ne peut assimiler au témoignage proprement dit : ce sont les opinions que ne manquent pas de présenter nombre d'auteurs sur des faits ou des situations par ailleurs parfaitement connues. On n'a que faire d'un témoin dont l'apport est inutile. De même, tel jugement porté sur la mentalité contemporaine est intéressant parce qu'il nous livre la pensée de son auteur, mais il n'est pas un témoignage au sens vrai, puisque ce sur quoi il porte est encore visible par tous, et peut être jugé différemment.